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J'allai recevoir la déclaration d'un des condamnés, à la Conciergerie, avec Jagot et Vouland: je ne pus sortir, parce que les accusés sortaient pour monter dans les charrettes. Je me mis à la fenêtre, mais je ne tins pas le propos qui m'est attribué. J'ignore s'il fut tenu, et par qui.

Le président, au témoin. Avez-vous entendu ce propos?

Le témoin. Non, mais je le tiens de ma sœur et de la jeune Richard, qui se retirèrent pour cacher leurs larmes. Beaulieu était présent, et d'autres personnes, qui déposeront. Ma sœur et la jeune Richard me l'ont rendu.

Fouquier. Je prétends que Macé avait été acquitté pour le même fait; mais, la chambre du conseil ayant arrêté qu'il serait décerné un mandat d'arrêt contre lui, j'en chargeai, peu de jours après, Château, huissier, qui ne put l'arrêter, parce qu'il était allé à Versailles, et qu'ayant appris la démarche de cet huissier il se cacha.

Le témoin. Je soutiens que le mandat ne fut lâché que plus d'un mois après. Il invoque le témoignage de Naulin, l'un des accusés.

Fouquier. Je persiste, et je dis que le tribunal a jugé les motifs de la récusation, aux termes de la loi du 28 mars 1793; que même, aux termes de cette loi, il n'était plus recevable à la proposer, ayant dû la faire la veille.

Je ne me souviens pas d'avoir oublié d'ouvrir des paquets à décharge; s'il y en a eu à charge qui n'ont point été ouverts, c'est qu'il y avait d'autres preuves pour motiver la condamnation des accusés.

Bien loin que la surprise du décret fût de mon fait, c'est un des reproches que j'avais fait à Billaud, dans ma défense imprimée. Je suis bien loin d'avoir dit que les accusés étaient en révolte; ce fut Saint-Just, qui, pour surprendre ce décret, ne fit pas voir ma lettre à la Convention; mais on lut la lettre de la Flotte, qui dénonçait la conspiration du Luxembourg. Les accusés ont eu la parole pour se défendre ; mais, le quatrième jour, les jurés ayant déclaré qu'ils étaient suffisamment instruits, aux termes de la loi, ni moi ni personne n'avaient pu ni dû parler.

Cambon, substitut. Je vais donner lecture d'une lettre ou projet de lettre, écrit à l'audience, et signé Fouquier ; et d'une autre aussi signé Fouquier et Hermann. La dernière est du 15 germinal, relative à l'affaire de Danton et autres.

• Un orage horrible gronde depuis l'instant que la séance est terminée : des voix effroyables réclament la comparution et l'audition des députés Simon, Gossuin, Legendre, Fréron, Panis, Lindet, Calon, Merlin de Douai, Courtois, Laignelot, Robert-Lindet, Robin, Goupilleau-de-Montaigu, Lecointre de Versailles, Brival et Merlin de Thionville.

› Les accusés, en appelant au peuple entier du refus qui leur serait fait de citer ces témoins, il est impossible de vous tracer l'état d'agitation des esprits. Malgré la fermeté du tribunal, il est instant que vous vouliez bien nous indiquer notre règle de conduite, et le seul moyen serait un décret, à ce que nous prévoyons. Signé FOUQUIER. »

Voici la deuxième lettre trouvée dans les bureaux de comité de salut public.

Paris, 15 gérminal, de l'an deuxième.

⚫ Citoyens représentans. Un orage horrible gronde depuis que la séance est commencée; les accusés, enforcenés, réclament l'audition des témoins à décharge, des citoyens députés Simon, Courtois, Laignelot, Fréron, Panis, Lindet, Calon, Merlin de Douai, Gossuin, Legendre, Robert Lindet, Robin, Goupilleau de Montaigu, Lecointre de Versailles, Brival et Merlin de Thionville; ils en appellent au peuple du refus qu'ils prétendent éprouver; malgré la fermeté du président et du tribunal entier, leurs réclamations multipliées troublent la séance, et ils annonceut hautement qu'ils ne se tairont pas que leurs témoins ne soient entendus, sans un décret. Nous vous invitons à nous tracer définitivement notre règle de conduite sur cette réclamation, l'ordre judiciaire ne nous fournissant aucun moyen de motiver ce refus.

› Signé A.-Q. FoUQUIER et HERMANN, président. » Cambon. Voici le décret rendu à ce sujet :

Décret du 44 germinal de l'an deuxième, portant que tout prévenu de conspiration qui résistera ou insultera à la justice nationale soit mis hors des débats, et jugé sur-le-champ.

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• La Convention nationale décrète que le tribunal révolutionnaire continuera l'instruction relative à la conjuration de Lacroix, Danton, Chabot et autres ; que le président emploiera tous les moyens que la loi lui donne pour faire respecter son autorité et celle du tribunal révolutionnaire, et pour réprimer toute tentative de la part des accusés, pour troubler la tranquillité publique, et entraver la marche de la justice; décrète que tout prévenu de conspiration qui résistera ou insultera à la justice nationale sera mis hors des débats et jugé sur-le-champ. ›

Fouquier. Il est avoué par les membres du gouvernement que cette lettre n'a pas été lue à la Convention ; j'aurais désiré qu'elle l'eût été, elle eût produit un autre effet.

Hermann. Fouquier avait écrit sa lettre d'un style impétueux; nous l'avons adoucie en écrivant la seconde. Il y avait dans cette salle de grands mouvemens; mais les accusés n'ont pas été mis hors des débats ; ils n'ont pas jeté des boulettes.... on ne les a pas brusqués ; je ne leur ai pas ôté la parole. Danton me dit : Je te respecte, président, tu as l'âme honnête.

Fouquier. Je prétends qu'il y avait des citoyens acquittés qui n'avaient pas besoin d'indemnités : ils surprenaient la religion du comité, pour les obtenir; en bon citoyen, j'ai dû m'opposer à ces abus; mais je ne me suis point emporté contre eux, ni contre les jurés. J'ai pu dire, après la gravité des charges qu'il y avait contre eux, qu'ils étaient heureux de s'en être tires.

Le tirage des juges et jurés s'est toujours fait exactement; si l'on n'en a pas fait de procès-verbaux, c'est la faute du greffier. Je conviens du dix-huitième fait; mais je ne faisais que requérir; c'était au tribunal à prononcer comme il lui convenait. Que toutes les fois que des femmes se déclaraient enceintes, je les faisais visiter par les officiers de santé du tribunal; que c'é

tait d'après leur rapport que le tribunal ordonnait le sursis au jugement, ou son exécution. Ce fait appartenait aux juges. Il est d'ailleurs étonnant qu'on veuille faire tomber sur moi tout ce qui procède des juges et des jurés. D'ailleurs, ceci sera plus amplement démenti, lorsqu'on en sera aux faits matériels.

Loin d'avoir voulu faire guillotiner Ozanne, je lui avais, sur la demande même du témoin, accordé la facilité d'aller chez lui une fois par décade, sous la responsabilité d'un officier de paix, pour opérer des recouvremens que lui seul pouvait faire. J'ai pu dire au témoin, lorsqu'il me remit le mémoire: Je n'y peux rien, le décret le frappe, je n'en suis pas le maître. Mais voilà tout.

Les soixante-neuf furent mis en jugement par un décret, comme complices de la conspiration du baron de Batz. Voici le décret... Ils ne furent pas trois heures en jugement, comme le prétend le témoin, mais au moins cinq heures; car il était près de quatre heures lorsqu'ils furent jugés. D'ailleurs c'était Liendon qui était à l'audience. Ozanne et les autres, à l'exception de la fille Renaud et Lamiral, ont été mis en jugement pour la conspiration, et non pour l'assassinat, par suite de l'amalgame d'usage.

Le président, à Fouquier. Pourquoi, si les soixante-neuf n'étaient pas condamnés comme assassins, les a-t-on vêtus d'une chemise rouge?

Fouquier. Je réponds que c'est parce que le jugement l'avait prononcé.

Cambon. Voici la minute du jugement qui constate que, d'après la déclaration du jury, les soixante-neuf n'ont pas été convaincus d'assassinat particulier, mais d'avoir conspiré en assassinant le peuple par la famine, etc. ; et que le jugement ne porte point cette disposition de chemises rouges.

Fouquier. Je prétends que c'est une faute du greffier, parce que le jugement l'a prononcé.

Harny, l'un des accusés, qui était l'un des juges dans cette affaire. J'observe que le tribunal ne l'a pas prononcé. J'en témoignai même mon étonnement lorsque j'entendis donner l'ordre

de faire faire des chemises rouges; mais on me répondit que cela ne me regardait pas.

Fouquier. Bien loin d'avoir voulu faire arrêter le témoin, je l'avais toujours protégé, puisque j'empêchai l'effet d'un premier mandat d'arrêt lancé contre lui par le comité de sûreté générale, ainsi que contre Tavernier, parce qu'ils étaient amis de Danton. Je dis au comité que cette intimité n'était pas un crime; qu'on pouvait avoir été l'ami d'un homme, qui d'ailleurs avait joui d'une grande réputation de patriotisme, sans être complice de ses crimes, et le mandat ne fut pas exécuté. J'empêchai également l'exécution d'un mandat d'arrêt décerné contre le témoin, par le comité révolutionnaire de sa section; mais je ne pus empêcher que Thierry, de la même section, employé au greffe, ne fût arrêté par le même comité révolutionnaire. J'ai de même empêché l'effet d'un premier mandat d'arrêt, du comité de sûreté générale, contre Panis, pour des propos inconséquens, lors de l'arrestation de Danton: mais, s'il fut arrêté depuis, ce n'est pas de mon fait; c'est pour avoir refusé de signer le jugement de Dan

ton.

Foucault. J'ai fait des actes d'humanité: on peut interroger les gendarmes qui étaient présens aux interrogatoires. Le propos que j'ai pu tenir au témoin, sur Legris, ne doit pas être pris dans le sens que lui donne le témoin. J'ai pu dire qu'il serait guillotiné, parce qu'il était assuré que le délit dont il était accusé emportait la peine de mort ; j'étais bien loin d'en témoigner de la joie.

Sellier. Je n'ai rien à répondre sur la déclaration du témoin. Mon caractère connu, et la justice qui m'a été rendue par d'autres témoins, suffisent pour répondre à celui-ci. J'ignore sur quoi le témoin a pu fonder sa conjecture, que je me proposais de succéder à Dumas.

Trinchard. Je nie les faits, et je prétends que, bien loin d'être un homme sanguinaire, ma conduite à la commission populaire dément une telle assertion.

Leroi et Renaudin protestent de leur humanité. Le dernier dit

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