Page images
PDF
EPUB

la paix: il leur répondit, comme il avoit déja fait auparavant, qu'il vouloit bien qu'elle fe fit, & qu'ils n'avoient qu'à favoir des Etoliens s'ils feroient dans les mêmes difpofitions. Ce n'eft pas qu'en effet il défirât fort la paix, mais il ne vouloit pas fe déclarer.

Il partit enfuite avec fes favoris pour se trouver aux Jeux Néméens à Argos. Pendant qu'il affiftoit à un des combats, arrive de Macédoine un courrier qui lui donne avis que les Romains avoient perdu une grande bataille dans la Tofcane près du Lac de Thrafyméne, & qu'Annibal étoit maître du plat pays. Le Roi ne montra cette lettre qu'à Démétrius de Phare, & lui défendit d'en parler. Celui-ci faifit cette occafion pour lui représenter qu'il devoit au plutôt laiffer la guerre d'Etolie, pour attaquer les Illyriens, & paffer enfuite en Italie. Il ajoutoit que la Gréce déja foumise en tout, lui obéiroit également dans la fuite : que les Achéens étoient entrés d'eux-mêmes & de plein gré dans fes intérêts: que les Etoliens, abbattus & rebutés par les mauvais fuccès de la guerre préfente, ne man

:

queroient pas de les imiter. Que s'il vouloit fe rendre maître de l'univers,. noble ambition qui ne convenoit mieux à perfonne qu'à lui,ilfaloit commencer par paffer en Italie, & la conquérir qu'après la défaite des Romains dont il venoit d'apprendre la. nouvelle, le tems étoit venu d'exécuter un fi beau projet, & qu'il n'y avoit plus à héfiter. Un Roi jeune, heureux dans fes exploits, hardi, entrepre nant, & outre cela né d'un fang qui s'étoit toujours flaté de parvenir un jour à l'Empire univerfel, ne pouvoit être qu'enchanté d'un pareil difcours..

Cependant, comme il fe poffédoit, & que maître de fes fentimens il n'en montroit que ce qui convenoit au bien de fes affaires, qualité bien estimable & bien rare dans un âge fi peu avancé, il ne marqua point trop d'empreffement pour la paix, quoiqu'alors il la fouhaitât avec beaucoup d'ardeur. Il fit dire feulement aux villes alliées d'envoier leurs Plénipotentiaires à Naupacte pour délibérer en commun fur la paix. Preffé par les Etoliens, il fe rendit lui même bientot tout près de cette ville à la tête de fes troupes. On étoit de tous côtés fi las de la guer

[ocr errors]

re, qu'on n'eut pas befoin de longues conférences. Le Roi fit propofer aux Etoliens par les Ambaffadeurs des Alliés pour premier article, que de part & d'autre on garderoit ce qu'on avoit. Ils y confentirent. On convint facilement des autres articles. Le Traité fut ratifié, & chacun se retira dans fon pays. Cette paix de Philippe & des Achéens avec les Etoliens, la bataille perdue par les Romains près du Lac de Thrafyméne, & celle qu'Antiochus perdit à Raphia, tous ces événemens arrivérent dans la troifiéme année de AN. M. 3787% Av. J.C.217. la cent quarantiéme Olympiade.

Dans la premiére Conférence particuliére qui s'étoit tenue devant le Roi & les Ambaffadeurs des Alliés, l'un d'eux, c'étoit Agélas de Naupacte, appuia fon avis de raifons qui méritent d'être ici raportées, & que Polybe a cru devoir inférer toutes entiéres dans fon récit. Il dit qu'il feroit à fouhaiter que les Grecs n'euffent jamais de guerre les uns contre les autres: que ce feroit un grand bienfait des dieux, fi, n'aiant que les mêmes fentimens, ils fe tenoient tous pour ainfi dire par la main, & réuniffoient toutes leurs for ces pour le mettre à couvert des inful

pas

tes des Barbares. Si cela ne fe pouvoit abfolument, que du moins, dans les conjonctures préfentes, ils devoient s'unir enfemble, & veiller à la conservation de la Gréce. Qu'il n'y avoit, pour fentir la néceffité de cette union, qu'à jetter les yeux fur les armées formidables des deux puiffans peuples qui fe faifoient actuellement la guerre. Qu'il étoit évident à quiconque avoit la moindre teinture des maximes de politique, que jamais les vainqueurs, foit Carthaginois ou Romains, ne se borneroient à l'Empire de l'Italie & de la Sicile, mais que fans doute ils poufferoient leurs projets beaucoup plus loin. Que tous les Grecs en général devoient être attentifs au péril dont ils étoient menacés, & fur tout Philippe. Que ce Prince n'auroit rien à craindre, fi, au lieu de travailler à la ruine des Grecs, & de faciliter leur défaite à leurs ennemis, comme il avoit fait jufqu'alors, il prenoit à cœur leurs intérêts comme les fiens propres, & veilloit à la défenfe de toute la Gréce, comme fi c'étoit fon propre roiaume. Que par cette conduite il gagneroit l'affection des Grecs, qui de leur côté lui de

meureroient inviolablement attachés dans toutes ses entreprises, & déconcerteroient par leur fidélité pour lui tous les projets que les Etrangers pourroient former contre fon roiaume. Que fi, au lieu de fe contenter de demeurer fur la défenfive, il avoit envie d'entrer en action & de faire quelque grande entreprise, il n'avoit qu'à le tourner du côté d'Occident & fe rendre attentif aux événemens de la guerre d'Italie. Que, pourvû qu'il fe mît en état de faifir habilement la premiére occafion qui ne manqueroit pas de fe préfenter, tout fembloit lui fraier le chemin à l'Empire univerfel. Que s'il avoit quelque chose à déméler avec les Grecs, il en remît la difcuffion à un autre tems. Que fur tout il eût foin de fe conferver toujours la liberté de faire la paix ou d'avoir la guerre avec eux quand il voudroit. Que s'il fouffroit que la nuée qui s'élevoit du côté d'Occident vînt fondre fur la Gréce, il étoit fort à craindre qu'il ne fût plus en leur pouvoir ni de prendre les armes, ni de traiter de paix, ni de décider leurs affaires à leur gré & de la maniére qu'ils le jugeroient à propos,

[ocr errors]
« PreviousContinue »