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afpect; c'eft à dire par rapport à certaines obfervations fur lefquelles font fondez les principes qui concernent la confonance ou la diffonance des accords, & dans ce fens la Mufique n'eft plus un Art dont les agrémens font arbitraires. Elle devient une fciénce qui fait une partie effentielle des Mathématiques. C'eft pour cela qu' Ozanam l'a mife au nombre des fciences dont il traite dans fon dictionnaire auffi bien que l'Algebre, la Géometrie, &c. On a d'excellentes obfervations fur l'Acoustique dans les Mémoires de l'Académie

Royale des fciences. Ceux qui n'ont point d'étude ont befoin qu'on les avertiffe que l'Acoustique eft la fcience des fons.

R 2 §. XXXIV,

S. XXXIV.
Du Genie.

AI fouvent parlé du Genie dans les chapitres precedens; il eft jufte que j'explique ici l'idée que j'en ai. On eft tenté de croire qu'il ne differe point de l'Esprit; C'est à dire de ce qui forme en nous la penfée. Cependant ce font des chofes très differentes. C'eft fi peu une même chofe fous divers noms, qu'on peut avoir beaucoup d'ef prit & peu de genie dans le fens que nous lui donnons ici, de même qu'on peut au contraire avoir beaucoup de genie & peu d'efprit. Quand ces deux prefens de la Nature fe rencontrent heureusement réunis dans un même fujet, c'est de quoi former un de ces hommes rares qu'on ne fe laffe point d'ad

mirer & qui font l'ornement de leur fiécle & de leur patrie.

Que l'Efprit & le Genie ne foient pas toujours enfemble, c'eft une verité dont on peut faire tous les jours l'épreuve. Rien n'eft plus commun que de voir des gens qui défrayent agréablement toute une Compagnie plufieurs heures de fuite. Rien n'eft plus joli que les faillies vives & neuves qui leur échapent. Elles partent à coups redoublez comme des éclairs. Ils foutiennent ce caractere long-temps. & fouvent. Ils paffent pour gens d'efprit; cependant il n'ont pas la moindre aptitude pour les affaires, ni pour les fciences, ni pour les beaux Arts. S'ils s'y appliquent, ce fera fans aucun progrès, le travail le plus opiniâtre ne les menera gueres au delà de la mediocrité ; le genie leur manque ; & fans lui on n'excelle jamais.

Il y en a au contraire qui ont un genie heureux pour les Affaires ou pour l'Etude & qui hors de là ont à peine le fens commun. Ces fortes de caracteres ne font point rares parmi les artifans celebres. Le genie qui les domine, les éleve, & leur fournit au befoin des moyens pour arriver à leur but. Mettez les fur quelque matiere differente de la chofe pour laquelle ils femblent uniquement nez, leur converfation eft pefante, embaraffée, à peine devine-t-on qu'ils penfent mieux qu'ils ne parlent. La plupart des portraits que j'ai vûs du Marechal de Turenne ne lui donnent qu'un gros bon fens pour le commerce ordinaire de la vie. Cependant qu'elle élevation de genie pour la guerre! quelle penetration pour déconcerter les deffeins des ennemis! quelles reflources pour fuppléer fouvent à l'inferiorité du nom

bre

bre par la fuperiorité de la conduite!

L'Efprit nous fert à failir, à recueillir & à arranger un nombre d'idées; la Memoire à les conferver, le Jugement à les choifir & à les apprecier. Le Genie vient enfuite, profite de tous ces fecours, & s'en paffe même en cas de befoin. S'il fe tourne vers une fcience, il ne fe borne pas à en favoir les regles & la pratique; il pouffe fes vûes plus loin, il va jufqu'à inventer des beautez originales. Il ne s'embaraffe point s'il voit devant lui des traces aufquelles il puiffe reconnoître que quelqu'un l'a precedé, il s'ouvre de nouvelles routes, il eft fon guide à foi même, il marche feul & porte la fcience qu'il a embraffée jusqu'à un point fixe d'où doivent enfuite partir ceux qui la cultiveront après lui, s'ils veulent en continuer la decouverte. Tels ont été R 4

par

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