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S. VII.

Du choix des Etudes.

La vie eft fi courte, l'efpereft

fi borné, l'apprentissage est si long, les détails de chaque Science font fi étendus, qu'il eft rare, j'ai prefque dit impoffible, qu'un même homme poffede à un certain degré deux fçiences un peu différentes l'une de l'autre; comme par exemple, le Droit & la Médecine. C'eft pourtant une erreur affez géneralement répandue, & rien n'eft plus ordinaire que de trouver des gens qui pour louer un favant, vous difent qu'il fait le fin de toutes les fçiences. Cela eft hyperbolique, & un éloge de cette nature réduit à fa jufte valeur, fignifie tout au plus que la perfonne que l'on veut louer, a une lecture fort variée & une legere

gere teinture des fciences qu'il a étudiées fuperficiellement. Mettezle fur chacune de ces fciences avec un homme qui en fait fon capital: il fera pitié; ou bien il fera réduit à fe taire, ou à payer de babil, comme il arrive fouvent.

§. VIII.

Qu'il y a deux manieres d'étudier.

Premiere maniere.

y a deux manieres d'étudier une Science, l'une fondamentale,l'autre fuperficielle. La premiere eft lorsqu'en apprenant une Science, on va de principes en principes, fans s'arrêter jusqu'à ce qu'on foit arrivé au niveau de fes Maîtres, où même au delà. Une perfonne qui étudie ainli, ne s'attache pas feulement aux Leçons qu'on lui a données; elle les digere, y ajoute fes

pro

propres réflexions & fes recherches; & tâche d'augmenter fes progrès de jour en jour.

Telle eft la maniere dont nous devons nous appliquer à la Science qui eft propre à nôtre Etat; les autres ne méritent nôtre attention que par le plus, ou le moins de liaifon qu'elles ont avec elle; car les Sciences ont entre elles des affinitez & des alliances. Par exemple, la Théologie ne peut fe paffer de l'Hiftoire Ecclefiaftique, du Droit Ca&c. La Médecine a befoin

non

de la Botanique qui lui fournit les Plantes,de la Chimie qui les lui prépare, &c. L'Hiftoire feroit fujette à bien des égaremens, fi elle n'avoit pas la Géographie & la Chronologie qui la guident.

La Science de nôtre Etat eft la Science par excellence par rapport à nous. Celles qui lui font liées & que j'appelle annexes, méritent la

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même application que celle à la quelle elles font rélatives, parce qu'elles en font des parties effentielles. Mais telle fcience qui n'est qu'annexe pour un certain homme, devient capitale pour un autre; par exemple, la Géographie n'eft qu'une annexe pour un Historien, & au contraire pour le Géographe c'eft la Géographie qui fait fon capital & l'Hiftoire n'eft qu'annexe à fon tour.

L

§. IX.

Seconde maniere d'étudier.

AUTRE maniere d'étudier confifte à effleurer une fcience, à en apprendre les régles les plus effentielles, à en faire quelques applications particulieres, en favoir affez les termes pour les entendre dans les livres, ou dans la Part. I. B

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converfation, ou pour les placer foi-même à propos, lorsque l'occafion s'en préfente. C'eft de cette forte qu'il eft bon d'apprendre les fciences dont on ne veut pas faire fon fort.

§. X.

Dégrez d'utilité dans les Sciences.

OUTES les fciences font utiles;

en

Tmais en general, & non pas dans le particulier. Par exemple, il eft utile à tout le monde qu'il y ait des Aftronomes, des Anatomiftes, des Algébriftes, &c. Mais il ne feroit pas utile à tous les hommes que chaque particulier s'attachât à chacune de ces fciences. Il fera pourtant toûjours louable à un homme d'étude d'avoir une connoiffance médiocre du Monde où il vit, du Corps qui fait une partiefi

ef

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