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certain sol n'est plus celle qu'il faut semer un peu plus loin. C'est au cultivateur qu'il appartient, à force d'observations répétées, de trouver la semence qui offre dans son domaine le plus de chances de réussite.

L'abondance du rendement en grain n'est pas seule à déterminer le choix de la variété, il faut tenir grand compte en outre de la quantité de paille récoltée; sa vente, surtout aux environs de Paris, contribue puissamment aux recettes ; proximité d'une grande ville conduit, en effet, les cultivateurs à y vendre leur paille et à y acheter du fumier.

la

La paille, en outre, entre dans la ration des animaux domestiques, elle est souvent mélangée aux betteraves ou aux pulpes, et cet emploi conduit à proscrire les variétés à épis barbus; les barbes dures, rigides, piquantes sont gênantes à faire entrer dans les rations, aussi ces variétés barbues sont-elles aujourd'hui peu en faveur.

Bien approprier l'abondance de la fumure à la

variété cultivée est encore une des conditions du succès. L'épi carré, dont nous avons cité les admirables récoltes obtenues dans le Pas-de-Calais, ne les fournit que dans un sol riche, ayant eu une forte dose d'engrais; en 1886, on a distribué sur une terre très forte, mais très bien drainée, 40,000 kilogrammes de fumier, ce qui est énorme, et on a obtenu 41 quintaux métriques de grains.

En additionnant cette masse de fumier de 300 kilogrammes de superphosphates, on a fait monter la récolte à 43, et enfin, à 45 quintaux métriques, c'est-à-dire à 60 hectolitres, quand du sulfate d'ammoniaque est venu s'ajouter aux fumures précédentes. Aucune autre variété n'aurait supporté une telle masse, d'engrais sans verser; ces fumures excessives ne réussissaient au reste, ainsi qu'il a été dit, que sur une terre très forte; distribuées sur un sol moins argileux, elles entraînaient la verse, dont la crainte limite toujours la dose d'engrais azoté à distribuer.

Appliquée à une variété peu prolifique, une fumure abondante reste sans effet; nous avons vu plus haut que soit avec 35,000 kilogrammes de fumier, soit avec des doses énormes de nitrate de soude et de superphosphates, MM. Lawes et Gilbert ne dépassaient pas, à Rothamsted, 32 hectolitres à l'hectare. Approprier la fumure à la variété semée est donc une condition essentielle de la réussite. Elle n'est complète que sur des terres enrichies par d'abondantes fumures antérieures, je l'ai observé depuis longtemps: la fertilité ne s'improvise pas.

Ce n'est pas, au reste, habituellement, par son abondance que pèche la fumure, mais bien plutôt par son exiguïté; longtemps, quand on en était réduit au fumier de ferme, quand les engrais de commerce étaient inconnus, la fumure était peu

copieuse, car la quantité de fumier produite dépendait de l'étendue des prairies fournissant les aliments au bétail; nous avons plus de facilités aujourd'hui: puisque aux engrais produits dans la ferme viennent s'ajouter les engrais commer

ciaux.

Ils commencent à peine à être employés; cependant, grâce aux efforts des professeurs d'agriculture, grâce aux syndicats qui fournissent des engrais scrupuleusement analysés et à bas prix, les quantités acquises croissent chaque année; et l'épandage par hectare de 200 ou 300 kilos de superphosphates à l'automne, de 100 à 150 kilos de nitrate de soude au printemps se généralise; or, si le blé est placé après une plante sarclée, qui aura reçu du fumier de ferme, à l'aide de ce surcroît d'engrais chimique et avec une faible dépense, on fera aisément monter le rendement jusqu'à'un nombre d'hectolitres suffisant pour que la culture du blé reste rémunératrice, même avec les bas prix actuels.

Ces prix sont-ils destinés à descendre encore, ou au contraire la baisse est-elle arrivée à sa limite, et la période de hausse dans laquelle nous sommes entrés récemment, persistera-t-elle ? C'est là ce qui nous reste encore à discuter.

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Nous venons d'indiquer comment il est possible d'abaisser les prix de revient au-dessous du prix de vente en augmentant les rendements, mais, visiblement, pour qu'une production plus abondante ne détermine pas une baisse nouvelle, il faut ouvrir de nouveaux débouchés. Si l'emploi des quantités croissantes de grain, qu'une culture habile apportera au marché, n'est pas assuré, leur arrivée déterminera une crise de pléthore, et tous nos efforts seront vains.

Il ne semble pas que la consommation humaine, au moins dans notre pays, puisse beaucoup augmenter. Le pain est la base de notre nourriture; nous consentons, plutôt que de renoncer à nos habitudes, à le payer cher quand le grain est rare, mais au contraire quand nous le voyons à vil prix, nous sommes assurés que le marché offre et au delà tout ce qui est nécessaire à notre alimentation. Il est probable que les progrès de la culture nous permettront de nous passer de l'appoint du grain étranger, que l'insuffisance de notre production nous a forcés jusqu'à présent d'importer cha

que année; nous sommes en mesure aujourd'hui de combler la différence; mais, pour relever les cours, pour les maintenir au prix relativement élevé, atteint pendant cette année 1897, il faut que nous trouvions au blé un autre emploi que la fabrication du pain.

On y a songé, et depuis plusieurs années on a tenté de faire entrer le blé, concassé, aplati, moulu ou même transformé en pain, dans la ration des animaux domestiques et notamment des chevaux. Les résultats n'ont pas été décisifs, non plus que ceux qu'ont donnés des expériences tout récemment entreprises en Angleterre, pour substituer le froment aux tourteaux de graines oléagineuses dans l'engraissement du bétail. Malgré le prix très bas auquel le grain est tombé dans ce pays, où il entre en franchise de droits, la substitution n'a pas donné de profit sensible.

Peut-être cependant d'autres essais récemment tentés en Allemagne pourraient-ils avoir une influence marquée sur la consommation du blé; on a trouvé grand avantage à faire entrer le seigle dans l'alimentation des animaux domestiques; or, si ce grain était ainsi utilisé, les populations qui jusqu'à présent ne mangent que du seigle, seraient naturellement conduites à se nourrir de pain de froment, et cette nouvelle couche de consommateurs suffirait peut-être à absorber les excédents, qui souvent écrasent les cours.

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