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que les fatigues du jour en santé, et l'abandon, les hôpitaux ou les tombes publiques en maladie. A ce spectacle, l'on dirait que la moitié de la nation est née sous une constellation malheureuse, et doit aller s'engloutir dans des hôpitaux malsains, tandis que l'autre moitié épuise les délices de la vie dans ses habitations brillantes.

› Si un tel abus pouvait être plus long-temps souffert, nous pourrions naturaliser parmi nous les préjugés des peuplades barbares.

. Une relation de voyageur nous montre à Madagascar un préjugé dépopulateur qui règne au milieu de ce peuple doux, mais crédule et superstitieux.

Il compte presque autant de jours heureux que de malheureux, et il immole impitoyablement tous les enfans qui naissent dans les jours reputés malheureux.

› Benyowski, le plus éclairé d'entre les hommes de Madagascar, sauva plusieurs de ces victimes du plus abominable préjugé, et les fit élever au fort appelé Dauphin, où ils vécurent et devinrent des hommes utiles.

Cet exemple fit un si grand effet sur ces peuplades ignorantes, que toutes les femmes de Madagascar prièrent l'épouse de Benyowski, assassiné par le despotisme, de venir de l'île de France, où elle était retirée, pour qu'elles pussent prêter sous ses yeux le serment de ne plus distinguer les jours heureux et malheureux. L'épouse de Benyowski parut, et aussitôt toutes les mères, en présence de la nature, tenant leurs enfans dans leurs bras, élevés vers le ciel, jurèrent unanimement de les nourrir tous indistinctement et avec un égal intérêt.

» La cérémonie fut auguste et touchante; et le serment le plus pur qui se soit jamais élevé vers l'auteur de la nature est celui des femmes de Madagascar dans cette circonstance, digne d'être cité dans les annales de l'humanité.

› Combien plus touchante et plus auguste sera la cérémonie dans laquelle le malheur sera honoré, puisque les deux extrémités de la vie y seront réunies avec le sexe qui en est la source!

Vous y serez, vieillards agricoles, artisans invalides, et à côté d'enx vous y serez aussi, mères et veuves infortunées chargées d'enfans! et ce spectacle est le plus beau que la politique puisse présenter à la nature, et que la terre fertilisée puisse offrir au ciel consolateur.

Représentans du peuple français, voilà les premiers pas vers la destruction de la misère, et l'amélioration du sort de l'espèce humaine.

› Jurons, nous aussi, de ne plus reconnaître des classes d'hommes vouées à l'infortune, ou abandonnées à l'indigence; jurons l'abolition de cette mendicité honteuse, qui blesse la dignité de l'homme, offense la nature et l'humanité, flétrit l'ame des citoyens, déshonore toutes les administrations, et est incompatible avec le gouvernement républicain.

› Ce serment des représentans du peuple français sera aussi saint que celui des mères de Madagascar, et votre récompense sera dans les cœurs des habitans des campagnes et dans le bonheur du peuple.

» Voici le projet de décret :

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, décrète :

> Il sera ouvert dans chaque département un registre qui aura pour titre : Livre de la bienfaisance nationale.

» Le premier titre sera intitulé: Cultivateurs, vieillards ou informes.

» Le second: Artisans, vieillards ou infirmes.

› Le troisième sera consacré aux mères et aux veuves ayant des enfans dans les campagnes.

› TITRE 1.

Des cultivateurs, vieillards ou infirmes.

» Art. 1. L'inscription sur ce livre, de laquelle il sera délivré un extrait par l'administration du département au cultivateur, vieillard ou infirme qui l'aura obtenue, lui servira de titre pour

forts des ennemis de la révolution tournent toujours au profit de la révolution même. Ses premiers ennemis essayèrent de détruire la liberté par l'anarchie. De leurs excès, naquit la République. Les derniers conjurés ont employé tous les moyens poúr anéantir la liberté par l'athéisme. Des principes simples, dont la nature fait un besoin à tous les cœurs, se sont élevés sur les ruines dont ils nous avaient environnés. Ils ont voulu détruire la morale pour renverser la République qui repose sur cette base éternelle. Ils ont voulu outrer toutes nos vertus pour les rendre ridicules. Le patriotisme, ce sentiment pur et désintéressé, ils l'ont fait consister en un costume affecté. C'est ainsi que les prêtres transformèrent la religion en des cérémonies bizarres et des signes superstitieux; ils ont remplacé la fierté républicaine par l'insolence, la sévérité par l'injustice, la philosophie par l'intolérance.

› Les comédies que jouaient des prêtres profondément hypocrites commençaient à tomber, faute de dupes pour les payer et de spectateurs pour les entendre. Ils voulurent réveiller le fanatisme; ils excitèrent avec des intentions perfides un mouvement violent contre les cultes; mais leur espoir fut trompé : les étincelles du fanatisme furent étouffées par le bon esprit du peuple, votre sagesse et leur folie.

⚫ L'idée de la vertu les importunait, ils voulurent créer une République sans vertus; l'idée d'un Dieu était pour eux un reproche terrible, ils travaillèrent à créer une religion sans Dieu; ils se réservèrent à juste titre les places de prêtres; ils élevèrent des temples à la raison. Ils voulurent la rendre complice de leurs extravagances et de leurs attentats contre la Divinité. Mais quelle était cette raison à laquelle ils élevaient des temples? Etait-ce à la raison éternelle qui gouverne le monde et qui préside à vos travaux? Non sans doute, puisqu'ils divinisaient en même temps l'athéisme. Était-ce à la raison humaine qui croît avec nous, qui ne se forme que des leçons d'une longue expérience? ils ne pouvaient concevoir une idée aussi absurde; et le peuple d'ailleurs n'aurait pas souffert qu'on eût outragé sa raison, en lui dressant

des autels. Était-ce à leur propre raison? Mais des Français auraient-ils consenti à adorer la Raison d'Hebert et de Chaumette?

› Ainsi ce mot Raison prenait dans leurs bouches toutes les significations qui pouvaient être utiles à leurs intérêts. Tantôt c'était l'insurrection contre la liberté; tantôt c'était la femme d'un conspirateur portée en triomphe au milieu du peuple. Un jour, c'était l'actrice qui, la veille, avait joué le rôle de Vénus ou de Junon : ou bien la Raison était représentée par un prêtre sexagénaire et fanatique, vieilli à l'ombre des autels de la superstition, dévoré de la soif de l'or et du pouvoir, se faisant un honneur de déclarer effrontément qu'il avait enseigné pendant vingt ans des erreurs et des absurdités auxquelles il n'avait jamais ajouté foi. Quel aveu! quelle probité! quelle délicatesse!

› Enfin, une mythologie plus absurde que celle des anciens, des prêtres plus corrumpus que ceux que nous venions de renverser, des déesses plus avilies que celle de la fable, allaient régner en France. La Convention vit ces conspirateurs..... ils ne sont plus.

› Il fal'ait néanmoins détruire sans retour leur doctrine insensée; il fallait substituer à toutes les superstitions des principes. dignes des partisans de la liberté. Vous avez mis la morale et la justice à l'ordre du jour, il fallait donner un soutien à la morale que l'on avait essayé de pervertir.

› Citoyens et législateurs tout ensemble, vous avez dû envisager ces questions sous ces deux points de vue. Comme citoyens, vous étiez pénétrés de l'idée de l'existence d'un Dieu, parce que vos consciences pures et justes ne vous portent point à redouter une divinité bienfaisante. Vous étiez persuadés que l'ame est immortelle, parce que l'idée du néant est un supplice pour les cœurs vertueux, et qu'il est doux pour des citoyens de penser qu'ils pourront s'occuper encore de leur patrie, même lorsqu'ils auront cessé de vivre.

› Comme législateurs, vous avez pensé que vous deviez favoriser toutes les idées qui élèvent l'ame, qui peuvent rendre l'homme bon dans la prospérité et grand dans le malheur. Vous avez senti

T. XXXIII.

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que les principes consoláns de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'ame étaient un encouragement pour la vertu, un frein pour le crime. Qu'elle doit être sage et régulière la conduite de l'homme persuadé qu'il est sans cesse environné d'un Dieu bienfaisant, qui lit dans son cœur, qui voit toutes ses actions et qui distinguera dans sa sagesse l'homme juste et l'homme pervers!

› Oui, l'Etre-Suprême qui met tout en mouvement dans la nature abaisse des regards de bienveillance vers l'homme de bien. Cette pensée sans doute entraîne le citoyen vers la vertu ; elle est la récompense du bien qu'elle lui fait aimer; elle le rend indulgent et facile envers les malheureux; elle adoucit la pente qui le conduit au cercueil, et du sein même de la tombe elle fait renaître uue flatteuse espérance.

› Si l'idée de l'existence d'un Dieu est précieuse à l'homme de bien, elle est odieuse au méchant; et c'est ainsi qu'elle est utile à la société. L'hommé pervers, effrayé de cette doctrine, sẽ croit sans cesse environné d'un témoin puissant et terrible auquel il ne peut échapper, qui le voit, qui le veille, tandis que les hommes sont livrés au sommeil, et qu'il croit entendre au plus faible bruit qui vient frapper ses oreilles.

› Mais quand même cette image ne ferait que représenter quelquefois au méchant le tableau déchirant des crimes dont il osă se souiller; quand il n'aurait retenu qu'une seule fois son bräs prêt à commettre un forfait, qu'ils seraient coupables, les fonctionnaires publics qui travailleraient à enlever à l'homme ce frein utile que la nature opposé à la perversité!

› Par les décrets immuables de la Divinité, le sort de l'homme de bien et du méchant né sera pas sans doute le même au-delà đu trépas par vos lois aussi sages que justes, ils n'auront plus la même destinée sur la terre.

› Ce n'est point une religion que vous avez créée ; cé sont des principes simples, éternels, que le souvenir récent de la superstition et de l'athéisme vous a mis dans le cas de rappeler aux hommes. Ainsi, lorsque vous posâtes les fondemens de l'égalité,

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