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me déclara qu'il était rédacteur de ce verbal. Tu ne le traduiras donc pas au tribunal? me dit-il. Je lui rappelai que la loi me défendait d'y traduire les députés, les ministres et les généraux, et que je ne traduirais jamais Sante re au tribunal sur un pareil procès-verbal. Tout le monde connaît Santerre (murmures), je le croyais patriote, car il est sorti de prison dans la nuit du 9 thermidor.

Je nie tous les propos que le témoin m'impute. Pendant douze mois j'ai été en correspondance avec les départemens ; il partait tous les jours de mon cabinet quatre-vingts à quatre-vingt-dix lettres; si dans aucune d'elles on y trouve les expressions de têtes, de guillotine, je m'imposerai le plus profond silence. Comment aurais-je pu tenir un pareil langage devant un inconnu? d'ailleurs Héron sera entendu.

Les habitans du Bourgueil ont été mis en liberté. Je ne me suis jamais opposé à l'exécution des ordres des comités, et le témoin a reçu le récépissé dont il a parlé.

Les deux gendarmes qui m'ont accompagné au comité de salut public seront entendus. J'ai pu dire que les trois hommes qui étaient au guichet des Tuileries pouvaient me voler; et que, si j'avais été seul, on m'aurait fait un mauvais parti. La femme d'Héron n'a pas été traduite au tribunal, et le témoin consent que le propos n'est pas de moi.

Motion n'était pas à la Conciergerie, il était détenu alors comme suspect, cela ne me regardait pas.

Le témoin. Motion est venu chez moi le surlendemain de mes démarches, mais j'ignore par qui il a été mis en liberté.

Fouquier. Le témoin a fait pressentir qu'en floréal il existait des scissions entre les comités; tout a été connu au 9 thermidor. Je n'ai eu nulle connaissance de ces scissions, je recevais les ordres des deux comités.

En floréal, les comités trouvèrent mauvais qu'on eût entassé quatorze condamnés sur la même charrette; on ne voulut pas qu'on y en mît plus de sept à huit, au lieu de douze à quatorze. Je communiquai ces observations à l'exécuteur Samson; il me

témoigna son embarras, attendu la pénurie des chevaux; je lui ordonnai d'avoir plus que moins de ces charrettes.

Cambon, substitut. Comment peut-on commander des charrettes le matin, sans savoir si dans le jour il y aura des condamnés?

Fouquier, C'était à cause de la disette des charrettes; je nie les propos; Amar sera entendu. Fouquier a continué et a dit que le témoin lui en veut à cause de l'affaire de Santerre; il a observé que le procès-verbal dont nous avons parlé avait été censuré par les deux comités; il a rappelé la dénonciation faite par Dossonville et Senard du fond de leurs cachots contre Tallien et d'autres, dénonciation qui fut adressée à Cambon, qui ne jugea pas à propos de la présenter, et dont il a été parlé à la Convention; il a déclaré que Senard est l'agent de Héron ; que c'est lui qui a dénoncé la conspiration connue sous le nom de baron de Batz; que c'est lui qui a fait arrêter Burette, etc.

Le témoin. Je déclare que Santerre n'était pas alors général à la Vendée, mais secrétaire d'un représentant. Le verbal a été rédigé en floréal ; il est signé de Santerre ; on prit des précautions pour que Santerre ne se poignardât pas : le gendarme qui était présent dira qu'il a voulu me corrompre par argent : le verbal vous prouvera ce que j'ai allégué. J'ajoute que Santerre ne doit sa liberté qu'à la faction thermidorienne.

Fouquier. Remarquez que le témoin a hasardé ces mots : la faction thermidorienne.

:

Le témoin. Oui, et il est faux qu'on m'ait proposé de traduire Santerre en accusation. Je dis à Fouquier que je n'étais pas porteur du verbal; que c'était Romainville, juge de paix de Versailles; je demande qu'il soit entendu. J'ai parlé de ce verbal à Fouquier, mais je ne lui ai pas donné à lire le comité s'en est emparé, et il n'en est pas sorti. Fouquier a dit que j'avais conspiré dans les prisons; j'ai donné des pièces dans ce temps; on les a fait parvenir; j'ai demandé à être traduit au tribunal; j'y prouverai que j'ai fait mon devoir pour sauver le peuple.

Villate. Le témoin était l'agent actif de la tyrannie décemvirale;

je lui parlai une fois à la Bourbe et à l'Évêché; il m'a outragé; il a dit que j'étais un scélérat, etc., que Tallien était un scélérat, qu'il y passerait, que Cambon se repentirait de n'avoir pas accueilli sa dénonciation contre Tallien, que cette faction disparaîtrait devant le peuple, que Barrère triompherait, que je serais guillotine, etc. Je ne comptais guère être traduit au tribunal ; j'ai dénoncé avant Lecointre les crimes des tyrans. Arrêté le 3 thermidor, je n'ai siégé que peu de fois depuis le 22 prairial. Je demande que le propos qui m'est imputé par le témoin, et que je nie, soit attesté par Julien de Carentan.

Le témoin. Je déclare que Dossonville porte des pièces qui prouvent que Villate était complice de la Commune du 9 thermidor.

Villate. Je répondrai à Dossonville et à ses pièces.

Le témoin. Je déclare que j'ai dit la vérité.

Naulin. Au Luxembourg et à la Bourbe, Senard jouissait de la mauvaise réputation d'agent actif de l'ancien gouvernement. J'ai su de lui qu'il avait rempli différentes fonctions publiques, et qu'il n'était pas d'accord avec les principes actuels.

Taleyras, juré, au témoin. Y avait-il quelqu'un avec vous dans le cabinet de Fouquier, lorsque vous entendîtes ces mots : douze, vingt-quatre, trente-trois voitures ?

Le témoin. Il y avait un gendarme.

Un autre juré a voulu faire expliquer le témoin sur les mots de faction thermidorienne, mais le président a fait sentir l'imprudence et l'outrage commis par le témoin en présence d'un tribunal qui est ennemi de toute faction.

Nous observerons à Senard que le règne de la justice a succédé à la faction des égorgeurs, faction qui a été écrasée le 9 thermidor.

Cinquième témoin. P.-J. Boyenval, tailleur d'habits, lieutenant d'infanterie légère, rue des Poulies, avant sa détention au Luxembourg, a déclaré que, le 19 messidor, Fouquier l'envoya chercher pour déposer comme témoin forcé dans l'affaire de la conspiration du Luxembourg. Dix de mes camarades de prison

et moi, a-t-il dit, nous nous rendîmes au tribunal, dans la salle des témoins. Fouquier me fit monter et me dit : Parle comme tu sais. Benoît me déclara qu'il avait quelque chose à communiquer à Fouquier, on nous fît paraître devant soixante et un accusés. Je n'avais fait aucune liste. La commission des administrations civiles, police et tribunaux, sur un ordre des comités de salut public et de sûreté, se rendit au Luxembourg pour connaître les alarmistes, ceux qui faisaient des orgies lorsque nous éprouvions des revers, ceux qui fréquentaient les Verdier, etc. Les membres de cette commission me firent voir une liste d'environ quatre-vingts détenus, sur laquelle se trouvait Antonelle et autres; je leur rendis compte de ce citoyen, et il fut effacé.

Hermann, commissaire civil, auparavant président du tribunal révolutionnaire, me proposa de faire la liste de ceux des détenus qui parlaient mal de la Convention et des comités, qui faisaient des orgies, etc. On me fit même des propositions. Je répondis que je n'avais pas le temps, et qu'on pouvait s'adresser à Beausire.

Vernet m'envoya chercher le lendemain, et me dit : Eh bien! feras-tu cette liste ? Je refusai une seconde fois. Lorsque je déposai ici, je déclarai la vérité au tribunal, parce que tout ce que j'articulai alors existait; mais je reproche à Girard, accusé présent, d'avoir fait taire les témoins à décharge, et les accusés qui voulurent se défendre. Gobert fut acquitté. Le 21, nous parûmes devant cinquante-deux accusés, dont huit furent également acquittés. Le 22, en présence de quarante-deux.

Interpellé s'il savait si quelqu'un faisait des listes? il a répondu qu'on avait demandé à Benoît une liste de deux cents personnes, que, le 18 messidor, il en fut fait une de cent cinquanteneuf détenus, qu'on disait être des ci-devant nobles, et qui furent extraits du Luxembourg, sous prétexte de les transférer au château de Vincennes, mais qui furent livrés au tribunal révolutionnaire.

Le témoin, interrogé de déclarer s'il a existé une conspiration au Luxembourg, a dit qu'il avait entendu dire que celle des

Grammont, de Buffon, etc., avait existé, qu'elle consistait en lettres qui venaient de Ronsin et autres ; que plusieurs détenus s'étaient rassemblés dans différentes chambres, ce qui avait donné des alarmes. Lasalle, a-t-il dit, m'a fait voir seize assignats de 25 livres et des lettres. J'ai vu six membres du comité révolutionnaire de la Montagne parler à Savard, trois citoyens disaient : Dépêchez-vous, nous sommes prêts, cela éclatera dans trois jours. Je n'ai pas connu la conspiration de Dillon.

Fouquier a observe qu'on lui avait déclaré qu'on conspirait au Luxembourg, que les témoins promirent de dire la vérité, qu'en vertu de la loi du 3 ventose, sur la sortie des prisons, et en vertu d'un arrêté du 17, il fut forcé de mettre les dénoncés en jugemens, et que, quant au propos parle comme tu sais, cela signifiait: dis la vérité; que le témoin n'est entré qu'une fois dans le cabinet. Boyenval a ajouté que Meunier entra le premier dans le cabinet, et que Benoît y resta un quart d'heure.

Girard a nié les faits qui lui sont imputés.

Boyenval a affirmé qu'il ne descendait pas de son corridor; qu'il rentrait sur les huit heures; qu'un jour il s'évada, mais qu'il rentra aussitôt ; il a nié les propos qui lui sont reprochés par Stral.

Le président a ensuite observé que le témoin avait déclaré que le tribunal ne permettait pas aux accusés de se défendre.

Sellier a répondu qu'il accordait la parole. Boyenval a répliqué que Sellier disait aux témoins: Il y a des pièces. Sellier a assuré qu'alors il n'avait pas de pièces. Boyenval a soutenu que Sellier en avait, et qu'elles étaient placées à sa gauche.

Deliége a dit que Dumas brusquait les débats. Fouquier et Maire ont parlé dans le même sens : ce dernier a représenté que Dumas était toujours armé de deux pistolets, et que lorsqu'il siégeait il les posait sur la table; que les juges souffraient beaucoup de sa conduite, que néanmoins on donnait de la latitude aux débats pour éclairer la conscience du jury; que d'ailleurs cela regardait les jurés,

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