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sans doute un grand rôle ; mais comme elle trouble plus souvent qu'elle n'organise, c'est un agent radical "qui n'est pas propre à gouverner et tout irait de travers

avec lui.

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Amour et grâces, en deux mots, voilà les femmes. les femmes tout entières. Dans le mot d'amour je comprends les passions fortes et douces dont se compose en général leur caractère, l'amour des hommes, la tendresse maternelle, l'amitié, la bienfaisance, la compassion enfin toutes les nuances de sensibilité qui varient chez elles de tant de manières. Les grâces embrassent les perfections naturelles du corps et de l'esprit. Les formes enchanteresses de leurs personnes, la liberté, l'aisance de leurs mouvemens, la noblesse de leur air, la douceur de leur voix, le charme de leurs regards, l'étude qu'elles font de ces avantages, leurs moyens de séduction et jusqu'à leurs tendres perfidies, tout concourt, en France, à rendre la femme l'objet le plas enchanteur, le don le plus magnifique que Dieu put faire à l'homme pour embellir son existence en partageant ses plaisirs et ses peines. (La suite au prochain cahier.)

surtout

DE KERLEC.

LA NATURE ET L'HOMME.

La nature se fait comprendre par des sentimens cachés sous des images sensibles, les hommes au contraire par des idées auxquelles notre intelligence s'unit péniblement. Le tableau de la nature nous offre presque toujours l'aspect des bienfaits du créateur; un lieu, que l'homme a rendu célèbre, ne nous présente le plus souvent que des débris témoins de nos folies, ou plus encore de nos fureurs. La nature est sentie par toutes les ames simples; il faut passer par la rouille des préjugés sociaux pour connaître l'homme; et celui qui, dans ce genre, pousse le plus loin ses études, est toujours celui qui s'est le plus éloigné de la candeur des sentimens primitifs et de l'heureuse confiance du jeune âge. On a besoin d'être désenchanté pour apprécier la société;

il faut être encore dans l'âge des illusions pour s'identifier complètement avec la nature. La nature semble accueillir l'infortune par des pensées consolatrices, et elle ne dit rien au bonheur qui s'enivre de lui-même; la société ne conserve son prix qu'aux yeux de celui qui est encore dans le délire de la joie, quand le malheur a déchiré le nuage qui nous trompait, ou elle nous abandonne ou nous l'abandonnons nous-mêmes. Tout dans le spectacle de l'univers nous entretient des idées sublimes de durée, de grandeur et d'amour; tout, jusqu'à la mort, nous y flatte de je ne sais quelle existence immortelle; parmi les hommes, au contraire, il n'y a rien qui rappelle autre chose que l'instant présent: tonte l'activité de la vie se porte sur des bagatelles qui seront oubliées demain; et ces grandes pensées qui donnent du prix à l'existence, sont laissées à quelques sages qu'on ne croit ni assez heureux, ni assez habiles pour jouir des voluptés de ce monde. C'est dans la foule qu'on apprend à sonder les replis du cœur humain. C'est dans la solitude que la nature rend ses oracles. Celle-ci exige un cœur exempt d'inquiétudes; le monde, au contraire, ne se dévoile qu'à celui qui a long-tems erré sur la mer turbulente des passions. Il faut s'oublier, il faut éprouver un doux abandon de l'ame pour sentir le prix de la nature; il est nécessaire de ramener tout à soi, de se tenir en garde contre les penchants désintéressés pour étudier la société, dont trop de confiance nous rendrait bientôt la dupe.

Puisqu'il y a si peu de rapport entre les impressions naturelles et celles que nous recevons du commerce de nos semblables, comment l'homme social, imbu de tous les préjugés d'une éducation trompeuse, interpréterait-il celte nature avec laquelle il n'a aucun point de contact? ED. RICHER,

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Troisième Extrait.

(Voyez les pages 357 et 427 du 1.er volume. )

Ce lien est peu éloigné de la mer : le général, ne sachant plus que devenir, a l'heureuse idée de creuser dans le sable: il trouve de l'eau... Aussitôt chaque soldat prend de nouvelles forces; suivant l'exemple de leur chef, tous emploient leurs mains à creuser dans le sable avec une sorte de rage. Bientôt chacun a sa petite citerne où il se désaltère à loisir avec une eau saumâtre qu'il trouve excellente.

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» L'armée a pris une nouvelle vie, et le départ est ordonné.... Mais plus de cent Français sont étendus sans vie sur la plaine aride, et la division ne s'éloigne qu'après leur avoir donné la sépulture. Mornes et silencieux nous allons bivouaquer dans un bois de palmiers à deux lieues du fort d'El-ar-Ryck, sur le bord de la mer où nous trouvons de l'eau en abondance; mais il ne nous restait plus de vivre, pas un seul morceau de biscuit..... Quelques racines sauvages voilà la nourriture des malheureux Français qui se traînent armés dans ces brûlantes contrées. Cependant un soldat fend un palmier, le dedans lui paraît tendre, il le mâche et lui trouve le goût de la noisette. Aussitôt chacun de nous devient bûcheron. La nuit se passe abattre des arbres, pour en faire une nourriture succulente.... Le jour parait et le général nous prévient qu'il faut nous préparer au combat.

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» A sept heures, la division, formée en deux carrés, marche sur le fort d'El-ar-Ryck. Le premier carré se porte avec rapidité par la gauche du village, sur les hauteurs sablonneuses qui dominent le fort; nous (9.) et le 2. bataillon de la 75., commandés par le général Reynier, nous avançons directement sur le fort.

» Les troupes du pacha d'Acre et des mamelucks occupaient une position avantageuse. Les maisons d'El-arRyck, construites plus solidement que celles des autres avant des faces nord villages d'Egypte, se trouvant en

et est du fort, le rempart qui dominait toutes ces maisons facilitait la défense. Toutes les issues étaient fermées par des murs épais ou des habitations crénelées. Nous apercevions en grand nombre les troupes syriennes sur les remparts. Tout enfin nous faisait présager une vigoureuse résistance. Cependant il fallait s'emparer de ce village pour s'occuper ensuite du siége du fort.

» Le général Reynier pensa qu'une attaque prompte et déterminée jetterait la confusion parmi les assiégés. Après donc avoir engagé le combat par une vive canonnade, nous avançons au pas de charge, malgré la mitraille et la fusillade qui nous tuent deux hommes. Le général Lagrange tourne le fort, et nous nous attaquons de front. La résistance de l'ennemi est vive et prolongée; mais, quelques brèches ayant été pratiquées, l'adjudantgénéral Devaux escalade le premier les murs; nous le suivons, nous chargeons à la baïonnette avec vigueur : les soldats syriens se laissent percer plutôt que de se rendre. Nous pénétrons dans le village, où de nouveaux obstacles nous arrêtent. Des rues très-étroites et beaucoup d'impasses arrêtent à chaque instant notre marche, déjà gênée par nos maudites lances qui s'accrochaient à toutes les portes, et les enragés Syriens retirés dans leurs maisons, font pleuvoir sur nous une grêle de balles, de pierres et de matières enflammées. Notre courage n'en est point abattu: ces nouvelles difficultés l'animent davantage; nous nous débarrassons de nos lances, nous enfonçons les portes des maisons, rien ne peut nous arrêter, et tout ennemi qui s'oppose à notre marche est passé à la baïonnette.

» On ne peut se faire l'idée du carnage que nous faisons des Syriens, auxquels tout moyen de retraite était ôté et qui refusent cependant de se rendre; car le commandant du fort en avait fait fermer les portes et ces malheureux se défendaient avec toute la fureur du désespoir.

>> Une quarantaine de Maugrebins, réfugiés dans une citerne, ne consentent à se rendre à une partie du 3. bataillon de la 9. que lorsque nous les menaçons de les brûler vifs dans leur retraite. Nous les conduisons alors à l'ambulance établie auprès d'une citerne, où il y avait un très-grand nombre de blessés; nous revenons ensuite au village, nous parvenons à nous en rendre maîtres et nous nous établissons devant et derrière le fort. 8

Dans cette attaque la division perdit 160 hommes dont 7 7 officiers; elle eut 240 blessés, dont 117 de la 9. Cette perte fut considérable, relativement à notre petit nombre; mais jamais notre intrépidité ne s'était manifestée d'une manière plus éclatante. Le général Reynier dans son rapport, rendit justice aux braves de sa division; il cita plusieurs officiers, sous-officiers et soldats pour de l'avancement et des récompenses; je fus porté pour un fusil d'honneur; mais peu de ceux désignés pour des récompenses les obtinrent, et on m'oublia comme les

autres.

>> Toutes nos munitions étant épuisées, nous nous bornons à former le blocus du fort en attendant les moyens d'en tenter le siége; mais nous sommes continuellement inquiétés par les mamelucks.

:

» Le 11, on signale un petit bâtiment français. Le général nous envoic (la 9.) pour le reconnaître le capitaine annonce un convoi de vivres et de munitions... Dans la même nuit une tempête éloigne le convoi, et nous restons sans aucunes ressources dans le désert ? entourés d'ennemis quatre fois plus nombreux que nous, ayant pour toute nourriture le palmier qui commençait à manquer. Qu'on juge du juste effroi et de l'inquiétude générale qui régnaient dans le camp! Les chevaux et les chameaux expiraient de besoin, et nous mangions avec avidité leurs cadavres décharnés. Qu'on ajoute à tant de maux tout ce que nous avions à souffrir de la chaleur, nous trouvant en position sur des monticules d'un sable brûlé par le soleil.

» Dans notre désespoir, nous demandons au général à aller attaquer l'ennemi campé à une demi-lieue d'El-arRyck, sur la route de Gaza. Il nous engage à attendre, pour cette expédition, la division Kléber."

» Le 13, Kléber arrive avec sa division, mais avec un faible convoi de vivres, que l'on nous distribue à raison de 4 onces de biscuit par homme.

» Les soldats de la division Kléber sont effrayés à notre aspect sombre et silencieux; la mauvaise nourriture la fatigue et l'inquiétude nous avaient, pour ainsi dire anéantis.

» Dans cette situation, n'attendant plus de secours que de lui-même, Kléber se décide à aller attaquer les mamelucks d'Ibrahim Bey, campés à une demi-lieue d'El-ar

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