CLITON. N'est-ce point du remords d'avoir dit vérité ? Si pourtant ce n'eft point quelque nouvelle adreffe: Car je doute à préfent fi vous aimez Lucrece; Et vous vois fi fertile en semblables détours, Que, quoi que vous disiez, je l'entens au rebours. DORANT E. Je l'aime, & fur ce point ta défiance eft vaine. Mais je hazarde trop, & c'eft ce qui me gêne. Si fon pere & le mien ne tombent point d'ac• cord, Tout commerce eft rompu, je fais naufrage au port. Et d'ailleurs, quand l'affaire entr'eux feroit conclue, Suis-je fûr que la fille y foit bien résolue? ment. Aujourd'hui que mes yeux l'ont mieux examinée, Mais pourquoi donc montrer une flamme si grande, Et porter votre pere à faire une demande? Il ne m'auroit pas crû, fi je ne l'avois fait. Quoi même en difant vrai, vous mentiez en effet? DORANTE. C'étoit le feul moyen d'appaiser fa colere. Avec ce faux hymen j'aurois eu le loifir Mais la compagne enfin n'eft autre que Clarice. Do DORANTE. Je me fuis donc rendu moi-même un bon office. O qu'Alcippe eft heureux, & que je fuis confus Mais Alcippe, après tout, n'aura que mon refus. N'y penfons plus, Cliton, puifque la place eft prife. CLITON. Vous en voilà défait, auffi-bien que d'Orphise. DORANTE. Reportons à Lucrece un efprit ébranlé, Que l'autre à fes yeux même avoit prefque volé. Mais Sabine furvient. SCENE V. DORANTE, SABINE, CLITON. DORANTE. Qu'as-tu fait de ma lettre En de fi belles mains as-tu fû la remettre? SABINE. Oui, Monfieur,_mais... DORANT E. Ah! fi vous aviez vu comme elle m'a grondée; Elle me va chaffer, l'affaire en eft vuidée. DORANTE. Elle s'appaifera; mais, pour t'en confoler, Et tu l'as enduré Tens la main. SABINE. Hé, Monfieur. Ofe encor lui parler, Je ne perds pas fi-tôt toutes mes espérances. CLITON. Voyez la bonne piéce avec fes révérences, Elle a donc déchiré mon billet fans le lire ? Elle m'avoit donné charge de vous le dire; CLITON. Sait-elle fon métier? SABINE. Elle n'en a rien fait, & l'a lû tout entier. Je ne puis fi long-temps abuser une brave hom me. CLITON. Si quelqu'un l'entend mieux, je l'irai dire à Ro Tout de bon. Tout de bon? DORANT E. Aime-t-elle quelqu'autre? SABINE. Encor moins. DORANTE. Qu'obtiendrai-je ? SA DORANT E. Quand elle me croira? Que ma joie eft extrê me! SABINE. Quand elle vous croira, dites qu'elle vous aime. DORANTE, Mon pere... SABINE. La voici, qui vient avec Clarice. SCENE VI. CLARICE, LUCRECE, CLITON. CLARICE à Lucrece. L peut te dire vrai, mais ce n'est pas son vi ec; Comme tu le connois, ne précipite rien. DORANTE à Clarice. Beauté, qui pouvez feule & mon mal & mon bien... CLARICE à Lucrece. On diroit qu'il m'en veut, & c'eft moi qu'il regarde, LUCRECE à Clarice. Quelques regards fur toi sont tombés par mégar de. Voyons s'il continue. DORANTE à Clarice. Ah! que loin de vos yeux Les momens à mon cœur deviennent ennuyeux; Et que je reconnois par mon expérience, Quel fupplice aux amans eft une heure d'abfen ce!. CLARICE à Lucrece. Il continue encor. LUCRECE à Clarice Mais voi ce qu'il m'écrit. CLARICE à Lucrece. Mais écoute. LUCRECE à Clarice. LARIC E. Eclairciffons-nous-en. Vous m'aimez donc, Do DORANTE à Clarice. Hélas, que cette amour vous eft indifférente! Crois-tu que le difcours s'adreffe encore à toi? Je ne fais où j'en fuis. CLARICE à Lucrece. Oyons la fourbe entiére. LUCRE CE à Clarice. Vû ce que nous favons, elle eft un peu groffière. CLARICE à Lucrece. C'est ainsi qu'il partage entre nous fon amours |