L'ambition, l'envie, avec les consultants, Ceux-là sur une erreur, ceux-ci sur un défant. XIX. L'Oracle et l'Impie. VOULOIR tromper le ciel, c'est folie à la terre Le dédale des cœurs en ses détours n'enserre Un paien, qui sentoit quelque peu le fagot, Alla consulter Apollon. Dès qu'il fut en son sanctuaire: Ce que je tiens, dit-il, est-il en vie, ou non ? Ou de la lâcher aussitôt, Pour mettre Apollon en défaut. Apollon reconnut ce qu'il avoit en tête : Mort ou vif, lui dit-il, montre-nous ton moineau, Et ne me tends plus de panneau; Tu te trouverois mal d'un pareil stratagême: M Je vois de loin, j'atteins de même. X X. L'Avare qui a perdu son trésor. L'USAGE seulement fait la possession. Je demande à ces gens de qui la passion Est d'entasser toujours, mettre somme sur somme, Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme. Diogene là-bas est aussi riche qu'eux ; Et l'avare ici-haut, comme lui, vit en gueux. L'homme au trésor caché, qu'Esope nous propose, Servira d'exemple à la chose. Ce malheureux attendoit Pour jouir de son bien une seconde vie ; Et rendre sa chevance à lui-même sacrée. Qu'il allât ou qu'il vînt, qu'il bût ou qu'il mangeât, Un passant lui demande à quel sujet ses cris.= Votre trésor! où pris? Tout joignant cette pierre.: >Eh! sommes-nous en temps de guerre Pour l'apporter si loin? N'eussiez-vous pas mieux fait De le laisser chez vous en votre cabinet, Que de le changer de demeure? Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure.= A toute heure! bons dieux! ne tient-il qu'à cela ? L'argent vient-il comme il s'en va? = Je n'y touchois jamais. Dites-moi donc, de grace, XXI. L'Oeil du Maître. UN cerf s'étant sauvé dans une étable à bœufs Fut d'abord averti par eux Qu'il cherchât un meilleur asyle. Mes freres, leur dit-il, ne me décelez pas. Les bœufs, à toute fin, promirent le secret. L'on va, l'on vient, les valets font cent tours, N'apperçut ni cor, ni ramure, Ni cerf enfin. L'habitant des forêts Rend déja grace aux bœufs, attend dans cette étable Je crains fort pour toi sa venue: Jusques-là, Là-dessus le maître entre, et vient faire sa ronde. Je trouve bien peu d'herbe en tous ces rateliers. Ne sauroit-on ranger ces jougs et ces colliers. Ses larmes ne sauroient la sauver du trépas. Phedre sur ce sujet dit fort élégamment : Il n'est, pour voir, que l'œil du maître. Quant à moi, j'y mettrois encor l'œil de l'amant. XXII. L'Alouette et ses Petits, avec le Maître d'un champ. NE t'attends qu'à toi seul : c'est un communproverbe. Voici comme Esope lë mit En crédit. Les alonettes font leur nid Dans les blés quand ils sont en herbe, Que tout aime, et que tout pullule dans le monde Tigres dans les forêts, alouettes aux champs. Avoit laissé passer la moitié d'un printemps San goûter le plaisir des amours printanieres. D'imiter la nature, et d'être mere encore. Pour voler et prendre l'essor, De mille soins divers l'alouette agitée Vient avecque son fils, comme il viendra, dit-elle, Sitôt que l'alouette eut quitté sa famille, Le possesseur du champ vient avecque son fils. Ces blés sont mûrs, dit-il; allez chez nos amis Les prier que chacun, apportant sa faucille, Nous vienne aider demain dès la pointe du jour. Notre alouette de retour Trouve en alarme sa couvée. L'un commence : Il a dit que, l'aurore levée, Rien ne nous presse encor de changer de retraite : Ces blés ne devroient pas, dit-il, être debout. Mon fils, allez chez nos parents |