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Saint-Simon ajoute plus bas que cette duchesse de Choiseul, pulmonique et d'un esprit charmant», mourut quelques années après, en 1698, « à la plus belle fleur de son âge, mais d'une conduite si déplorable que son mari ne voulut pas même la voir à sa

mort 1. "

Il appartenait, comme on voit, à Louise du Chatel de réagir contre un passé qui s'offrait à elle sous d'aussi fâcheux auspices, et de rétablir dans toute sa pureté le blason des Choiseul.

La nouvelle duchesse ne faillit pas à ce devoir.

L'astre de Mme de Pompadour brillait alors du plus vif éclat. L'heureuse influence s'en faisait sentir surtout pour le duc de Choiseul.

C'est par Rome, où il venait d'être nommé ambassadeur, qu'il débuta dans la carrière politique, abandonnant dès ce moment le métier des armes.

L'ambassade de Rome était à cette époque l'une des plus importantes du royaume, à cause de l'agitation produite par les querelles religieuses.

La jeune ambassadrice de dix-huit ans rivalisa avec son mari, non pas seulement de grace et de distinction, mais de discernement et d'esprit de conduite. Ces qualités leur gagnèrent bien vite la confiance du pape Benoît XIV, qui trouva dans le duc de Choiseul un appui pour ses idées de modération, à l'occasion des rigueurs exercées alors au sujet de la bulle Unigenitus.

1 Le même, ibid., t. Ier, p. 385.

.

Le remarquable succès obtenu par M. de Choiseul dans l'exercice de cette première mission diplomatique ne tarda pas à lui en faire conférer une autre non moins délicate: l'ambassade d'Autriche.

Vers le milieu de l'année 1757, M. de Choiseul, qui n'était encore que comte de Stainville, partait pour Vienne.

L'abbé de Bernis, qui devait l'année suivante être nommé cardinal, alors ministre des affaires étrangères, en lui envoyant ses dernières instructions, qu'il appelait les derniers sacrements », lui écrivait: Je vous recommande une seule chose: c'est de ne pas vous lasser d'avoir envie de plaire. C'était dire à Choiseul: Continuez de ressembler à vous-même.

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M. de Choiseul, créé de son côté duc de Choiseul, ne resta pas quinze mois dans ce poste. Il fut rappelė en France vers la fin de l'année 1758, pour remplacer au ministère des affaires étrangères celuilà même de qui il tenait ses pouvoirs, le cardinal de Bernis, fatigué du pouvoir et tombé en disgrace.

M. de Choiseul gèra ce ministère jusqu'en octobre 1761, époque à laquelle il le céda à son cousin le comte de Choiseul-Praslin.

Plus tard, en avril 1766, il le reprit de nouveau, pour ne le quitter qu'à la fin de l'année 1770. Il avait 'été, dans l'intervalle, chargé des portefeuilles de la guerre et de la marine.

CHAPITRE II

L'abbé Barthélemy. · Son éducation..

Ses qualités. Son savoir d'archéologue et d'érudit.- Sa nomination à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et plus tard à l'Académie franSon amitié pour les Choiseul.

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çaise. à Rome.

Il les accompagne

C'est de leur séjour à Rome, en 1755, que datent, sinon les premières, du moins les plus intimes relations de M. et de Mme de Choiseul avec l'abbé Barthélemy.

Sans refaire ici la biographie de l'auteur du Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, nous en dirons ce qu'il est nécessaire d'en connaître, pour pouvoir apprécier la personne et le caractère de l'homme qui, dès cette époque et jusqu'à la fin de sa vie, devint l'hôte le plus constant et l'ami le plus fidèle de la famille de Choiseul.

Originaire de la Provence, et destiné à l'état ecclé

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siastique, l'abbé Barthélemy fit ses études théologiques au séminaire de Marseille. Mais, ces études terminées, et quoique pénétré, dit-il dans ses Mẻmoires, des sentiments de la religion, peut-être même parce que j'en étais pénétré, je n'eus pas la moindre idée d'entrer dans le ministère ecclésiastique'. »

Il n'en conserva pas moins le nom d'abbé, pareil en cela à beaucoup d'autres abbės, et même à des évêques et des cardinaux, chez lesquels ces titres ecclésiastiques ne supposaient pas nécessairement la collation des ordres religieux, mais une dignité honorifique, n'excluant pas toujours cependant un certain traitement ou des bénéfices.

Arrivé à Paris en 1744, avec d'excellentes recommandations, qu'il ne tarda pas à justifier par de brilIants et rapides succès dans les sciences et dans les lettres, l'abbé Barthélemy, qui avait, il le reconnaît lui-même dans une de ses lettres, la passion du travail

fut nommé, en 1747, membre de l'Académie des inscriptions. Il n'avait alors que trente ans environ; mais sa précoce érudition et ses connaissances déjà profondes en langues anciennes lui valurent cette distinction.

Il obtint, en 1753, la place de garde de médailles du cabinet du roi.

Mémoires sur la vie de J.-J. Barthélemy, écrits par lui-même en 1792 et 1793, en tête de son Voyage du jeune Anacharsis, t. ler, p. 9.

Cette dernière nomination, dans laquelle entra pour beaucoup le crédit de M. de Choiseul, le mit en rapport avec lui, et bientôt il accepta le poste, fort lucratif alors, de secrétaire des Suisses, dont M. de Choiseul était colonel général.

Ce dernier ayant été, à quelque temps de là, appelé à l'ambassade de Rome, l'abbé Barthélemy consentit à accompagner dans cette ville son protecteur.

L'abbé Barthélemy était spécialement versé dans la science de l'archéologie et de la numismatique; mais son esprit n'en était pas moins doué d'une aptitude générale, qui lui permettait d'exceller dans tous les travaux auxquels il lui plaisait de consacrer ses précieuses facultés. Sa nomination à l'Académie française, vers les dernières années de sa vie, alors qu'il était déjà depuis longtemps membre de l'Académie des inscriptions, est une preuve de l'universalité et de la supériorité de son savoir.

Chez l'abbé Barthélemy, on le verra par la suite, la gaieté du caractère et la finesse de l'esprit étaient à la hauteur de l'intelligence; mais rien n'égalait sa modestie, la sûreté de son commerce et cette inaltérable bonté de coeur qui en firent presque un objet de culte pour la famille de Choiseul, à laquelle il se dévoua jusqu'à la fin de ses jours avec la plus entière abnégation.

Voici dans quels termes s'exprimait, sur le compte du duc de Choiseul et de l'abbé Barthélemy, un académicien chargé de faire l'éloge de ce dernier :

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