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l'un des fondateurs de la section de Genève, et ce fut pour lui un bonheur de participer à la fête du jubilé zofingien, il y a deux ans, alors que déjà la maladie avait fait ses ravages et qu'il n'était plus physiquement qu'une pauvre machine détraquée. Mais son esprit avait toujours la même énergie; mais son cœur battait toujours pour les pensées généreuses, et le corps devait obéir quand même à l'impulsion d'un sentiment élevé. Témoin encore ces feuilles où, d'une main ralentie, mais toujours ferme, il a tracé l'expression de ses dernières volontés et consigné les largesses qu'il voulait faire à des amis ou à des institutions d'utilité publique. Elles sont, comme tout ce qu'il a fait, de cette écriture correcte et de ce style, sinon élégant, du moins net et précis, qui était la fidèle image de son caractère. Car chez lui, l'imagination n'était pas la maîtresse du logis; il donnait peu de chose à la fantaisie. Tout était réfléchi, raisonné, parfois jusqu'au point où l'on devient subtil et difficile à saisir. Ne visant jamais à l'effet, il n'a recherché d'autre distinction que celle des qualités solides et d'une réputation sans tache; il n'a été, en un mot, et n'a voulu être qu'un vrai genevois dans toute la force du terme. C'est assez, ce me semble, pour faire son éloge.

Aussi, bien que notre Institut n'ait pas été l'objet direct et habituel de ses préoccupations et de ses travaux, s'il est vrai que ce corps n'a d'autre but que de rendre des services au pays, en est-il beaucoup parmi nous qui aient, mieux que Longchamp, rempli ce programme et qui aient plus travaillé pour le but que nous poursuivons ensemble? C'est à vous, Messieurs, de le dire, et je souscris d'avance à votre réponse.

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DES MOYENS

DE RÉSOUDRE LES DIFFÉRENDS

QUI S'ÉLÈVENT ENTRE PATRONS ET OUVRIERS

(3 MARS 1873)

1re PARTIE

Une des fâcheuses conséquences de l'imperfection de l'entendement social, est de procéder par de brusques mouvements à la correction des défectuosités des législations. Il n'est pas d'institution nationale, si impopulaire qu'elle soit devenue, qui n'ait eu sa raison d'être, sa nécessité, et qui n'ait présenté en certain temps, une plus grande somme d'avantages que d'inconvénients. Mais les circonstances changeant avec la marche du temps, de nouveaux besoins, plus ou moins vrais ou contestés à l'origine, et de plus en plus écoutés pour la plupart, entraînent les hommes désireux de progrès à lutter rudement contre la résistance parfois systématique ou contre l'inertie de ceux qui redoutent les changements. On en vient à s'insurger avec violence contre les choses établies, et au lieu de procéder graduellement par des modifications rationnelles et successives, on détruit les institutions le plus souvent sans prendre la précaution d'y substituer d'autres créations qui, sans en présenter les inconvénients, en conserveraient au moins les avantages.

C'est ainsi qu'en renversant de fond en comble, en 1789, l'ordre établi, le peuple français eut à créer toute une légis

lation nouvelle, œuvre immense, et que, malgré leur grand talent, les fondateurs du nouveau droit laissèrent bien des lacunes à combler.

Une seule de ces lacunes sera l'objet de ces lignes.

INSTITUTIONS FRANÇAISES

Commissaires de Police; - Juges-gardes; Prud'hommes; Chambres syndicales.

En abolissant les corporations de métiers, les Maîtrises et les Jurandes ('), il eût fallu établir quelque institution qui, sans rappeler aucun des priviléges ou des autres abus antérieurs, eût répondu, soit à des nécessités auxquelles satisfaisaient certaines parties de l'organisation, de l'ancien régime, soit à des besoins nouveaux résultant même de l'émancipation brusquement proclamée. On comprend que, depuis l'avénement d'une liberté jusqu'alors inconnue, insuffisamment définie, mal comprise d'un certain nombre ou imprécisément limitée, il devait se produire, entre certaines catégories des membres de la société, notamment entre les chefs de travail et leurs employés, des différends plus fréquents et plus redoutables.

C'est à l'intention de combler cette dernière lacune de la législation issue de la Révolution française que fut édictée la loi du 22 Germinal an xi de la République (12 avril 1803). Elle confiait aux commissaires de police le soin de résoudre les contestations entre les patrons et les ouvriers. L'expérience prouva bientôt l'insuffisance de ces fonctionnaires dépourvus des connaissances spéciales nécessaires et privés de l'appui officiel d'arbitres-adjoints qui eussent mission de les éclairer sur les questions pour lesquelles ils manquaient eux-mêmes

(') Loi du 2 Mars 1791.

de compétence. La grande cité industrielle de Lyon avait déjà des juges-gardes, magistrature très-imparfaite aussi.

Ce fut sous le premier empire qu'on s'occupa de remédier à cette insuffisance de la loi. Satisfaisant aux voeux que les fabricants de soieries de Lyon, qui souffraient des abus de la liberté de fabrication et d'autres préjudices, lui en exprimèrent lors de son passage en cette ville, Napoléon Ier fit instituer par la loi du 18 mars 1806, un conseil de prud'hommes pour cette cité. Ce ne fut qu'en 1867 qu'il y fut créé un deuxième conseil de prud'hommes (spécialement pour l'industrie du bâtiment), alors qu'il en existait près d'une centaine dans toute la France. Nous indiquerons plus loin, dans un tableau sommaire, les lois qui modifièrent cette institution et les différences principales qui les caractérisent. (')

La législation qui résulte des remaniements effectués est encore très-insuffisante, elle ne satisfait point aux besoins nombreux et complexes des différentes catégories de patrons et d'ouvriers. La compétence et les attributions des conseils de prud'hommes sont trop restreintes et le nombre des membres est trop faible pour pouvoir représenter les différents groupes intéressés appartenant à une multitude de spécialités.

Dans cet état de choses, il a été rendu de bons services à l'Industrie française par les syndicats professionnels, ou Chambres syndicales-patronales et ouvrières. C'est ensuite des vœux exprimés à l'empereur Napoléon III par les délégations ouvrières à l'Exposition universelle de 1867, qu'a été recommandé l'accroissement des chambres syndicales ouvrières, destinées à faciliter les négociations entre les patrons et les ouvriers. Elles sont agréées par les tribunaux devant lesquels compa

(1) Voir page 200.- Ce sommaire est suivi d'un résumé de la loi belge, note C, p. 229.

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