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C'est dans les circonstances les plus belles où se soit trouvée la Convention nationale, que les comités ont pensé qu'elle devait s'adresser aux départemens et aux armées. C'est un succès majeur pour la révolution, c'est une grande bataille gagnée sur les tyrans. Les communications ne sont que trop rares entre le peuple et ses représentans : il faut les multiplier. Les circonstances le réclament, et le patriotisme ne peut qu'y gagner plus de lumières et plus de force.

Barrère fait ensuite lecture de la proclamation suivante :

⚫ Citoyens, des conspirateurs hypocrites, frappés par vos véritables représentans, s'étaient réfugiés dans le sein d'une municipalité perfide. Ils rassemblaient une force armée, provoquaient les citoyens contre la représentation nationale, et menaçaient d'envahir les droits du peuple.

› Mais ce danger est passé aussitôt qu'il est aperçu dans une Commune célèbre, qui fut le berceau et l'asile de la liberté. A peine les manoeuvres des conspirateurs Robespierre, Saint-Just et Couthon, et de leurs complices, ont été connues, les sections de Paris ont environné la Convention nationale; les citoyens ont fait aux représentans du peuple un rempart de leurs corps, de leurs armes un appui.

› Qu'il était beau et digne de vous ce spectacle touchant des citoyens de Paris, rassemblés spontanément autour de la Convention, dans la même nuit que des mains coupables sonnaient le tocsin dans la Maison-Commune. Les ténèbres ont couvert quelques petits rassemblemens de citoyens trompés; mais le soleil n'a éclairé que des sections fidèles et des conspirateurs abandonnés. Cette solitude du crime a frappé tous les regards, en même temps que tous les vœux, tous les applaudissemens, toutes les félicitations étaient portés de toutes parts à la Convention nationale.

› Le 31 mai, le peuple fit la révolution; le 9 thermidor, la Convention a fait la sienne; la liberté a applaudi également à toutes les deux.

>Puisse cette époque terrible, où de nouveaux tyrans, plus dangereux que ceux que le fanatisme et la servitude couronnent, être

le dernier orage de la révolution! Puisse-t-il surtout éclairer les citoyens sur les droits de l'égalité, Aucun homme n'est rien en regard de la patrie; et la liberté n'admet ni primauté ni préférence. Un homme n'est qu'un homme devant la loi; et tout usurpateur des droits du peuple n'est pas un homme, mais un coupable qui doit disparaître.

Et vous, braves républicains des armées, qui couvrez la République de triomphes, vous nous avez aidés à recueillir cette victoire sur les ennemis de l'intérieur. La Convention nationale les a reconnus aux larmes de regret qui coulaient de leurs yeux, lorsque vos victoires étaient annoncées. Continuez par vos bril, lans succès le deuil des ennemis du peuple, nous continuerons de les démasquer et de les punir. »

Barrère propose et l'assemblée adopte le décret suivant:

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport des comités de salut public et de sûreté générale, décrète l'impression du rapport et de la proclamation de la Convention au peuple français, qui sera envoyée par des courriers extraordinaires à tous les départemens et à toutes les armées de terre et de mer de la République. »>

Séance du 10 au soir.

Adresses de félicitations.

-

André Dumont instruit l'assem

blée des vols et de l'agiotage de Robespierre jeune, à l'armée d'Italie. Il avait pour agent le banquier Haller, qui convertissait en lingots les fonds destinés à l'entretien des armées. Lafont, juge de paix à cette armée, étant venu à Paris pour dénoncer cet indigne représentant, fut jeté dans un cachot, où il languit depuis cinq mois. Dumont ajoute qu'Hermann, commissaire, et Lahne, son adjoint, étaient vendus à l'usurpateur Robespierre ; que Bernard, l'un des commis-aires de l'envoi, était l'affidé de l'exécrable Couthon; que tous trois se sont opposés à l'exécution des décrets rendus contre le tyran. Il demande que les adminis rations soient purgées de tous les sujets que Robespierre y a placés, et que Lafont soit sur-le-champ mis ca liberté, et entendu au

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Lecointre, de Versailles,

comité de sûreté générale, Adopté. fait décréter que les commissions populaires, nommées pour juger les détenus, seront épurées. - Tallien annonce que les têtes des conspirateurs viennent de tomber sur l'échafaud. Allons nous joindre à nos concitoyens, dit-il ; allons partager l'allégresse commune; le jour de la mort d'un tyran est une fête à la fraterpité, ⚫ Il demande le renvoi aux comités de toutes les propositions qu'on pourrait faire, et la suspension de la séance jusqu'au lendemain. Décrété au milieu des applaudissemens et des cris de joie.

Nous trouvons, dans le rapport de Courtois sur les événemens du 9 thermidor, quelques pièces intéressantes sur les derniers momens des deux Robespierre; nous les transcrivons ici :

Commune de Paris.

L'an deuxième de la République française, le 10 thermidor, à deux heures du matin, au comité civil de la section de la Maison-Commune, réuni au lieu ordinaire de ses séances, rue des Barres, no 4, pour veiller au maintien du bon ordre, dans l'instant de trouble qui afflige la ville de Paris; par plusieurs citoyens de la section, a été transféré sur une chaise un particulier qui a été reconnu pour être le citoyen Robespierre le jeune, député à la Convention nationale, et qui s'est jeté par une des croisées de la Maison-Commune, étant dangereusement blessé et presque sans vie. Se sont présentés, pour lui administrer les secours de leur art, et nécessaires à sa situation, les citoyens Pellard, chirurgien-dentiste, place de Grève; Sorbier, rue Mortellerie; Malet, médecin, rue des Barres ; et Peigné, apothicaire, place Baudoyer; lesquels, après avoir éxaminé sa situation, nous ont fait rapport que le malade paraît avoir une plaie à la partie supérieure de l'os des iles, du côté droit; laquelle plaie leur a paru avoir la longueur d'un pouce et demi, et qu'il ne leur a pas été possible de juger de sa profondeur, la situation du malade ne leur permettant pas de le tenter. Plusieurs contusions à la tête ;

la plus considérable sur le coronal, presque vers la partie moyenne; deux autres au-dessous, à très-peu de distance; et enfin, assurent lesdits officiers de santé, que le malade est dans un tel état de faiblesse, d'anxiété, qu'il ne leur est pas possible de prononcer un pronostic certain, et ont signé en cet endroit de la minute.

> Et procédant ensuite à l'information des causes de son accident, ledit malade nous a dit se nommer Robespierre; qu'il s'est précipité bien volontairement d'une des croisées de la maison commune, pour se retirer des mains des conspirateurs, parce qu'étant décrété d'accusation, il croyait sa mort inévitable; qu'il n'a jamais cessé de bien faire son devoir à la Convention, ainsi que son frère; que personne ne peut lui faire aucun reproche; qu'il regarde comme conspirateur Panis, parce qu'il est allé une fois chez lui déclarant, pour le tromper, que Collot-d'Herbois ne désire point le bien de son pays; Carnot, qui lui paraît un des conspirateurs, et qui voulait livrer son pays......

> Et sa situation ne lui permettant plus de nous faire aucune déclaration, sont comparus devant nous les citoyens Pierre-Joseph Feucher, tapissier, demeurant rue Denis, no 105, lequel nous a déclaré qu'étant sur la place de la Commune, il a vu le malade ici présent passer par une fenêtre de la Commune, et descendre sur le cordon de ladite maison; qu'il s'est promené plusieurs minutes de suite sur ledit cordon; qu'un membre de la Convention est arrivé sur la place, pour proclamer le décret qui met en état d'arrestation toute la Commune de Paris; que le malade ici présent a été à portée d'entendre ladite proclamation, et qu'à peine elle a été finie, qu'il s'est élancé et tombé sur les premières marches de la Maison-Commune, au pied du représentant qui l'a confié à lui déclarant. Observe, le déclarant, qu'il a tombé sur un sabre ou sur une baïonnette, et a renversé deux citoyens. Et a signé en cet endroit de la minute.

>

Jacques Meunier, cordonnier, rue Montorgueil, no 32, déclare qu'étant sur la place de Grève, il a vu le malade ici présent, tenant ses souliers à la main, et qu'il s'est promené environ trois

minutes; qu'ensuite il s'est élancé, la tête la première, et a tombé sur deux citoyens. Et a signé en cet endroit de la minute.

› Procédant ensuite à la perquisition des effets qui pouvaient être sur ledit Robespierre jeune, nous n'y avons point trouvé de portefeuille, mais bien quelques papiers dont nous avons respecté le secret, et avons arrêté, qu'après être mis sous cachet, ils seraient par nous déposés au comité de salut public, ainsi que sa carte de député à la Convention nationale, une petite clef et 16 livres 5 sous en petits assignats.

› Procédant à un nouvel interrogatoire dudit Robespierre, nous lui avons demandé dans quelle maison d'arrêt il était détenu. A répondu : A la Force.

Par quel ordre il en était sorti? A répondu, par la force armée, conduite par quelqu'un qu'il ne connaît pas ; qu'on lui a rendu un bien mauvais service; que, dans la maison d'arrêt, il attendait la mort avec la sécurité d'un homme libre; qu'il comptait être condamné après-demain, quoiqu'il soit pur comme la nature, ainsi que son frère; que, quand on l'a arraché à sa maison d'arrêt, on lui a dit qu'on le conduisait à la Commune, dans le sein du peuple; que, quand il a été dans le sein de la Commune, il a parlé pour la Convention, en disant qu'elle était disposée à sauver la patrie, mais qu'elle avait été trompée par quelques conspirateurs; mais qu'il fallait veiller à sa conservation.

› Et, en procédant, sont comparus devant nous les citoyens Boutroux, demeurant rue Mortellerie; Harverland, quai de la Grève, et Désormeaux, rue Mortellerie; lesquels nous ont dit qu'ils venaient de la Commune, où ils avaient, de la bouche de trois représentans du peuple envoyés de la Convention, reçu l'ordre très expressif et impératif de transporter à l'instant, au comité de sûreté générale, ledit Robespierre jeune ; et, à l'effet dudit ordre, l'un des représentans s'est désigné comme étant le commandant général de la force armée de Paris, nommé par la Convention, et, en conséquence, nous ont requis de remettre en leurs mains ledit Robespierre et tout ce qui s'est trouvé sur lui sous papier cacheté, et ont signé en cet endroit de la minute.

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