Page images
PDF
EPUB

tous les caractères bien distincts et de l'astuce perfide et de la basse scélératesse des tyrans.

• Quoique bien méprisable en elle-même, continue-t-il, il n'est › pas hors de propos d'y ajouter un petit commentaire. >

Il la reprend aussitôt phrase par phrase, et donne, à chaque point de vue qu'elle présente, un développement énergique en le couvrant ou de toute l'indignation de la probité courroucée, ou de tout le ridicule que la bassesse mal déguisée entraîne après elle. Chaque mot de l'orateur vaut une phrase, chaque phrase un discours, tant il renferme de sens et d'énergie dans tout ce qu'il dit.

» Son altesse royale rappelle aux troupes britanniques et hanovriennes que la clémence est le plus beau titre des soldats; elle cite, à ce sujet, des époques d'autrefois. Mais qu'y a-t-il donc de commun entre ce qui a existé jadis et ce qui est aujourd'hui ? Qu'y a-t-il de commun entre la liberté et le despotisme, entre le crime et la vertu ? Que des soldats combattant pour des despotes aient donné la main à des soldats vaincus pour retour. ner ensemble à l'hôpital, cela se conçoit ; qu'un esclave transige avec un esclave, un tyran avec un tyran, cela se conçoit encore ; mais un homme libre composer avec un tyran ou son satellite, le courage avec la lâcheté, la vertu avec le crime, c'est ce qui ne se conçoit pas, c'est ce qui est impossible.

» Un homme libre peut pardonner à son ennemi, s'il ne lui présente que la mort ; il ne lui pardonnera jamais s'il ne lui prédes fers.

sente que

> Yorck parle d'humanité! Quoi! Yorck, un tyran', un soldat de Georges, l'orateur d'un gouvernement qui a rempli l'univers de ses crimes et de ses infamies!... Qu'un tyran est donc odieux alors même qu'il parle d'humanité !

> Yorck attribue le décret à un prétexte, et il n'entreprend pas de prouver ce prétexte : ce prétexte, ce sont les victimes des tyrans anglais. - Nos troupes, ajoute-t-il, ne croiront pas la nation française dans son égarement.....

› Eh que nous importe qu'elles n'y croient pas, pourvu qu'el

les croient à la valeur de nos soldats et à la force de leurs bou

lets?

La nation française est sans doute égarée, mais cet égarement dure bien long-temps; c'est sans doute au duc d'Yorck qu'il est réservé d'éclairer la nation française.

> S. A. fait une comparaison entre la France et l'Angleterre. Que signifie ce parallèle? Qu'a de commun le cœur mort d'un esclave avec celui qui est embrasé du feu sacré de la liberté ? L'Angleterre est un misérable météore qui disparaît devant l'astre républicain; on veut rapprocher le Français de l'Anglais, dans les champs de bataille, pour corrompre la vertu républicaine; il faut de la distance entre les soldats de la liberté et les esclaves de la tyrannie.

⚫ Ne nous étonnons pas que le duc d'Yorck ait été si effrayé de ce décret, car la principale force des tyrans conjurés contre la France consiste dans les points d'appui qu'i's savent se ménager parmi nous; ils voudraient se réserver, après avoir été vaincus, un moyen encore de communication pour continuer leurs trames perfides.

Le duc d'Yorck, en faisant circuler sa proclamation, s'imagine peut-être que les armées françaises défereront plutôt à ses or dres qu'aux décrets de la Convention; mais nous ne sommes plus au temps des B issot, des Guadet, des Gensonné: la Republique s'est glissée depuis entre les nombreuses factions, elle les a toutes abattues. Celle d'Orléans n'existe plus, quoique sans doute il lui faille encore quelques crimes; mais la République existe, quoiqu'elle n'ait pas été d'abord le but de la révolution; car, je le répète, elle s'est glissée coume furtivement à travers une trouée révolutionnaire, au milieu des factions rivales, qui toutes tendaient à établir un nouveau système de tyrannie : voilà pourquoi les vrais républicains ont été regardés comme des intrus; voilà pourquoi, lorsque la République s'est élevée, toutes les factions se sont agitées à la fois pour l'anéantir, elle et ses défenseurs ; voilà pourquoi il y a eu si peu de patriotes purs dans l'origine de la révolution; voilà pourquoi les tyrans et leurs suppôts s'agitent

encore dans tous les séns pour semer parmi nous les divisions, les discordes et la désorganisation; ils savent trop bien qu'un peuple ne peut combattre avec succès ses ennemis conjurés qu'avec cet accord, cet ensemble et ce point de ralliement qui seul doit être l'ame de toutes ses victoires et de ses triomphes.

› Ce plan de division est donc continuellement suivi dans ses ramifications infinies: ne pouvant attaquer le peuple en masse, on cherche à l'isoler de la Convention nationale; la Convention d'avec ses comités, et les membres de ses comités d'avec euxmêmes. Voilà le but des proclamations du duc d'Yorck : les factions ne sont pas mortes elles remueront encore.

› S. A. R. se flatte que les soldats des deux nations borneront leur ressentiment à la Convention nationale. Le duc d'Yorck compie donc sur des trames ourdies dans l'intérieur; il compte donc encore sur les piéges de limpo ture, sur le système d'immoralité, et enfin sur les assassinats et sur tous les crimes.

>

Que sign fie aussi cette préférence que me donne à moi le duc d'York? Je croyais être citoyen français, et il me fait roi de France et de Navarre. >

Après avoir chargé de mépris et de ridicule ces astucieuses, perfides et cruelles contextures, « J'estime trop, ajoute Robespierre, le titre de citoyen pour ne pas m'indigner de cette assimi ation à un duc d'Yorck. Qu'y a-t-il de préférable, pour un ami de la liberté, à l'amour de ses concitoyens; et le peuple français descendrait-il de son plus haut degré de gloire pour s'abaisser jusqu'au trône?

Le duc d'Yorck ajoute que je suis entouré d'une garde militaire. Vous le voyez, c'est un fait bien constant: or, il rapproche tout cela avec les motions insidieuses, entre autres celles de donner des gardes militaires aux représentans du peuple. Ainsi, quand les Hébert et les Chaumette prêchaient l'athéisme, on disait dans l'étranger que le peuple de France était un peuple d'athées foulant aux pieds jusqu'à l'Etre-Suprême.

› Défions-nous de tant de piéges; tenons-nous fortement atta

chés aux principes. Le système contre la Convention est connu, c'est assez dire qu'il est déjoué.

>>On veut nous rendre suspects aux peuples et nous ôter le courage de démasquer et de combattre ses ennemis ; il n'y a que les poignards qui le puissent: tant que nous existerons, nous démasquerons, nous combattrons les tyrans, les traîtres et tous les scélérats! »

- « Ce discours, rempli de si grandes et de si belles vérités, a été entendu avec cet enthousiasme que son intérêt pressant devait nécessairement faire naître.

» L'impression en a été ordonnée, en invitant Robespierre à le rédiger.

• Un membre a demandé de plus qu'en l'envoyant aux armées il en fût envoyé un exemplaire au duc d'Yorck.

» Barrère appuie l'impression, la distribution et l'envoi aux armées. Quant au duc, nous n'avons, dit-il, que des boulets à lui envoyer. Il développe, à ce sujet, les puissantes considérations qui ont dicté le décret qui porte qu'on ne fera point de prisonniers anglais ni hanovriens. La société adopte la proposition de Barrère, et arrête l'impression, la distribution et l'envoi aux armées. ›

[ocr errors]
[ocr errors]

Les louanges outrées données à l'improvisation de Kobespierre dans l'analyse que l'on vient de lire furent l'objet d'une réclamation de sa part, à la séance du 24 juin (6 messidor). Cette séance fut presque entièrement consacrée à des plaintes contre les journalistes. En voici le compte-rendu.

CLUB DES JACOBINS.-Séance du 24 juin (6 messidor).-Présidence de Louis (du Bas-Rhin.)

Dumas. « J'annonce à la société que Guadet et Salles ont enfin payé de leurs têtes leurs crimes contre la République: ces scélérats s'étaient réfugiés à Saint-Émilion; on les a trouvés dans le grenier du père de Guadet. Salles s'y occupait à faire une comédie, où le comité de salut public jouait les principaux rôles et

y était traité comme il est facile de se l'imaginer; mais Salles ne se doutait pas qu'il s'agissait plutôt d'une tragédie où il devait figurer lui-même. Une ame criminelle ne peut trouver de ressource, et tous les conspirateurs doivent se persuader enfin que le dénouement de toutes les trames qu'ils entreprennent sera toujours le dernier supplice ( 1 ). ►

Couthon présente quelques observations sur l'esprit de certains journalistes.

‹ Je me plais à croire, dit-il, que celui qui est chargé de la rédaction du journal de la Montagne est bon citoyen; mais, parmi ses articles, celui de la Convention surtout est quelquefois pré

(1) Ce ne fut que que le 28 juin (8 messidor) que la Convention fut informée officiellement de la mort de Guadet, Salles et Barbaroux. Jay-Sainte-Foy fit la lecture suivante :

« Tout faisait présumer que Guadet, Salles et les autres fugitifs qui avaient paru au Bec-d'Ambès (a), il y a environ neuf mois, ne pouvaient pas s'être bien éloignés, à cause de la difficulté qu'ils avaient de voyager sans être reconnus. On avait appris depuis peu que toute cette bande, en quittant les lieux où elle avait eté aperçue, avait remonté la rivière, et que Guadet avait été reconnu aux environs de Libourne. Il n'en a pas fallu davantage pour faire soupçonner que ces conspirateurs pouvaient être cachés dans les souterrains immenses de SaintÉmilion, et avoir choisi les antres de ces rochers pour retraite, comme la plus assurée et celle où ils trouveraient plus de ressources pour vivre, par la facilité que pouvait leur procurer la famille Guadet qui habite dans les environs. Ces réflexions furent communiquées à Julien, envoyé du comité de salut public. II les trouva fondées, et concerta de suite les mesures nécessaires pour faire cerner au même instant toutes les ouvertures des grottes, qui sont en grand nombre, pendant qu'on les fouillerait avec des chiens. Laye, de Sainte-Foy, et Oré, de Bordeaux furent envoyés de sa part prendre des informations sur les lieux. Lagarde, agent national du district de Libourne, fut prévenu de les seconder en prenant toutes les précautions possibles pour que rien ne transpirât, ce qui était d'autant plus nécessaire que toute la famille Guadet étant dans le pays, il suffisait de la plus légère indiscrétion pour faire manquer le coup. Ces deux citoyens se rendirent d'abord à Libourne, où Lagarde fut le seul dépositaire du secret de l'expédition que Julien leur avait confiée; de-là ils allèrent à SainteFoy, où ils prirent dix patriotes décidés et à toute épreuve, qu'ils amenèrent avec eux sans que personne se doutât de rien. C's patriotes même ignoraient absolument où on les conduisait ; ils savaient seulement qu'ils allaient chercher des ennemis de la patrie, et cela suffisait pour les rendre infatigables. Marcon était du nombre, avec les chiens. Arrivés à Libourne, ils prennent avec eux un fort détachement du dixième bataillon du Bec-d'Ambès qui arrive de la Vendée. Ils partent dans la nuit avec quelques hommes du pays, que Lagarde s'était procurés au moment même; et au point du jour toutes les carrières, la ville de (a) Ces fugitifs étaient Guadet, Salles, Barbaroux, Buzot, Pétion, Louvet et Valady. (Note des auteurs.)

« PreviousContinue »