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Jofué I.

II.

due pour les laiffer fortir du lieu de leur esclavage: le Jourdain s'ouvrit pour les faire entrer dans la Terre de promiffion. Moyfe fut choifi de Dieu pour opérer ce premier prodige: Jofué fut choifi pour opérer le fecond. Le pasfage de la Mer Rouge fcella le grand caractère de Libérateur, dont le premier de ces Saints Hommes avoit été revêtû: le paffage du Jourdain fut un fceau appofé à la vocation de fon fucceffeur, & confirma d'une maniere éclatante cette promeffe que Dieu lui avoit faite, Je ferai avec toi, comme j'ai été avec Moyfe.

Mais quoique Dieu fe fût engagé d'une manière autentique à faire profpérer le Ministére de Jofué, il l'exhorta de ne point mettre d'obftacle à l'accompliffement de cette promeffe. Il le fomma d'avoir toûjours préfente à l'efprit la Loi qui lui avoit été donnée, & d'en fuivre religieufement toutes les claufes. Il mit fa grace & fa protection à ce prix. Et quoique la conquête du païs de Canaan dût être le fruit d'une longue fuite de Miracles, Jofué ne crût pas devoir négliger les caufes fecondes, ni s'affafer nonchalamment fur le fecours du Ciel, fans confulter la prudence humaine. Rien n'eft plus efficace pour animer un homme fage à de grands travaux, que l'idée d'une grace furnaturelle qui lui en garentit le fuccès. Jofué prit fur-tout deux précautions.

I. Il ordonna aux Officiers de fon Armée de préparer des provifions, parce, leur dit-il, que dans trois jours vous pafferez le Jourdain, pour al

ler

1. SALOM. JARCHI in Jof. I. II. pag. 3.
2. Voi. MEDRASCH RUTH cité dans le même en

ler dans le païs dont Dieu vous affure ta poffeffion. Cet ordre a quelque difficulté. Premièrement comment fe peut-il que Jofué ait voulu que le Peuple préparât des provifions, puisque les Ifraëlites trouvoient tous les matins la Manne du Ciel à leurs portes, & qu'elle ne ceffa de tomber que le feizième jour du mois de Nifan, après Jofue Va qu'ils eurent celebré la Pâque, & mangé des 10.11.12. fruits du païs de Canaan? Cette difficulté ne feroit peutêtre pas infoluble, & on y a trouvé de bonnes folutions, même en fuppofant que Jofué voulut qu'on préparât des provifions de bouche. Mais pour la faire évanouir entiérement, on n'a qu'à fuppofer qu'il parle des munitions de guerre. Le terme de l'Origi nal favorife cette explication. Elle a été adop tée par Salomon Jarchi, qui s'autorife du fentiment de quelques Rabins. Il est étonnant que lorsque ce Docteur Juif concilioit ainfi le Texte de Jofué, il l'ait contredit fi expreffément, en difant que la Manne cefla de tomber, dès le douzième jour du mois de Nifan.

3

Une autre difficulté roule fur les trois jours, dont il eft parlé dans les paroles que nous avons citées; Vous pafferez le fourdain dans trois jours. De la maniere dont elles font couchées dans le Texte, il femble qu'il y eût plus de trois jours, depuis le tems qu'elles furent prononcées, jusques au paflage du Jourdain. Mais il eft à prélumer que l'Hiftorien raconte par anticipation ce qui ne fe paffa, que depuis que les perfonnes envoyées pour épier le païs de

Ca

3. Conferez fa note fur Jofué 1.11. pag. 3, avec celle qu'il fait fur Jof V. 10. 11. 12, pag. 14,

Canaan furent de retour: les Enfans d'Ifraël entrérent dans le païs de Canaan, trois jours après qu'elles en furent revenues. Cette Hypothefe eft préférable à celle de quelques Interpretes, qui ont crû que Jofué étoit dans l'erreur, lorsqu'il parloit ainfi aux Ifraëlites. Ce font là de ces violentes folutions, auxquelles il ne faut jamais avoir recours, fans une abfolue néceffité.

L'envoi de deux Efpions, que l'Histoire Ste. ne nomme point, fut la feconde précaution de Jofué. Ils partirent par fon ordre du Camp de Sittim, fitué dans les plaines de Moab, où campoient alors les Ifraëlites. Leur commiffion portoit qu'ils épiaffent la ville & le territoire de Jérico. Ils arrivérent dans cette ville, & ils y furent recueillis par une femme nommée Rahab. L'équivoque du terme, dont les Auteurs facrez fe font fervis pour marquer fa profeffion, eft peu avantageuse à fon honneur. Il Jofué II. peut fignifier ou qu'elle étoit une Hôteliére, ou qu'elle étoit une Femme prostituée. Si la charité demande que nous donnions au mot de l'Original l'explication la plus favorable dont il eft fufceptible, il faut reconnoitre auffi que les plus grandes probabilitez font contre Rahab.

I.

Nous ne faifons pas beaucoup de fonds fur le témoignage des Juifs qui ont parlé des mœurs de cette femme, & des circonftances de fa vie, avec cette témérité, dont ils ont accoutumé d'accompagner les recits les plus incertains. Il

eft

4. C'eft la penfée de ST. AUGUSTIN quaft. 2. in Fo Juam Tom. IV. pag. 122. 123.

5. JALCUT part. II. fol. 3.

6. Voi, un long paffage de PLAT ON de Legibus Lib II. pag. 918-19-20. ATHENA Deipnosoph. Lib. XIII,

eft dit dans le Jalcut, que quand les Enfans d'Ifraël fortirent d'Egypte, elle étoit agée de dix ans: qu'elle commença dès lors l'indigne mêtier de proftituée, dont fa jeuneffe fembloit la rendre encore incapable: & qu'elle le continua jusqu'à l'Epoque dont nous parlons. Mais voici quelque chofe de plus pré

cis.

1. La fignification conftante du terme, qui exprime la profeffion de Rahab, eft celle d'une femme proftituée. Je ne fai même fi Pon pourroit produire un feul paffage, dans lequel on foit forcé de le prendre dans un autre lens. 2. Les Septante ont fuivi cette Interpréta

tion......

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3. St. Paul & St. Jaques ont traduit de mê- Hebr. me: & il n'eft pas vraisemblable que ces Sts. XI. 13. Hommes euffent voulu flétrir la réputation, Jac. II, & ternir ainfi les premiéres années d'une femme, qui fut enfuite vénérable dans l'Eglife, s'ils n'y avoient été contraints par les loix de la.

vérité.

4. La profeffion d'une Hôteliére, & celle d'une femme proftituée avoient anciennement une grande affinité, comme le prouve le témoi gnage de plufieurs Auteurs que nous indiquons. C'est peut-être une des raifons, qui ont porté les Juifs à apeller ces deux profesfions du même nom.

Mais s'il y a beaucoup de vraifemblance dans l'opinion de ceux qui penfent que Rahab étoit une femme prostituée, nous ne trouvons rien

qui

pag. 566. &c. TOMASINUS de Tefferis hofpitalitatis Cap. 29. dans le Ix. vol. des Antiquit, Gr. pag. 278. Voi. HENR. STEPH. Thefaur, Ling, Gr. Tom. II. voce xε pag. 67. col. 1.

qui juftifie la conjecture de ceux qui ont a yancé que les débordemens de fa vie venoient de fa Religion, qu'elle étoit dévouée à la Lune, qu'on prétend avoir été la Divinité tutelaire de la ville de Jérico, & que la proftitu tion étoit une partie du culte qui lui étoit ren

du.

Ce qu'il y eut d'infame dans quelques-unes des années de Rahab n'empêcha pas que fa Foi & fa Repentance ne fuffent agréables à Dieu. Les fuccès inouis des Ifraëlites, le bruit des victoires qu'ils avoient déjà remportées, cette fuite de merveilles dont leur féjour en Egypte, & les quarante années qu'ils avoient paffées dans le Defert, avoient été accompagnez, toutes ces circonstances réunies engagérent Rahab à de profondes réflexions fur l'existence & fur les perfections du premier Etre: elle comprit que la puiflance de Dieu n'étoit pas reftreinte à certains lieux, & à certains peuples: elle fut convaincue que les nations, dont il étoit le

moins connu, n'étoient pas moins fes créatu res que celles qui lui rendoient le culte fupréme, & que les Cananéens étoient à lui comme les Ifraëlites: elle fe dévoua à fon fervice: la premiére victime, qu'elle lui immola, fut l'infame profeffion qu'elle avoit fuivie: elle regarda les Miracles, que Dieu avoit déja opérez en faveur des Juifs, comme des garants de ceux qu'il leur refervoit encore; elle ne douta point que ces favoris du Ciel ne fiffent bien-tôt la conquête de tout ce pais, fur les frontiéres duquel la Providence les avoit fi miraculeufement conduits: & elle voulut être incorporée dans

une

7 Voi. SALIAN Tom. II. Annal. fur l'an 2584. art,

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