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tions qu'on jugea à propos de lui impofer.

On reçut dans ce tems-là la nou- Polyb.lib. 5. velle qu'il étoit né un fils au Roi: cel. 399-401. qui fut un grand fujet de joie pour toute la Cour & pour toute l'armée. Hermias, dès ce moment, fongea aux moiens de fe défaire du Roi dans l'efpérance qu'après fa mort il ne manqueroit pas d'être nommé tuteur du jeune Prince, & que fous fon nom il exerceroit un empire abfolu. Il étoit devenu odieux à tout le monde par fa hauteur & fon infolence. Les peuples gémiffoient fous un gouvernement que l'avarice & la cruauté du premier Miniftre leur rendoient infupportable. Leurs plaintes n'arrivoient point jufqu'au trône, dont toutes les avenues leur étoient fermées. Perfonne n'ofoit faire connoitre au Roi l'oppreffion des peuples. On favoit qu'il craignoit de voir la vérité, & qu'il abandonnoit à la cruauté d'Hermias tous ceux qui entreprenoient de parler contre lui. Il avoit ignoré jufques-là les injuftices & les violences qu'Hermias exerçoit fous fon nom. Il commença enfin à ouvrir les yeux mais il craignoit lui-même

ce Miniftre, dont il s'étoit rendu dépendant, & qui avoit pris fur lui une autorité abfolue, en profitant du caractére indolent de ce Prince, qui d'abord étoit bien aife de fe décharger fur lui du foin & de l'embarras de toutes les affaires.

Apollophane fon médecin, en qui il avoit grande confiance, & qui par fa place avoit un libre accès auprès de lui, prit fon tems pour lui repréfenter le mécontentement général des peuples, & le danger où il étoit luimême de la part d'un tel Miniftre. I F'avertit de prendre garde à fa personne, de peur qu'il ne lui arrivât comme à fon frere en Phrygie d'être la victime de l'ambition de ceux en qui il avoit le plus de confiance. Qu'il étoit visible qu'Hermias formoit quelque deffein, & qu'il n'y avoit point de tems à perdre fi on vouloit le prévenir. Voila les fervices réels qu'un Officier attaché à la perfonne d'un Prince, & véritablement affectionné, peut & doit lui rendre. Voila l'ufage qu'il doit faire de l'accès libre que fon Maître lui donne, & de la confiance dont il l'honore.

Antiochus étoit environné de Courtifans qu'il avoit comblés de bien

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faits, dont aucun n'ofoit hazarder fa fortune en lui difant la vérité. On a bien raifon de dire, qu'une des graces les plus fignalées que Dieu puiffe accorder aux Rois, eft de les délivrer de la langue des flateurs, & du filence des gens de bien.

Le Roi, comme je l'ai déja dit, avoit commencé à former des foupçons fur fon Miniftre, mais il ne s'en étoit ouvert à perfonne, parce qu'il ne favoit à qui fe fier. Il fut bien aife que fon Médecin lui eût donné cet avis ; & il prit des mefures avec lui pour fe défaire d'un Miniftre fi généralement haï, & fi dangereux. Il s'écarta un peu de l'armée, fous prétexte de fa fanté, & il emmena Hermias pour lui tenir compagnie ; & dans une promenade où le Roi l'avoit attiré affez loin de tous ceux qu'il croioit difpofés à prendre fon parti, il le fit affaffiner par fa fuite. Cette mort caufa une joie univerfelle dans tout l'Empire. Cet hom me cruel & hautain avoit gouverné tout avec dureté & violence. Il n'avoit jamais pu fouffrir qu'on ouvrît d'avis contraire au fien, ou qu'on apportât d'oppofition à fes deffeins, fans perdre ceux qui avoient eu le courage

Polyb. lib. 5.

pag. 401.

de le faire. Auffi s'étoit-il fait univerfellement hair. Cette haine parut fur tout à Apamée. Car dès qu'on y eut la nouvelle de fa mort, toute la ville en furie courut lapider fa femme & fes

enfans.

Antiochus, après avoir rétabli fi heureusement fes affaires dans l'Orient, & avoir rempli les gouvernemens des provinces de perfonnes de mérite, & en qui il avoit le plus de confiance, ramena encore fon armée en Syrie, & l'y mit en quartier d'hiver. Il paffa le refte de l'année à Antioche à tenir de fréquens Confeils avec fes Miniftres fur les opérations de la campagne fuivante.

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Ce Prince avoit encore deux entre prises bien dangereufes à exécuter; pour rétablir entiérement la fûreté & la gloire de l'Empire de Syrie : la premiére contre Ptolémée pour recouvrer la Célé-Syrie; & l'autre contre Achéus qui venoit d'ufurper l'Afie Mi

neure.

Ptolémée Evergéte s'étant emparé de toute la Célé-Syrie au commencement du régne de Séleucus Callinicus, comme il a été dit ci-devant, le Roi d'Egypte étoit encore en poffeffion

d'une bonne partie de cette province, & Antiochus trouvoit ce voifinage bien incommode.

Pour ce qui eft d'Achéus, on a déja vû comment il avoit refufé la Couronne qu'on lui avoit offerte après la mort de Séleucus Céraunus, & l'avoit mife fur la tête d'Antiochus le fucceffeur légitime; qui, pour récompenfer fes fervices, lui avoit donné le Gouvernement de toutes les provinces de l'Afie Mineure. Sa valeur & fa bonne conduite les avoient toutes enlevées à Attale Roi de Pergame qui s'en étoit faifi, & qui s'y étoit déja affez bien fortifié. Tant de fuccès lui attirérent l'envie de ceux qui avoient l'oreille du Prince. Le bruit fe répandit à la Cour qu'il fongeoit à ufurper la Couronne, & que dans cette vue il entretenoit des liaisons fecrettes avec Ptolémée. Soit que ces foupçons fuffent fondés ou non, il crut devoir prévenir les mauvais deffeins de fes ennemis. Il pric la Couronne, qu'il avoit refufée auparavant, & fe fit déclarer Roi.

Il devint bientôt l'un des plus puiffans Princes de l'Afie, & chacun recherchoit avec empreffement fon aldiance, Cela parut clairement dans une Polyb. lib. 4a

P. 314-319.

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