Page images
PDF
EPUB

tif; Brutus croyait encore à la liberté. Après quelques alternatives de revers et de succès, la fortune d'Octave triompha dans les plaines de Philippes. Horace s'y comporta comme un homme que la gloire attend dans une autre carrière. Il prit la fuite.

rieur, contre les heureux de la vie. Cette haine est peu noble : hélas! pardonnons à l'infortune de n'être point généreuse. Aussi vit-on le génie poétique d'Horace débuter par des satires. Il a su reproduire, en ce genre d'écrits, les formes et l'esprit de la vieille comédie grecque.

[ocr errors]

>> Brutus et Cassius avaient succombé sons les coups d'Octave: : une amnistie fut offerte par le vainqueur à ceux qui déposeraient les armes et repasseraient en Italie. Quelques Romains rebelles profitèrent de ces dispositions bienveillantes; Horace fut du nombre. Mais hélas ! son patrimoine avait été confisqué des étrangers étaient venus s'asseoir au foyer de son père, si bon et si vénéré! Cependant, quelques débris de sa fortune lui restaient encore; il les employa à acheter une charge de secrétaire du trésor, non pas que cette fonction fût digne de lui, mais ne fallait-il pas vivre? La crainte de ce monstre hideux, qu'on appelle pauvreté, bien plus encore que le désir d'acquérir une gloire mensongère, inspirèrent à Horace ses premières poé- Virgilius, post hunc Varius, dixêre quid essem.

Quoiqu'il donnât peu de publicité à ses premières œuvres, son nom, porté sur l'aile capricieuse de la Renommée, fut bientôt connu de Varius, de Virgile et de quelques personnages éminens. L'aimable Virgile, cet homme à l'âme blanche, suivant l'expression d'Horace, eut le premier l'idée de le recommander à Mécène, et fut secondé par Varius dans ces bienveillans efforts. Mais qu'une amitié puissante était difficile à conquérir alors! Qu'elle était solide aussi quand une fois on l'avait méritée! Horace dut attendre neuf mois entiers avant d'être admis au nombre des familiers de Mécène. Le poëte signale en ces termes cet honorable noviciat :

sies! Gardons-nous donc d'être trop sévères envers lui, lorsque plus tard nous le verrons consacrer sa muse à chanter les plaisirs des festins et de l'amour. 11 en jouissait comme d'un bien inespéré.

Optimus olim

Ut veni coram, singultim pauca locutus,
Infans namque pudor prohibebat plura profari,
Non ego me claro natum patre, non ego circum
Me Satureiano vectari rura caballo,
Sed, quod eram, narro. Respondes, ut tuus est mos,
Pauca: abeo; et revocas nono post mense, jubesque
Esse in amicorum numero. Magnum hoc ego duco.
Sat. vi,

liv. 1.

Virgile et Varius, ces excellens amis,
Vous parlèrent de moi; bientôt chez vous admis,
Timide par respect, discret par caractère,
Je vous dis qui j'étais, en deux mots, sans mystère,
Je ne me vantai point du rang de mes aieux,
Ni d'aller dans mes champs avec un train pompeux.
Votre réponse fut celle d'un homme sage :
Quelques mots de bonté, comme c'est votre usage.

» La situation dans laquelle il se trouvait, au début de sa carrière poétique, dut influer sur la nature et le genre de ses écrits, auxquels d'ailleurs une vocation décidée, qui se développa en lui par la suite, imprima un caractère tout à fait spécial. L'homme qui est malheureux et qui Je sors; neuf mois après, rappelé près de vous, se sent du talent l'emploie à mendier quand son courage est faible; mais s'il a cette fierté qui dédaigne la prière, il nourrit au fond du cœur une haine secrète contre tout ce qui lui est supé

Je devins votre ami. Ce titre m'est bien doux.
Trad. de DARU.

» Mécène ne se contenta pas d'accorder ses bonnes grâces à notre poëte, de l'emmener à Brindes, où il se rendait

pour réconcilier Antoine et Auguste; de lui faire de nombreux présens; enfin de le combler de toutes les manières ; il voulut encore qu'il participât à la bienveillance de l'empereur. Mécène mérita dès lors pour jamais d'attacher à son nom l'idée d'un patronage litté raire, à la fois éclairé par le goût et ennobli par l'amitié.

» Auguste accueillit Horace avec bonté, et voulut lui donner l'emploi de son secrétaire; brillant embarras qui ne pouvait tenter qu'un ambitieux, et qu'Horace n'hésita pas à refuser. Auguste ne se souvint plus du passé, et eut sans doute peu d'efforts à faire pour oublier qu'un guerrier tel qu'Horace avait porté les armes contre lui. De ce moment aussi, le poëte embrassa avec sincérité la cause de son illustre protecteur. Le parti de la ré publique n'existait plus, car on ne pouvait reconnaître pour tel celui que dirigeait Sextus - Pompée. Antoine n'était plus que l'indigne adorateur d'une reine courtisane. Les Romains considéraient Auguste comme leur pè re, et lui donnaient publiquement les noms de bienfaiteur et de sauveur de la patrie. Horace, entraîné par le devoir de sa reconnaissance personnelle, suivit le char du triomphateur, mêlé à la foule des Romains, du milieu des quels sa voix poétique prédisait à César un empire sans fin et des trophées écla

tans.

la Sabine? A d'autres les émotions de la puissance, les ambitious littéraires. A lui la mauve légère, la chicorée et les noix de son verger; à lui l'amitié de Mécène, un doux repos sous de frais ombrages; un peu d'étude, non pas pour remplir sa vie, mais pour occuper ses loisirs. Il ne rougit même pas de ce que son père était affranchi. Pour excuser ce vice de son origine, avec quelle spirituelle raillerie il fait ressortir l'inconvénient d'être en évidence, lorsqu'on porte un écusson dont la face n'est pas exempte de taches?

» On a reproché à tort à Horace d'a voir été un adroit courtisan; que dis“ je! un vil flatteur. Presque jamais, pourtant, il ne donna à Auguste que des louanges méritées; quant à celles où l'on trouve quelque exagération, il faut tenir compte de l'enthousiasme lyrique du poëte. Croirait-on qu'Auguste était mécontent de ce qu'il appe lait la froideur d'Horace? « Sacbez, lui écrivait-il, que je suis en colère contre vous, de ce que vous ne vous adressez pas plus souvent à moi dans vos épîtres: craignez-vous de vous déshonorer aux yeux de la postérité, en montrant que vous êtes de mes amis?» Ainsi parlait la conscience alarmée de l'usurpa teur. Horace répondit par la fameuse épître :

Cùm tot sustineas et tanta
Negotia solus,

[ocr errors]

L. . Ep. 1.

O vous dont les exploits protègent l'Italie,

» Car alors la satire n'était plus un besoin pour Horace. Que lui importait vous de qui les vertus l'ont ornée et polie: désormais que les autres fussent riches

pas

Vous qui la réformant, l'éclairant par vos lois, Du fardeau de l'état portez seul tout le poids;

Aux dépens des Romains de vos momens abusė.

et décorés d'honneurs ! N'avait-il reçu en présent de Mécène, la jolie César, ne craignez pas qu'une indiscrète muse, villa de Tibur, tant de fois célébrée dans ses ouvrages, et dans laquelle il priait son noble patron de vouloir bien de vouloir bien se rendre à la chute du jour pour boire doucement d'un vin misérable venu de

Ŕ.

» Outre le reproche de flatterie, d'autres torts non moins capitaux ont été imputés à notre poëte; ce sont ceux qui proviennent d'un amour - propre

excessif et d'obscénité. Nous ne prétendons pas disculper entièrement Horace de toutes les faiblesses qu'on lui reproche. Homme, il a payé tout son tribut à l'imperfection humaine. Que l'on considère cependant que si dans les épilogues du second et du troisième livre il promet beaucoup, ses promesses ont été bien surpassées par la réalité. Bientôt même, comme s'il se fût repenti de son emphase et de sa jactance, il s'adresse tristement à son livre, et annonce qu'au bout de quelques années il sera exilé dans les provinces, ou deviendra la pâture des vers. Ne reconnaît-on pas dans ce langage ces alternatives d'espoir ambitieux et de découragement subit qu'éprouve tour à tour un malheureux auteur? Quant au langage obscène d'Horace, Voltaire (qui le croirait?) lui en fait un crime capital. Ce qui a provoqué ce reproche, se borne à deux satires et à deux odes contre des vieilles femmes: mauvaises plaisanteries de jeunesse qui ne reçu rent de publicité qu'après la mort de leur auteur. Le plus souvent, au contraire, Horace s'élève dans ses odes à tout ce que le stoïcisme offre de plus sublime: il chante l'amour de la patrie, la persévérance dans la justice, la patience dans la pauvreté, le mépris de la mort.

> On a fort mauvaise grâce, suivant M. de Châteaubriant, à célébrer le charme de la modération et de la pauvreté quand on est riche, caressé, et posses seur de deux ou trois villas. Mais nous opposerons ici à l'illustre auteur des Martyrs, l'autorité de Campenon. Ce savant prouve, à n'en pas douter, qu'Horace n'eut jamais qu'une seule villa, non à Tibur, où d'ailleurs il allait souvent, mais bien au pays Sabin, dans la vallée de Licence, non loin du bourg de ce nom, à cinq lieues de Vico-Varo,

autrefois Varia. Ustique était le nom de ce domaine, dans lequel se trouvaient, sans compter le jardin et les bois, des vignes, des champs, des vergers d'arbres fruitiers et d'oliviers, enfin des pâturages. Certes, il y avait là de quoi vivre, surtout pour un célibataire. L'endroit où était située l'habitation s'appelle aujourd'hui les Vignes-de-Saint-Pierre. Vers 1761, l'abbé de Chaupy découvrit, au moyen de fouilles qu'il fit faire, les ruines de cet édifice, que recouvraient d'autres ruines d'un caractère bien différent, celles d'une vieille église. Il faut lire dans le morceau même les détails de cette découverte, qui fut la grande affaire de toute la vie de l'abbé de Chaupy. Il y consacra tout son temps, toutes ses facultés et une grande partie de sa fortune. Le succès tardif dont elle fut couronnée, fit de lui un moment le plus heureux des hommes. Je crois voir Christophe Colomb découvrant l'Amérique, ou le président de Grégory passant sa vie à la recherche de l'auteur de l'Imitation de J.-C., et arrivant enfin à le connaître. Tel était l'intérêt que l'abbé de Chaupy portait au poëte romain, que le prétexte le plus futile et le plus détourné lui suffisait pour jeter brusquement dans la conversation le nom et les paroles d'Horace. Les femmes mêmes n'étaient pas à l'abri de ses citations. Sa plus sanglante injure contre celle dont il croyait avoir à se plaindre était le mot de vieille Canidie, qu'il proférait entre ses dents avec un accent d'humeur très-marqué. « On a fait de si fréquens parallèles entre Juvénal et Horace, que nous sommes forcé malgré nous de revenir sur une question tant de fois jugée. Il y eut une grande différence entre la Rome d'Auguste et la Rome de Domitien, que Juvénal a voulu peindre.

Juvénal trouva Rome à la fois dégradée par l'or, la servitude et les vices. Le poëte, qui pour flétrir une pareille époque n'eût employé que les traits du ridicule et de l'enjouement, n'eût peut-être point échappé à l'abjection qu'il appelait lui-même sur ses lâches contemporains. Pour peindre de tels hommes, il fallait des couleurs tranchantes comme leurs mœurs, un langage aussi audacieux que leurs vices, et Juvénal eut souvent le bonheur de saisir ce langage et de trouver ces couleurs. Rome n'offrit jamais aux regards d'Horace un pareil spectacle de bassesse et d'horreur. Il voyait naître la monarchie du sein d'une liberté orageuse les Romains étaient lassés de l'effrayante succession de leurs nombreux empereurs. Tout pliait sous une discipline sévère, inaccoutumée, mais paternelle, car Octave, parvenu au suprême pouvoir, cherchait, dans les idées d'ordre, dans le prestige des arts et l'appareil des fêtes, un moyen de dérober aux yeux la route sanglante qui l'avait conduit à l'empire. Une pareille différence dans les mœurs des contemporains de chacun des deux satiriques, explique à merveille la différence de leur génie.

[ocr errors][merged small][merged small][ocr errors]

que, entouré d'une balustrade en fer, couvert de colonnes brisées, remises, dit-on, à leur ancienne place (Pl. 154). On découvrit que la colonne trajane, quoique tout proche du Forum, était hors de son enceinte et bizarrement placée dans une étroite cour entourée d'un portique dont les colonnes, comparativement très-petites, formaient un contraste ridicule avec elle. La basilique Ulpia séparait l'enceinte de la colonne trajane de celle du Forum, qui était décorée d'un temple, d'une basilique, de deux magnifiques bibliothéques, l'une grecque et l'autre latine, de plusieurs arcs de triomphe et portiques, et d'une multitude de statues. Les piédestaux de quelques-unes de ces statues avaient vingt-un pieds de largeur et quinze de hauteur; mais la plupart des statues elles-mêmes, ainsi que les colonnes de la basilique, furent trouvées brisées, et leurs fragmens épars sur le pavé de marbre de la basilique, ainsi que sur celui du Forum luimême. Le temps avait accumulé quinze pieds de décombres sur ces ruines, et l'on y voyait un grand nombre de maisons, de rues pavées et une place publique. A présent on ne trouve plus que le pavé de marbre, celui de travertin, et quelques fragmens de statues et de colonnes dont les bases seules restent debout à leur place.

Il ne faut pas s'imaginer que les divers édifices qui occupaient le Forum fussent placés à l'entour; au contraire, ils étaient en quelque façon au milieu, et le Forum était terminé par des arcades. La basilique Ulpia, ainsi appelée du nom de la famille de Trajan, était une cour de justice qui avait deux cent soixante-dix-neuf pieds de longueur et cent soixante-dix-huit de largeur, divisée longitudinalement en cinq parties par quatre rangs de colonnes. Les

plaideurs de l'antiquité devaient être blement affecté par l'odeur du poisson plus à l'aise que les nôtres.

Mais un monument unique en son genre, auquel la sculpture d'aucun siècle n'a rien à comparer, est la colonne trajane: elle fut l'orgueil de Rome antique, elle est et sera toujours le plus bel ornement de Rome moderne. Représentez-vous une tour de briques, ronde et haute de cent trente-deux pieds, revêtue de trente-quatre dalles de marbre blanc qu'attachent des fiches de bronze; sur ces marbres est sculptée l'histoire de la guerre dacique, et tout est admirable dans ce beau travail. Un cordon en spirale, qui fait vingt-trois fois le tour de la colonne, en la remontant jusqu'au chapiteau, sépare les fi gures pour aider à suivre le sens des bas-reliefs. Parmi les traits les plus frappans qu'on y remarque, est le féroce courage des femmes daces qui, d'une main, dépouillent les prisonniers omains, et de l'autre les brûlent vifs avec des torches. On parvient au sommet par un escalier à spirale ménagé dans l'intérieur, et qui a seulement deux pieds de largeur: tout le reste de la colonne est massif. Cet escalier reçoit le jour par de petites fenêtres pratíquées de loin en loin. Ici comme à Paris, où la colonne trajane a été imitée sur la place Vendôme, il y a autour du chapiteau une balustrade en fer de mauvais goût: on doit en dire autant d'une prolongation de la colonne qui surmonte ce chapiteau. C'est là qu'était placée la statue de Trajan, tenant le globe de la terre dans sa main droite. Elle a fait place à la statue de saint Pierre, et le globe se voit à présent sur l'une des colonnes milliaires du Campidoglio (Pl. 123).

En quittant le Forum - Trajanum pour me rendre à l'intéressante villa de Phaon, mon odorat fut désagréa

frit à l'huile rance; cette odeur s'exhalait d'une rue voisine. Les gens du peuple, qui n'ont point de maison montée, font frire leurs poissons dans les poêles établies au coin des rues. Le soir d'un vendredi saint, par exemple, le rebut des marchés vient se rendre dans ces poêles, et l'odeur qu'elles répandent est vraiment insupportable.

Au reste, je fus amplement dédommagé de ce désagrément lorsque j'eus atteint la pittoresque serpentara, où se trouvent les ruines de la villa de l'affranchi de Néron, Phaon, chez lequel le meurtrier de Britannicus courut se réfugier et se tuer lâchement. C'est là que, désespérant de reconquérir un sceptre qu'il n'avait pas su disputer, ce timide empereur s'était enfui, sous les habits d'un esclave. Il demande des épées, et, après les avoir long-temps examinées en frissonnant, il fut obligé de conjurer son affranchi de frapper un cœur qu'il n'osait percer lui-même. Quel bon musicien le monde va perdre, s'écria-t-il en tombant atteint d'un coup mortel!

Parvenu au sommet du Quirinal, j'avais une vue magnifique sur la ville, qui paraissait prosternée au pied du palais des pontifes. Le Quirinal devait être la plus agréable des sept montagnes de Rome. Au bonheur de jouir du meilleur air, il joignait l'avantage de dominer la plus intéressante partie du Champ-de-Mars, lorsque cette place était l'école militaire des maîtres du monde. Les altæ semitæ «routes éle

vées »

>> en formaient la principale communication, puisqu'elles parcouraient, presque en droite ligne, la crête du mont dans toute sa longueur. Cette grande rue commençait entre les bains de Paul-Émile et le portique des Argentiers, dont les deux fleuves, qu'on

« PreviousContinue »