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Elie Lacoste. Le camp des Sablons est commandé par une créature de Dumourier, de Beurnonville et de Custine, par Bertêche. Ce scélérat a été dans le Calvados, où il s'était vendu à Wimpfen.

Billaud-Varennes. J'annonce à la Convention que depuis environ quatre heures Bertêche est arrêté. Indépendamment de sa conduite contre-révolutionnaire dans la Belgique, il avait donné des motifs de suspicion au comité. Il y a quinze jours que Lebas est venu demander sa destitution, et, quand il a vu que le comité était disposé à l'accorder, il s'y est opposé et a fait son éloge.

J'appelle l'attention de l'assemblée sur un autre objet. Il n'y a pas de doute que la fête projetée pour demain était une mésuré prise pour envelopper la Convention et les comités, sous prétexte de faire manoeuvrer devant la Convention les jeunes gens du camp. On avait demandé à les armer, et l'on devait leur faire amener quinze pièces de canon. Je ne veux pas lever de nuage ni sur le patriotisme des jeunes gens, ni sur la vertu du peuple, mais je crois qu'il ne doit pas y avoir de fête demain. Ce dont nous devons nous occuper est d'anéantir les scélérats. Nous irons au Panthéon avec plus d'enthousiasme, quand nous aurons purgé la terre. (Vif's applaudissemens.)

La Convention décrète l'ajournement de la fête.

Tallien. Les scélérats que nous avons frappés avaient pris beaucoup de moyens pour pervertir l'opinion publique dans ce camp. L'ua d'eux, dit-on, vient de s'y réfugier. Je demande que deux représentans soient nommés pour y aller. ▸

La Convention décrète que Brival et Bentabole seront adjoints à Peyssard, représentant du peuple près le camp.

Une députation du comité révolutionnaire de la section de Mus tius Scævola vient communiquer un arrêté du conseil de la Commune qui invite les autorités constituées à venir prêter ́serment dans son sein. Elle annonce que le tocsin sonne à la Commune. (Mouvement d'indignation.)

Toutes les sections de Paris viennent successivement à la

barre jurer à la Convention qu'elles ne reconnaissent d'autre autorité que la sienne; qu'elles ne se rallieront qu'à elle, et qu'elles lui feront un rempart de leurs corps; elles la félicitent sur son énergie qui sauve encore une fois la liberté.

La Convention leur témoigne sa satisfaction, et le président annonce à chacune d'elles le décret qui met hors la loi les conspirateurs.

Barras entre dans la salle. Les plus vifs applaudissemens se font entendre. Il prend la parole.

Barras. « Je viens de parcourir une grande partie de Paris; partout le peuple est à la hauteur de la liberté; partout on en tend les cris de Vive la République! vive la Convention nationale! Les canonniers de la section de la Fontaine de Grenelle nous ont accompagnés partout. (Vifs applaudissemens.) Les dispositions militaires viennent d'être exécutées, la Convention est environnée de tous les républicains de Paris. Je viens de faire arrêter un gendarme qui était envoyé par la Commure à Labretêche.Je vais déposer aux deux comités la lettre qu'on a surprise sur lui. »

Ferrand. Je viens de visiter tous les postes environnans : partout je n'ai trouvé que de vrais républicains; tous ont juré de mourir pour la défense de la Convention. (Oui, nous mourrons tous! s'écrient les citoyens des tribunes.)

› J'ai fait arrêter un gendarme qui venait de la part d'Hanriot ordonner à la force armée qui environne le Palais-National de se retirer. (On applaudit.)

Fréron. La Convention peut compter sur le patriotisme des citoyens de Paris. Le criminel Hanriot et le Catilina Robespierre avaient si bien concerté leurs mesures qu'ils avaient nommé le traître Lebas pour inspecter le camp des Sablons; mais tout est déjoué, et la Convention ne fut peut-être jamais si sublime que dans ce moment où, dénuée de force pour opposer aux conspipirateurs, elle imita les sénateurs romains qui attendirent l'ennemi sur leurs chaises curules.

» Nous avons envoyé sur la place de la Maison-Gommune cinq braves canonniers pour éclairer leurs camarades. Dès que ceux-ci

ont su qu'Hanriot était hors la loi, ils ont dit qu'ils n'attendaient plus que les représentans du peuple pour diriger leurs canons sur la Maison-Commune.

› Les momens sont précieux, il faut agir; Barras vient de se retirer au comité de salut public, pour se concerter avec lui. Nous autres, nous allons marcher contre les rebelles. ( Vifs applaudissemens.) Nous sommerons, au nom de la Convention, ces hommes, peut-être égarés, qui peuvent se trouver dans la Maison-Commune, de nous livrer les traîtres; et, s'ils refusent, nous réduisons en poudre cet édifices. Oui! oui! s'écrie-t-on de toutes parts. Vifs applaudissemens. )

» Je ne dois pas oublier de vous dire que nous avons trouvé au Pont-Neuf un corps de quinze cents hommes qui gardent ce poste important, avec du canon. » (Applaudissemens. )

Tallien occupe le fauteuil.

Le président. J'invite mes collègues à partir sur-le-champ, afin que le soleil ne se lève pas avant que la tête des conspirateurs ne soit tombée. » (On applaudit.)

(

Rhul. Je demande qu'il soit envoyé une force suffisante pour contenir les conspirateurs des prisons. >

Élie Lacoste. Les deux comités ont envoyé des troupes aux prisons, au Temple et à la trésorerie. »

Le chef de la gendarmerie des tribunaux, à qui le comité de sûreté générale vient de faire rendre la liberté, qu'Hanriot lui avait ravie, en profite pour assurer la Convention du dévouement de son corps.

Les gendarmes de la Convention écrivent que, s'ils ne se présentent pas la barre, c'est qu'ils sont plus utiles à leur poste, et que de même qu'ils ont laissé dans la Vendée la moitié de leur corps, ils le laisseront ici tout entier pour la défense de la liberté et de la Convention. (On applaudit.)

Le président annonce qu'il tient entre les mains l'original de la convocation des sections de Paris, par la Commune, ainsi que la nomination d'un général qu'elle a faite au mépris du décret rendu ce matin.

La section de Marat vient annoncer qu'elle a fait arrêter des motionnaires communaux qui étaient venus lui faire des propositions insidieuses. (On applaudit.)

Dubois-Crancé.

Je dois rendre hommage à la sagacité de Marat: à l'époque du jugement du tyran Capet, il me dit, en parlant de Robespierre: Tu vois bien ce coquin-là? Comment, coquin? - Oui, reprit-il; cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés. ›

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Brival. Nous venons du camp, tous les élèves se sont écriés unanimement, en apprenant la conspiration que vous avez déjouée Périssent les traîtres! Vive la liberté ! Nous avons eu la plus grande peine à retenir leur ardeur; ils voulaient tous venir à la Convention lui faire un rempart de leurs corps. (On applaudit.)

Bentabole. Il y avait près du camp un magasin de trois mille cinq cents fusils; craignant qu'ils ne fussent pas en sûreté, nous les avons remis entre les mains des jeunes élèves, qui ont juré qu'on ne les leur arracherait qu'avec la vie. (On applaudit.)

Billaud-Varennes. La Convention ne peut qu'applaudir à l'énergie des habitans de Paris, ils courent aux armes, mais aussi, au moment où je parle, les conspirateurs électrisent les esprits pour qu'on se porte contre la Convention; à la Commune, on organise la contre révolution, et déjà plusieurs pièces de canon sont préparées pour marcher sur la Convention; il est temps de terminer cette lutte entre la liberté et la tyrannic, entre la Convention et ceux qui veulent l'égorger; je demande qu'elle ordonne aux représentans qu'elle a nommés de prendre toutes les mesures nécessaires pour s'emparer des conspirateurs, afin que leurs têtes tombent avant une heure. (On applaudit.)

Un citoyen annonce qu'il arrive de la Maison-Commune; qu'il a vu, en passant sur la place, que tous les canonniers ne sont pas pour la Commune, mais pour la Convention.

Billaud. « Je ne doute pas que les canonniers, lorsqu'ils seront éclairés, ne tournent leurs canons contre la Commune; mais il ne faut pas perdre en délibérations un temps précieux. Quand on

est sur un volcan, il faut agir. Robespierre a dit tout à l'heure qu'avant deux heures il marcherait sur la Convention; c'est à nous à le devancer. Nous dormirons quand les traitres seront anéantis. (On applaudit.)

Le président invite les membres des deux comités à se réunir dans une salle voisine, les députés à rester à leur poste, et les citoyens à courir aux armes.

Tous les citoyens qui sont dans une partie de la salle et dans les tribunes sortent; il n'y reste que des femmes.

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Legendre. La section d'Hanriot, la section des Sans-Culottes qu'il avait cherché à égarer, est ici en masse et armée pour vous défendre. (On introduit à la barre des citoyens armés qui tiennent un individu qu'ils ont arrêté.) Mais, citoyens, mon ame est déchirée. Au moment où l'on arrêtait l'officier municipal que vous voyez à la barre, j'ai couru sur lui pour le percer; j'ai eu le malheur de blesser un patriote. (Legendre se désespère : on lui crie que le patriote n'est que légèrement blessé à la main.) Je ne me serais jamais consolé de sa perte. La section des Sans-Culottes m'a dit qu'Hanriot avait semé de l'argent.

Un membre du comité révolutionnaire de la section de la Montagne s'applaudit à la barre d'avoir sauvé un représentant du peuple des mains d'Hanriot, et annonce qu'il amène un officier municipal arrêté; il annonce en même temps que la Maison-Commune est réduite, et qu'on amène Robespierre aîné sur un brancard.

Charlier prend le fauteuil.

Le président. Le lâche Robespierre est là. Vous ne voulez pas qu'il entre? (Non! non! s'écrie-t-on de toutes parts.)

Thuriot. « Apporter dans le sein de la Convention le corps d'un homme couvert de tous les crimes, ce serait enlever à cette belle journée tout l'éclat qui lui convient. Le cadavre d'un tyran ne peut que porter la peste; la place qui est marquée pour lui et ses complices, c'est la place de la Révolution. Il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans dé1ai. ».

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