Page images
PDF
EPUB

l'empire à laquelle devait nécessairement aboutir le travail académique des successeurs du poëte grammairien, je me demande s'il n'aurait pas mieux valu que Malherbe ne vint pas.

CHAPITRE XII.

Le règne de Louis XIII.

Les écrivains du temps de Louis XIII.

en penser. Scarron.

Sujet de cet ouvrage.
Racan.

Les grotesques.

L'Enéide travestie.

Ragotin.

[ocr errors]

Ce qu'il faut

Le Roman comique. ·

Ce qu'est le Roman comique..

Les vers de Boileau. - Les souvenirs de Virgile.

de vers sur la vie champêtre.

1.

Sa pièce

Les auteurs du temps de Louis XIII ont été généralement condamnés par la critique; mais ils n'ont pas été condamnés sans appel. Un écrivain moderne, un jeune romantique à tout crin, comme il se définissait luimême, il y a quelques années, a plaidé leur cause qui semblait perdue. Il est vrai que le défenseur a, jusqu'à un certain point, trahi lui-même ses amis c'est-à-dire Cyrano de Bergerac (1), Saint-Amant (2), le vieux Col

(1) Savinien Cyrano de Bergerac naquit en Périgord, au château de Bergerac, en 1620. Il entra dans le régiment des gardes comme cadet et se distingua par sa bravoure. C'était un duelliste redoutable. Il reçut à la guerre deux blessures graves qui l'obligèrent à renoncer à la profession militaire. Ayant ainsi quitté l'épée, il prit la plume et fit plusieurs ouvrages: une tragédie, Agrippine; une comédie, le Pédant joué; Voyage dans la Lune, et Histoire comique des États et des Empires du Soleil. Molière, Fontelle dans les Mondes, Voltaire dans Micromegas et Swift dans Gulliver, ont fait plusieurs emprunts à cet auteur comique. Il mourut en 1655.

(2) Gérard de Saint-Amant, né à Rouen en 1594, entra au service du

letet (1), Scudéri (2) et Scarron; car le livre dans lequel il prend à cœur de les réhabiliter, porte ce titre peu flatteur pour eux : Les Grotesques.

Tout en donnant raison, sur plusieurs points, à M. Théophile Gautier, et en reconnaissant avec lui que ces poëtes ont été trop sacrifiés aux autres poëtes qui leur ont succédé dans la seconde moitié du siècle, nous ne saurions guère leur accorder une place sérieuse dans

comte d'Harcourt et le suivit dans toutes ses campagnes. Il apprit les langues vivantes et voyagea dans toute l'Europe. Il a écrit un poëme (Moïse) et des poésies diverses (OEuvres) qui ne sont pas sans mérite, malgré le jugement un peu trop sévère de Boileau :

Ainsi tel autrefois qu'on vit avec Faret (*)
Charbonner de ses vers les murs d'un cabaret,
S'en va mal à propos, d'une voix insolente,
Chanter du peuple hébreu la fuite triomphante,
Et, poursuivant Moïse au travers des déserts,
Court avec Pharaon se noyer dans les mers.

(1) Guillaume Colletet naquit à Paris en 1598; il mourut en 1659. C'était un mauvais poëte; cependant il eut la protection de quelques personnages célèbres de son temps, et Richelieu lui fit donner six cents livres pour six mauvais vers.

(2) Georges de Scudéri était né au Havre, en 1601. H servit dans les gardes-françaises. Vers 1630, il renonça à l'état militaire et se mit à faire des pièces de théâtre. C'est lui qui attaqua Corneille dans ses Observations sur le Cid et gagna ainsi les faveurs de Richelieu. Il fut nommé membre de l'Académie française en 1650. Il a laissé seize tragédies ou tragi-comédies. Des écrits en prose et un poëme épique, Alaric ou Rome vaincue, qui commence par ce vers que Boileau surtout a fait connaître en le couvrant de ridicule :

Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre.

Il était d'une fécondité étonnante. Boileau dit de lui:
Bienheureux Scudéri, dont la fertile plume

Peut tous les mois sans peine enfanter un volume,
Tes écrits, il est vrai, sans art et languissants,
Semblent être formés en dépit du bon sens;

Mais ils trouvent pourtant, quoiqu'on en puisse dire,
Un marchand pour les vendre et des sóts pour les lire.

(*) Ami de Saint-Amant,

l'histoire de notre littérature. Ils ont des qualités, sans doute pourquoi faut-il qu'ils aient fait un si mauvais usage des meilleurs dons de l'esprit? Ce sont les enfants prodigues de l'art; on peut les étudier comme on étudie dans un musée des figures curieuses; mais qui conseillera jamais de les imiter? C'est peut-être leur audace extra-plantureuse, qui, par une réaction dont l'histoire offre plus d'un exemple, a rendu timides, sobres et économes les meilleurs poëtes de la fin du siècle.

2.

Il y a pourtant parmi eux un écrivain dont les ouvrages se lisent encore avec intérêt : n'ai-je point nommé Scarron? Il naquit en 1610. Par suite de ses désordres de jeunesse, il devint infirme; il était aussi difforme de corps que bizarre d'esprit; ce qui ne l'avait point empêché d'épouser une belle fille, laquelle devint plus tard, la maîtresse et la femme de Louis XIV. Scarron a rimé l'Eneide travestie; il a écrit aussi le Roman comique. Ce dernier ouvrage a pour sujet les aventures d'une troupe de comédiens. Attendez-vous donc à beaucoup d'épisodes amusants, à des farces extravagantes, à des caractères excentriques. Témoin celui de Ragotin : « Il y avait, entre autres, un petit homme veuf, avocat de profession, qui avait une petite charge, dans une petite juridiction voisine. Depuis la mort de sa petite femme, il avait menacé les femmes de la ville de se remarier. C'était le plus grand petit fou qui eût connu les champs depuis Roland. Il avait étudié toute sa vie; et, quoique l'étude aille à la connaissance de la vérité, il était menteur comme un valet, présomptueux et opiniâtre comme un pédant, et assez mauvais poëte pour être étouffé, s'il y avait de la police dans le royaume. »

Comme dans la même troupe de comédiens se trouvaient aussi des femmes, et d'autres physionomies aussi

tranchées que celle de Ragotin, comme ces gens-là sont tous un peu fous, un peu artistes, et qu'ils courent le monde à la grâce de Dieu, on comprend qu'il est agréable de voyager dans leur compagnie. Aussi le Roman comique est d'une lecture charmante. A toute la poésie d'un rêve de jeunesse, il unit une peinture frappante de la réalité, et ce je ne sais quoi de mordant dans le coup de pinceau, qui fait qu'on n'oublie plus les personnages tracés par l'auteur. Le style en est négligé; mais il a des grâces naturelles. En somme, vive le Roman comique! Destin, La Rancune, Ragotin, mademoiselle de la Caverne, Angélique, mademoiselle de l'Étoile, vous jouez tous de mauvaises comédies; mais celle de votre vie est bien amusante, et c'est à celle-là que j'applaudis de tout mon cœur.

Scarron mourut en 1660.

3.

Un poëte de l'école de Malherbe vivait encore au moment où florissaient les Grotesques; c'est Racan. Il cultiva l'idylle, les bergeries.

Racan chante Phylis, les nymphes et les bois.

Heureux si à un sentiment véritable de l'harmonie, il eut joint un amour plus profond pour la campagne et la nature! On sent trop qu'il poursuivait Phylis, les troupeaux et les bois à travers les souvenirs de Virgile. Il nous a pourtant laissé une charmante pièce de vers sur les douceurs de la vie champêtre :

O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui, retiré loin de la foule importune,
Viyant dans sa maison content de sa fortune,
A, selon son pouvoir, mesuré ses désirs.

Il laboure le champ que labourait son père;
Il ne s'informe point de ce qu'on délibère
Dans ces graves conseils d'affaires accablés.
Il voit sans intérêt la mer grosse d'orages,
Et n'observe des vents les sinistres présages
Que pour le soin qu'il a du salut de ses blés.

Racan fut un des premiers membres de l'Académie française, et mourut en 1670, à Laroche-Racan, en Touraine.

CHAPITRE XIII.

Le théâtre.

Les Mystères. favoris.

[ocr errors]

COMMENCEMENTS DE NOTRE THEATRE.

Les Confrères de la Passion.

Quels étaient les sujets

Les Enfants

Rivalité entre l'Église et le théâtre. Un récit amusant de

M. Deschanel à ce sujet. Les Clercs de la Basoche. sans souci.

-

Les moralités, les farces. Deux des pièces en vogue dans ce temps. L'avocat Patelin. Revenons à nos moutons.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Cléopâtre captive. Ce que dit Pasquier de cet
Comment mourut Jodelle.

[blocks in formation]

De l'élément nouveau. — Garnier-Alexandre Hardi. - Théophile de Viau. Comment ce dernier poëte décrit le retour du printemps. - Pyrame et Thisbé. Scudéri, Mairet, Iristan du Ryer. · Rotrou. De l'opinion qui veut qu'il fut le père de notre théâtre. Services qu'il rendit Sa conduite honorable envers Corneille. ·

à Corneille.

Ses débuts. Légende et sujet de Examen de cette tragédie et quelle en est la valeur. - Mort honorable de Rotrou.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Son buste au Théâtre-Français.

1.

Il serait difficile et peut-être superflu de chercher les originaux de notre théâtre. Il faudrait du moins pour

« PreviousContinue »