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des pages de Châteaubriand ; j'aime mieux citer des écrivains anglais et protestants :

De toutes les religions, la religion catholique est la plus poétique. Les superstitions antiques remplissaient l'imagination de tableaux charmants, mais elles n'avaient point de prise sur le cœur. Les doctrines des églises réformées ont très-puissamment agi sur les âmes et sur la vie des hommes, mais elles ne leur ont jamais offert des spectacles d'une beauté et d'une grandeur sensibles. L'Eglise catholique unit aux sévères doctrines de l'une tout ce que M. Coleridge appelle la belle humanité de l'autre. Elle a enrichi la sculpture et la peinture des formes les plus charmantes et les plus majestueuses. Elle peut opposer le Moïse de Michel-Ange au Jupiter de Phidias, et la grâce sereine et pensive de la Vierge-Mère aux charmes voluptueux de la reine de Chypre. Les légendes de ses martyrs et de ses saints peuvent rivaliser d'intérêt et d'ingénieuse finesse avec les fables de la mythologie grecque.

MACAULAY.

Le papisme interprète à sa façon le sentiment du divin, c'est pourquoi le papisme est respectable. Qu'il dure aussi longtemps qu'il pourra guider une âme pieuse. On l'appelle idolâtrie, peu importe. Qu'est-ce qu'une idole, sinon un symbole, une chose vue ou imaginée qui représente le divin? toutes les religions sont des symboles. Le plus rigoureux puritain a sa confession de foi, sa réprésentation intellectuelle des choses divines. Toutes les croyances, les liturgies, les formes religieuses, les conceptions dont se revêt le sentiment religieux, sont en ce sens des idoles, des choses vues. Tout culte doit s'accomplir par des symboles, des idoles; nous pouvons dire que toute idolâtrie est comparative, et que la pire idolâtrie n'est qu'une idolâtrie plus grande. La seule qui soit détestable est celle d'où le sentiment s'est retiré, qui ne consiste qu'en cérémonies apprises, en répétitions machinales de prières, en profession décente de formules qu'on n'entend pas. La vénération profonde d'un moine du douzième siècle prosterné devant les reliques de Saint-Edmond valait mieux que la piété de convenance et la froide religion philosophique d'un protestant d'aujourd'hui.

CARLYLE traduit et analysé par TAINE.

J'ai essayé d'expliquer et de justifier l'opinion de

E

Châteaubriand sur la stérilité poétique du protestantisme, et comme j'avais commencé par dire qu'il a eu tort de juger la littérature anglaise sous l'influence de cette idée, vous avez pu croire à une contradiction dans ma critique. Mais la contradiction n'est qu'apparente. Nos connaissances, nos études peuvent avoir pour objet deux mondes très-différents : le monde des idées et celui des faits, le monde des théories, des raisonnements, des rêves et celui de la réalité, le monde de la philosophie et celui de l'histoire. Ces deux mondes-là sont rarement d'accord, et ce défaut d'harmonie n'est pas toujours un mal. Si les passions et la faiblesse des hommes luttent souvent contre la vérité et en retardent le triomphe, il peut arriver aussi que l'inconséquence humaine ait de nobles résultats, et sauve dans l'ordre moral la vertu, dans l'ordre poétique la beauté. Le protestantisme est anti-poétique: le protestantisme n'en a pas moins donné naissance à beaucoup de poëtes et à de grands poëtes. Comment cela se fait-il, dites-vous? mais comment se fait-il que le catholicisme soit une religion pleine de poésie, et qu'il y ait tant de catholiques sans poésie et sans imagination? comment se fait-il que le christianisme soit tout puissant contre le mal, et que tous les chrétiens fassent le mal? comment se fait-il que l'athéisme soit logiquement la ruine de toute vertu, et qu'il y ait cependant des athées vertueux, et capables nonseulement d'honnêteté, mais d'héroïsme? Cela vient de ce que l'homme est une créature sensible et passionnée avant d'être une créature raisonnable, et qu'en lui les instincts de la nature priment, pour les pervertir ou pour les corriger, les idées de la raison. "Que de choses, s'écrie Lessing, paraîtraient incontestables en théorie, si le génie ne s'était pas chargé de prouver le contraire par des faits!" C'est pourquoi, M. Taine mon

trant la poésie particulière du protestantisme a fait une chose plus sage et une œuvre plus grave que le vicomte de Châteaubriand montrant que le protestantisme n'est pas poétique.

Revenons à l'Essai sur la nous n'avons encore rien dit.

Littérature anglaise, dont

Mais cette causerie est

assez longue; ce sera pour la prochaine fois.

12 Novembre.

LETTRE

ÉCRITE À L'OCCASION DE LA

PREMIERE CAUSERIE.

MONSIEUR,

THE days of chivalry are passed, and women are not yet (and it is to be hoped they never will be) in Parliament; thus it often happens that unless they advocate their own cause, there is no one found to plead for them when accused, or to take up the gauntlet thrown down by their detractors. Therefore I accept the challenge you proposed to us in your interesting lecture last week, and venture to query the fact suggested to you by some partial critic, that the ladies of the Channel Islands are behind their sisters in other lands in literary knowledge and the love of literature.

I do this with all diffidence, being one of them, but with a profound consciousness of my own failings on this point, and putting myself entirely aside, I cannot but feel that this statement as regards my countrywomen is without foundation. You spoke of Shakes

peare, Milton, Schiller, Racine, Tasso, Macaulay, &c. Monsieur, I venture to assert that there are few houses in the island where you will not find them honoured,— few ladies who have not more or less knowledge of their works; and gladly as we accept your invitation to explore deeper with you into the rich treasures stored up by these writers, we do not do so as novices or meet them as strangers to whom we must needs seek preliminary introductions, but rather greet them as old friends with whom we have already spent many a pleasant hour, and of whom we can never see or know enough.

I do not know what grounds your critic had for the assertion he made, or what led him to make such an accusation, but whatever they may have been, 1 cannot help thinking he must have laboured under the same disadvantage as another of our critics, who, not having been sufficiently appreciated when dwelling among us, avenged himself by giving to the world his private experience to prove our island inhospitality!

There are no doubt in England societies specially literary; but amongst the general society where only the comparison could be just, I venture to doubt if the conversation be more refreshingly intellectual than in these islands; there is certainly much less of it, and indeed so far from the mutual intercourse of the guests being pleasant and instructive, a most fashionable and hospitable class of entertainments has become a very by-word for dullness.

Or is it among "les dames Françaises" that we are to look for our rivals in this matter? It would seem to

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