Page images
PDF
EPUB

dicieufe critique qu' en publia cademie Françoife qui en faifoit toucher au doit les irregularitez. L'Academie en corps a beau le cenfurer, Le Public revolté s'obstine à l'admirer.

On pourroit faire d'excellentes obfervations critiques fur les meil leures piéces de Racine & de Moliere fans nuire à la reputation de ces deux grands hommes. Il en eft ainfi dans toutes les Belles Lettres. Les genies du premier ordre ont toujours quelque preuve de l'humanité; Homere le plus grand poéte qu'ait produit la nature, n'eft pas Homere par tout,& Horace l'un des plus judicieux critiques de l'Antiquité, dit que le bon homme s'affoupiffoit quelquefois. Il faut tendre à la perfection, non pas pour y arriver, mais pour en approcher le plus qu'il eft poffible. Un excellent ouvrage n'eft pas celui Part. II. T

qui

qui eft abfolument fans aucun défaut ; cela eft au deffus des forces humaines & ne fe verra jamais. L'excellent dans les ouvrages de de l'efprit confifte à n'avoir que très peu de chofes qui ayent befoin d'être excufées & en même temps à avoir un grand nombre de beautez qui réüniffent tous les fuffrages, & qui puiffent foutenir l'examen des Juges habiles & intégres.

S. XXXVIII.

Conclufion de ce Volume.

TEL

ELLES font les Reflexions qui m'ont paru utiles à une perfonne qui veut étudier les Belles Lettres. Les Matieres que nous avons parcourues dans cette feconde Partie, compofent ce que nos Ayeux appelloient la Gaye Science; il femble que par ce nom ils ayent

fup

fuppofé que le principal but que que l'on s'y propofe, eft le plaifir. Il eft vrai que tous les ouvrages d'Eloquence, de Poélie, de Mufique, & de Peinture, doivent caufer en nous un veritable plaifir, Mais on ne doit pas s'y borner; il faut aller à l'utile. Si l'Eloquence nous force & nous entraine, il faut que ce foit pour nous faire aimer le vrai bien, & pour nous exciter plus puiffamment à pren, dre le parti le plus jufte & le plus honnête. Sila Poélie, par fes tours heureux, s'imprime plus facilement dans nôtre memoire, il faut que ce foit pour y attacher des leçons qui influent fur nos Mours. La Mufique peut y joindre fes agrémens pour aider à en rendre le fruit plus durable.

Les Gaulois nosAncêtres avoient leurs Poétes dont les ouvrages fe chantoient. Leurs chanfons conteT 2 noient

noient l'Hiftoire de la Nation & les belles actions des Grands Capitaines & par là c'étoit autant d'inftructions qui, en éternifant le fouvenir de ces Heros, excitoient leurs defcendans à les imiter. Ils ne connoilloient point ces paffions tendres, lâches, & effeminées, qui fe font emparées de la Poéfie moderne, & ne faifoient point fervir ce bel Art à amollir le courage & à corrompre la morale.

La Peinture eft tres - eftimable quand elle demeure dans les bornes du vrai & qu'elle réprefente dans fes portraits les Hommes illuftres qui ont utilement fervi leur Patrie, ou dans fes tableaux les actions qui me ritent d'être confervées à la Pofterité. Elle peut aufli multiplier les Palais & les Lieux où la Nature & P'Art ont réuni de grandes beautez; mais je donne la préference aux Portraits & à l'Hiftoire, à cause de l'utilité morale. Je

2

[ocr errors]

Je fais que les Langues & l'Hiftoire appartiennent aux belles Lettres & qu'il eût été dans l'ordre de les traiter dans cette feconde partie; mais j'avois déjà parlé des Langues dans la premiere. L'Art de parler doit préceder quelque autre étude que ce foit; & c'eft pour cela que je l'ai mis avant les Sciences.

J'avoue que felon l'ufage ordinaire des Ecoles, la Poéfie & la Rethorique fuivent immediatement la Grammaire; cela vient, je penfe, de ce que les enfans qu'on y forme, ne femblent pas avoir l'efprit allez mûr pour les fciences qui demandent de l'attention & de la reflexion, au lieu que la Poélie & la Réthorique font plus proportionnées à un âge qui eft d'ordinaire plus fenfible au plaifir qu'à l'utilité. J'ai fuivi un autre ordre. Comme j'ai affaire à des perfonnes raisonnables, j'ai cru que je devois d'abord T 3

les

« PreviousContinue »