Page images
PDF
EPUB

exagérées, et vous vous en êtes expliqué très-convenable<ment avec M. l'avoyer d'Erlach, mais il faut convenir aussi, ◄ que les apparences ont pu les exciter et que les essais que « l'ingénieur des ponts-et-chaussées s'est permis, sont très« répréhensibles, 1o parce qu'il n'y était pas autorisé ; 2° parce

qu'en suivant le plan, il en coûterait infiniment plus au roi, « que S. M. veut y mettre, en effet, et que l'objet ne vaut en « lui-même, car, quelque idée que l'on veuille se faire de la situation de cette future ville, elle ne sera jamais un entrepôt a commode pour le commerce permis, elle sera, tout au plus, << un abri pour la contrebande; 3° enfin, j'ai lieu moi-même « d'être très-piqué qu'on m'ait mis dans le cas de dire au roi ⚫et d'écrire en conséquence à Berne qu'il ne s'agissait que de l'excavation d'un fossé de six pieds, tandis qu'on en ouvre « un de trente. La justice et la dignité du roi ne pouvant être « inséparables du fidèle accomplissement de ses engagements, «S. M. ne veut, ni faire une forteresse à Versoix, ni rien qui « en aurait l'apparence. Déjà les ordres ont été envoyés pour faire cesser les travaux alarmants. (Suisse, no 395.) » — Beaucoup de lettres dans ce volume, avant et après celle-là, confirment celle qu'on vient de lire.

Aux communications ministérielles de M. Necker, à la protestation bernoise, basée sur la concession de 1564, le duc de Choiseul ne put rien opposer. L'argent manquait à Paris; à Versoix-Ville on était encore plein d'espérances et on cachait soigneusement aux colons l'état d'abandon auquel ils allaient être livrés.

La colonie de Versoix-la-Ville ne voulait rien avoir de commun avec Versoix-le-Bourg, privé du droit aux franchises

accordées; de là, une animosité entre les deux localités, animosité qui ne fit qu'accroître et qui nécessita une complète séparation; Versoix-la-Ville et Versoix-le-Bourg eurent chacun leur Municipalité et Conseil général. Dès lors, désordre complet: Versoix-la-Ville devint un projet perdu, les constructions furent abandonnées, le port même resta inachevé. Aussi fut-ce avec satisfaction qu'en séance du Conseil de Genève, du 23 juin 1777, Noble de Chapeaurouge rapporta l'entretien qu'il avait eu, le 16 avril, avec M. le comte de Vergennes, lequel lui avait demandé si on était toujours bien inquiet à Genève de l'établissement de Versoix. Ce ministre lui avait avoué qu'il était convaincu que c'était une chimère, qu'il en avait témoigné sa désaprobation à M. le duc de Choiseul, et surtout ses regrets pour l'argent dépensé au port. Il émit alors l'idée d'employer les matériaux de ce port inutile à faire des ponts dans le pays de Gex.

Enfin, en août 1777, le Conseil de Genève apprit que l'Intendant de Bourgogne venait de recevoir, par ordre royal, d'avoir à faire cesser absolument tous les travaux. Cet ordre positif fut donné ensuite d'un rapport remis au roi par M. de Vergennes. Il reçut sa ponctuelle exécution, puisque vers la fin de cette même année, on nivela les fossés creusés du côté de Genève.

En cette même année, mourut un personnage, vaillant défenseur des droits de notre République genevoise: le baron de J.-J. Haller.

Le baron de Haller naquit à Berne, le 16 octobre 1708; il avait été nommé membre du comité du Conseil secret et employé dans toutes les négociations avec la France relatives. à Versoix. Il était chevalier de l'Etoile Polaire. La mort le ravit le 12 décembre 1777, à l'âge de 69 ans.

Cette mort, nous oblige à rappeler celle de Frédéric de

Mullinen (29 avril 1769), ce fils du banneret Wolfang qui s'était distingué à Bremgarten et à Wilmergen, en 1712, père de l'avoyer Albert et grand père de l'avoyer Nicolas Friderich. Frédéric de Mullinen, membre du Gouvernement, historien Suisse, attaqua chaleureusement, dans le Conseil bernois, l'entreprise de Versoix, si menaçante pour l'indépendance Suisse. Ce noble magistrat fut frappé d'apoplexie au moment où il pérorait. Jean de Müller nous apprend que le jour suivant, une main restée inconnue avait tracé une inscription sur la place de celui qui debout, parlant et combattant, servit Dieu et la patrie.

En 1786, le roi fit concession d'un grand domaine à VersoixVille, à Ami Argand, citoyen genevois, le célèbre inventeur des lampes à courant d'air.

François-Pierre-Ami Argand naquit à Genève, le 5 juillet 1750, de Jean-Louis Argand, maître horloger, et de Madeleine Gaudy, sa femme; il était originaire de Bonne en Faucigny, fit ses études à Genève, où il acquit ensuite la bourgoisie. Argand écrivit plusieurs ouvrages et articles scientifiques, se livra à diverses expériences dont l'industrie de nos jours tire encore un heureux parti et obtint par ses rares connaissances un grand renom dans la science et dans l'industrie. En 1789, il épousa à Genthod, Mile Marcet de Mézières.

Sa fabrique de Versoix, qui occupait près d'une centaine d'ouvriers, fut ruinée par suite de la Révolution française; elle portait le titre de manufacture royale. En 1792, dans les états de patentes des industriels de Versoix-Ville, elle figure pour 300 livres d'imposition. Il inventa à Versoix, avec la collaboration de Joseph Montgolfier, le bélier hydraulique, machine destinée à élever l'eau des rivières au moyen de leur pente naturelle, sans roues, ni pompes.

M. Théophile Heyer a lu en séance du 1er mai 1860, à la

[ocr errors]

classe d'Industrie et du Commerce de la Société des Arts de notre ville, une notice très-complète sur les nombreux travaux et rapports scientifiques d'Argand.

Par suite de revers, Argand se livra à la distillerie et, de cette nouvelle industrie, il nous légua divers procédés pour la conservation des vins. Devenu mélancolique et visionnaire, il s'adonna à l'alchimie et aux prétendues sciences occultes: ses jours s'achevèrent dans l'indigence et l'obscurité. Ainsi mourut tristement à Genève, le 14 octobre 1803, cet homme célèbre auquel le grand Dictionnaire Larousse du XIXe siècle, se plaît à rendre un brillant hommage.

Argand comptait parmi ses associés les frères Charles et Jacques Auzière.

Ce dernier, maire de Versoix à l'époque révolutionnaire, exploitait du salpêtre dans le département du Mont-Blanc et le pays de Gex, pour le compte de la Nation.

Charles Auzière, son frère, fut capitaine de la garde nationale. A diverses reprises fl fit des dons patriotiques pour le soulagement de ses frères d'armes et souscrivit pour dix francs par mois en faveur des indigents de la commune.

Versoix-la-Ville avait pour notaire royal Pierre-François Nicoud ou Nicod, ancien syndic de Gex, juge de paix, membre de la Municipalité; son père Jacque-Gédéon Nicod était curial de Gex; sa mère se nommait Gasparde Pinier. — Il se maria à Versoix en 1772, le 11 août, à Louise, fille de François Girod de Versoix; son mariage fut célébré par don Nicod, ancien vicaire général de l'étroite observance de l'ordre de Grammone. Il mourut à Versoix, le 8 prairial 1802. Un JeanPierre Nicod est indiqué dans le passeport no 476, registre A, n° 26, comme fusilier, puis capitaine dans la garde nationale de Versoix (du 18 floréal an II, il était alors âgé de 19 ans).

Parmi les principaux personnages alors fixés à Versoix,

citons: Messire François de Caire, capitaine, ingénieur du roi, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis;

Jean-Paul-François Noailles d'Ayen, lieutenant-général des armées de France;

Jean-Charles-Pierre Le Noir, ci-devant bibliothécaire du roi, conseiller d'Etat ordinaire, demeurant à Paris, rue SaintHonoré. Le 10 janvier 1791, il se présente à la municipalité pour prêter le serment civique qui fut refusé, son séjour à Versoix n'étant pas régulier (signés au registre): Le Noir, avec protestation contre le refus de recevoir son serment; Bremond, Jean Fournier, conseillers; Colliex, procureursyndic; J.-G. Laplatte, secrétaire; Céard, maire.

Adrien-Louis de Guines de Bonnières, lieutenant-général des armées du roi, chevalier de ses ordres, ci-devant son ministre plénipotentiaire près du roi de Prusse, et son ambassadeur près le roi d'Angleterre, demeurant ci-devant à Paris, rue de Varenne. Le 1er février, il requiert acte de son acquiescement à payer l'imposition de domicile, établie par les décrets de l'Assemblée Nationale.

Madame Sophie-Félicité Lannion-Larochefoucault-Liancourt et son fils Gayetan-Frédéric Larochefoucault. Cette dame fit acquisition du domaine de Mont-Fleuri. L'arrêté du Conseil de commune, du 17 frimaire an II, porte à l'ordre du jour la citoyenne Lannion, comme faisant beaucoup de charités, entretenant à ses frais le médecin du village et fournissant gratis tous les médicaments. A son départ de Versoix (1797), elle alla se fixer à Crève-Coeur (Oise). Ci-devant portée dans la liste des émigrés, elle en fut rayée de 1796 à 1797, à Paris. Une correspondance du 24 frimaire an Ix, au préfet du Léman, n° 251, Versoix, registre A, no 29, porte Madame Lannion, femme Liancourt, ex-duchesse. La famille des Larochefoucault

« PreviousContinue »