SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE RICARD. Dominique Ricard naquit à Toulouse le 25 mars 1741, dans le sein d'une famille qui le fit élever avec soin. Il fit de rapides progrès, et il avait à peine atteint l'âge prescrit par les règlements de l'Université, qu'il fut reçu bachelier en théologie. Il quitta bientôt sa patrie pour se rendre à Auxerre, et y occuper une chaire d'éloquence au collége de cette ville. La pureté et la douceur de ses mœurs lui acquirent l'estime et l'amitié de tous ceux qui le connurent, et l'on s'empressa de le nommer chanoine honoraire de la cathédrale. Il n'était que simple ecclésiastique, n'ayant jamais voulu s'engager dans les ordres. Il n'avait guère plus de vingt-cinq ans lorsqu'il fut choisi, en 1766, pour prononcer, dans la salle du collége, l'Éloge funèbre du Dauphin, fils de Louis XV. En 1770, il prononça un Discours latin sur le mariage de Louis XVI, alors dauphin, avec Marie-Antoinette, archiduchesse d'Autriche. Le style de ce discours montre combien il était versé dans la langue de Cicéron; les portraits et les maximes qu'on y trouve font honneur à son C.U. TRAN 30101940 jugement. Le collége d'Auxerre ayant été supprimé, il se vit contraint de venir à Paris pour y chercher des moyens d'existence. Quoique l'éducation fût une carrière pénible et remplie d'écueils, surtout dans un temps de dissolution et de vertige, il s'y engagea néanmoins avec courage, et la parcourut avec succès. Ses instructions et ses exemples furent des semences de vertu qui germèrent dans le cœur de ses élèves. Le séjour que Ricard fit à Auxerre lui rappela sans doute Amyot, qui avait été évêque de cette ville, et dont la statue existait encore dans la cathédrale, avant la révolution. Cet illustre savant a mérité la reconnaissance de la postérité, par sa traduction complète des OEuvres de Plutarque. Quoiqu'il eût à surmonter beaucoup de difficultés, il fut cependant favorisé dans cette entreprise par le caractère de notre langue, qui avait alors une facilité, une souplesse et une naïveté qu'elle a perdues en se perfectionnant: aussi l'ouvrage d'Amyot a-t-il conservé des charmes qui en rendront toujours la lecture agréable, malgré tous les défauts qu'on peut lui reprocher, et dont le principal vient de l'état où se trouvait de son temps le texte de Plutarque. Dacier crut devoir profiter du changement que les grands écrivains du siècle de Louis XIV avaient opéré dans la langue, pour traduire de nouveau Plutarque: mais, avec beaucoup de savoir, il n'avait pas le talent d'écrire, et la traduction qu'il publia des Vies de cet auteur ne fit point oublier celle qu'Amyot avait donnée. Le succès de Dacier ne peut donc être attribué qu'au grand intérêt qu'ont les faits, et à la manière dont Plutarque les rapporte. Les OEuvres morales de cet écrivain sont d'un autre genre. Outre la difficulté des choses, le texte en était très corrompu ; et ce n'est qu'après les travaux de plusieurs savants, que M. Wyttenbach, aidé encore de sa propre sagacité, vient d'en donner une bonne édition, fruit de longues veilles. Ainsi il n'est point étonnant que la traduction de ces œuvres par Amyot soit si peu supportable, et souvent même inintelligible. Des gens de lettres ont tenté de nous faire mieux entendre quelques traités; mais, nous osons le dire, aucun, à l'exception de MM. Burette et du Theil, n'y a réussi. Il y avait donc autant de courage que de nécessité à donner une nouvelle traduction des quatre-vingts traités sur différents sujets de morale, de physique, de politique, de philosophie, d'histoire même, qui sont aujourd'hui ce qui nous reste des œuvres de Plutarque; car il en avait composé un plus grand nombre. Ricard, versé dans l'étude longue et difficile de la langue grecque, eut ce courage; et l'on ne saurait trop l'en louer. Il a fait lire avec plaisir des écrits utiles pour la plupart aux progrès de la vertu, et qui honoreront éternellement leur auteur. Ricard ne se fit point illusion, et sentit combien sa tâche était pénible; et peut-être s'en serait-il dégoûté, s'il n'eût pas été encouragé par une femme d'esprit, pleine de connaissances, attachée surtout aux vrais principes, qu'elle voyait sans cesse attaqués ou plutôt outragés, dans une société où elle était forcée de vivre je veux parler de ma dame de La Ferté-Imbault', qui, se plaisant à faire des extraits de Plutarque, excitait sans cesse Ricard à continuer son ouvrage. Il employa plus de dix ans à l'achever; et certes il fallait encore une grande application pour y mettre si peu de temps. Son style est clair et facile. Il s'efforce partout d'être fidèle: on peut assurer qu'il y réussit le mieux dans les matières abstraites, et que, quel que soit le sujet, il se fait lire avec plaisir. Les notes dont est accompagnée sa traduction sont instructives, judicieuses, et dignes surtout d'un ami de la vertu. Le succès couronna les efforts de Ricard, et cet ouvrage fit sa réputation littéraire. L'académie de Toulouse le reçut au nombre de ses membres ; et il est très vraisemblable qu'il eût fini par être de l'académie des Inscriptions et Belles-Lettres, si, dans le cours de la révolution, cette savante compagnie n'eût point été supprimée. Elle agréa la dédicace pleine de modestie et de noblesse que Ricard lui adressa. Les connaissances de Ricard étaient très variées. Ayant fait une étude assez approfondie de l'astronomie, il voulut inspirer le goût de cette science aux jeunes gens en conséquence il composa un poëm. chants sur la Sphère. Il ne se contente pas d'en expliquer le mécanisme et de décrire les cercles qui la composent; il représente encore le tableau général des cieux et de la terre, en parlant des constellations, des climats, des saisons, etc. Peut-être désirerait 1 Marie-Thérèse Geoffrin, marquise de La Ferté-Imbault. Cette dame avait extrait de Plutarque un recueil de maximes, on dans cet ouvrage plus d'invention et moins de vers prosaïques; mais rien n'est plus difficile qu'un bon poëme didactique. On est dédommagé de ce qui manque à celui de Ricard par des notes explicatives qui sont à la suite de chaque chant. L'ouvrage est terminé par une longue notice de poëtes grecs, latins et français, qui ont écrit sur l'astronomie. Ce morceau est un des meilleurs qui soient sortis de la plume de l'auteur écrit avec goût, il offre des recherches curieuses. Il avait conçu et exécuté le projet de son poëme à la campagne de M. et de madame de Meslay, auprès desquels il passa vingt ans de sa vie, et qu'il n'abandonna jamai tout occupé d'eux, s'oubliant lui-même dans les crises les plus périlleuses de la révolution, où tant d'hommes ont cherché leur salut dans l'oubli de leurs devoirs, et trop souvent dans la plus coupable ingratitude. S'étant toujours proposé de traduire les Vies de Plutarque, Ricard ne pensa plus qu'à exécuter ce nouveau dessein. Il publia le premier volume de ces Vies dans l'année 1798, et bientôt après les trois suivants. En 1802, le cinquième et le sixième parurent. Sa traduction était entièrement achevée lorsqu'il mourut. On co, endra sans peine que cette traduction l'emporte de beaucoup sur celle de Dacier, soit du côté du style, soit du côté de la fidélité; les notes en sont plus étendues, et renferment des éclaircissements nécessaires, qu'on chercherait en vain dans cette dernière. Une critique sage dirige toujours la plume de l'auteur, et se fait apercevoir dans les remarques qui concernent les Vies des Hom |