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DORANTE.

Vous avez habitude avec ce cavalier?
MELISSE.

Non, je fai tout cela d'un Esprit familier.
Soyez moins curieux, plus fecret, plus modefte,
Sans ombrage; & demain nous parlerons du refte.
DORANTE feul.

Comme elle est ma maîtreffe, elle m'a fait le

çon;

Et, d'un foupçon, je tombe en un autre foup

çon.

Lorsque je crains Cléandre, un ami me traverse. Mais nous avons bien fait de rompre le commer

ce:

Je crois l'entendre.

SCENE VII.

DORANTE, PHILISTE, CLITON.

PHILISTE.

A Mi, vous m'avez tôt quitté?

DORANTE.

Sachant fort peu la ville, & dans l'obscurité, En moins de quatre pas j'ai tout perdu de vûe; Et m'étant égaré dès la premiére rue,

Comme je fais un peu ce que c'eft que l'amour, J'ai crû qu'il vous falloit attendre en belle-cour; Mais je n'ai plus trouvé perfonne à la fenêtre. Dites-moi cependant qui massacroit ce traître? Qui le faifoit crier ?

PHILISTE.

A quelque mille pas Je l'ai rencontré seul tombé sur des platras.

DORANTE.

Maraud, ne criois-tu que pour nous mettre en

peine?

CLITON.

Souffrez encore un peu que je reprenne haleine.

Comme

Comme à Lyon le peuple aime fort les laquais,

Et leur donne fouvent de dangereux paquets
Deux coquins, me trouvant tantôt en sentinelle,
Ont laiffé choir fur moi leur haine naturelle,
Et fi-tôt qu'ils ont vû mon habit rouge & verd...
DORANTE.

Quand il eft nuit fans lune, & qu'il fait temps

couvert,

Connoit-on les couleurs? Tu donnes une bourde. CLITON.

Il portoient fous le bras une lanterne fourde. C'étoit fait de ma vie, ils me traînoient à l'eau; Mais fentant du fecours ils ont craint pour leur

peau,

Et jouant des talons tous deux en gens habiles, Ils m'ont fait trébucher fur un monceau de tuiles, Chargé de tant de coups, & de poing, & de pić, Que je croi tout au moins en être eftropié. Puiffai-je voir bien-tôt la canaille noyée!

PHILISTE.

Si j'euffe pû les joindre, ils me l'euffent payée,
L'heureufe occafion dont je n'ai pû jouïr,
Et que cette fottise a fait évanouir.

Vous en êtes témoin, cette belle adorable
Ne me pourroit jamais être plus favorable,
Jamais je n'en reçus d'accueil fi gracieux;
Mais j'ai bien-tôt perdu ces momens précieux.
Adieu. Je prendrai foin demain de votre affaire,
Il eft faifon pour vous de voir votre lingere;
Puiffiez-vous recevoir, dans ce doux entretien,
Un plaifir plus folide, & plus long que le mien!

SCENE VIII.

DORANTE, CLITON.

DORANT E.

Liton, fi tu le peux, regarde-moi fans rire.
CLITON.

CL

J'entens à demi mot, & ne m'en puis dédire,
L2

J'ai

J'ai gagné votre_mal.

DORANT E.

Hé bien, l'occafion?
CLITON.

Elle fait le menteur, ainfi que le larron.
Mais fi j'en ai donné, c'eft pour votre fervice.
DORANTE.

Tu l'as bien fait courir avec cet artifice.
CLITON.

Si je ne fuffe chû, je l'euffe mené loin.
Mais fur-tout j'ai trouvé la lanterne au befoin;
Et, fans ce prompt fecours, votre feinte impor-

tune

M'eût bien embarraffé de votre nuit fans lune.
Sachez une autre fois que ces difficultés
Ne fe propofent point qu'entre gens concertés.
DORANT E.

Pour le mieux éblouïr je faifois le févére.
CLITON.

C'étoit un jeu tout propre à gâter le mystére.
Dites-moi cependant, êtes-vous fatisfait?

DORANT E.

Autant comme on peut l'être.

CLITON.

En effet?

DORANT E.

CLITON.

Et Philifte?

DORANT E.

Il fe tient comblé d'heur, & de gloire. Mais on l'a pris pour moi dans une nuit fi noires On s'excufe du moins avec cette couleur.

En effet.

CLITON.

Ces fenêtres toujours vous ont porté malheur. Vous y prîtes jadis Clarice pour Lucreces Aujourd'hui mêine erreur trompe cette maîtreffe; Et vous n'avez point eu de pareils rendez-vous, Sans faire une jaloufe, ou devenir jaloux. DORANT E.

Je n'ai pas lieu de l'être, & n'en fors pas fort triste. CLI

CLITON.

Vous pourrez maintenant favoir tout de Philifte. DORANT E.

Cliton, tout au contraire, il me faut l'éviter : Tout eft perdu pour moi, s'il me va tout conter. De quel front oferois-je, après fa confidence, Souffrir que mon amour fe mit en évidence? Après les foins qu'il prend de rompre ma pri

fon,

Aimer en même lieu femble une trahison.
Voyant cette chaleur qui pour moi l'intéresse,
Je rougis en fecret de fervir fa maîtreffe;
Et crois devoir du moins ignorer fon amour,
Jufqu'à ce que le mien ait pû paroître au jour.
Declaré le premier, je l'oblige à fe taire:
Qu, fi de cette flamme il ne fe peut défaire,
11 ne peut refufer de s'en remettre au choix
De celle dont tous deux nous adorons les loix.
CLITON.

Quand il vous préviendra, vous pouvez le défendre,

Auffi-bien contre lui, comme contre Cléandre. DORANT E.

Contre Cléandre & lui je n'ai pas même droit; Je dois autant à l'un, comme l'autre me doit: Et tout homine d'honneur n'eft qu'en inquiétu

de

Pouvant être fuspect de quelque ingratitude. Allons nous repofer, la nuit & le fommeil Nous pourront infpirer quelque meilleur confeil.

Fin du quatriéme Acte.

ACTE V.

SCENE PREMIERE.

LISE, CLITON,

CLITON.

Ous voici bien logés, Life, &, fans raillerie,

Enfin nous voyons clair à ce que nous faifons; Et je puis, à loifir, te conter mes raisons.

LISE.

Tes raifons? C'est-à-dire, autant d'extravagances?

CLITON.

Tu me connois déja!

LISE.

Bien mieux que tu ne penses. CLITON.

J'en débite beaucoup 1sE

Tu fais les prodiguer.

CLITO N.

Mais fais-tu que l'amour me fait extravaguer?

LISE.

En tiens-tu donc pour moi?

CLITON.

J'en tiens, je le confeffe. LISE.

Autant comme ton maître en tient pour ma maî

treffe?

CLITON.

Non pas encor fi fort; mais, dès ce même inftant,

Il ne tiendra qu'à toi que je n'en tienne autant ; Tu n'as qu'à l'imiter, pour être autant aimée.

LISE.

Si fon ame eft en feu, la mienne eft enfiammée; Et je crois jusqu'ici ne l'imiter pas mal.

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