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LES PLANTES

DE GRANDE CULTURE

LE BLE

Pendant l'année 1894, une des plus favorables du siècle, la culture du blé s'est étendue en France sur 6,991,449 hectares; le rendement moyen de l'hectare a été de 17 hectolitres 52; la récolté totale de notre pays s'est donc élevée à plus de 122 millions d'hectolitres, ou encore si, au lieu de mesurer le grain, on le pèse, à 93,671,000 quintaux de 100 kilos.

Le prix moyen du quintal a été de 19 fr. 85 correspondant à 15 fr. 21 pour l'hectolitre; le grain produit vaut donc environ 1,860 millions, et comme ces 93 millions de quintaux de grains ont été portés vraisemblablement par 186 millions. de quintaux de paille à 6 francs le quintal, cette paille représentait encore 1,116 millions de francs. La valeur produite par les cultivateurs de blé pendant l'année 1894 représente par conséquent une somme totale de près de 3 milliards.

La récolte de 1894 a été exceptionnelle, la moyenne des vingt dernières années est seulement de 81 millions de quintaux; en les comptant à 20 francs, ce qui est au-dessous de la réalité, on trouverait que le grain seul représente 1,600 millions, en y ajoutant 500 millions pour la paille, qui atteint rarement le prix de 1894, on arriverait à 2,100 millions.

La culture du blé produit donc annuellement en France une valeur qui dépasse 2 milliards, et on conçoit quelles inquiétudes ressentirent les membres du gouvernement et ceux du Parlement quand, il y a dix ans, les cultivateurs de blé déclarèrent qu'il fallait renoncer à le produire; qu'au prix où il était tombé, sa culture devenait onéreuse et qu'on était contraint de l'abandonner. Tandis que de 1875 à 1882, le prix de l'hectolitre de blé avait dépassé 20 francs, il avait fléchi à 19 fr. 16 en 1883, puis à 17 fr. 76 en 1884; c'est ce prix qu'on déclara ruineux, affirmant que la somme dépensée pour produire un hectolitre de blé, que le prix de revient, s'élevait à 20 francs et, par suite, dépassait de beaucoup le prix de vente.

Sans hésiter, on attribua la baisse aux importations de blé étranger, et malgré la répugnance bien légitime qu'éprouvaient des assemblées démocratiques à élever artificiellement le prix du grain qui forme la base de l'alimentation nationale, la poussée des idées protectionnistes fut trop forte

pour qu'on y résistât; les droits imposés au quintal de blé étranger furent d'abord de 3 francs, on les éleva ensuite à 5 francs, puis à 7 francs.

Or, si de 1887 à 1888 l'hectolitre de blé se vendit en moyenne en France au-dessus de 18 francs, si même il s'éleva à 19 francs en 1890, et dépassa 20 francs pendant la mauvaise année 1891, depuis cette époque et malgré des droits protecteurs extraordinairement élevés, les prix sont tombés à 17 fr. 87 en 1892, à 16 fr. 55 en 1893, à 15 fr. 21 en 1894 et à 14 francs en 1895; puis, sous l'influence de causes multiples, disette dans l'Inde qui au lieu d'exporter du blé en achète, peut-être aussi épuisement du stock de l'importation formidable qui s'est produite au moment où les droits de douane ont été modifiés, brusquement en décembre 1896, le prix s'est élevé à 16 francs l'hectolitre, 22 francs le quintal et s'est maintenu à ce taux pendant les premiers mois de 1897, pour atteindre 24 francs au mois de juillet de cette même année.

Visiblement les droits de douane sont impuissants à maintenir les prix aussi hauts qu'on l'avait espéré. Il est bien à remarquer, au reste, que la baisse, qui a persisté jusqu'à la fin de 1896, n'a pas produit les effets funestes qu'on avait prédits, on n'a nullement renoncé à la culture du blé; elle couvrait 6,956,765 hectares en 1885, elle a dépassé 7 millions d'hectares en 1889, 1890 et 1893 et en a occupé encore 6,997,449

en 1894, et comme on ne peut pas supposer que les cultivateurs s'obstinent à produire à perte, il faut bien admettre que le chiffre, sur lequel on s'appuyait pour forcer les hésitations du Parlement, était erroné et que le prix de revient de l'hectolitre de blé n'est pas de 20 francs.

Quel est-il donc? Il importe de bien préciser cette notion, car si elle est clairement établie, la marche à suivre pour surmonter les difficultés dans lesquelles nous nous débattons aujourd'hui sera nettement indiquée.

LE PRIX DE REVIENT DE L'HECTOLITRE DE BLÉ.

On l'obtient en établissant d'une part les dépenses qui incombent à la culture d'un hectare de blé, en défalquant de ces dépenses la valeur de la paille, puis en divisant la somme ainsi diminuée le nombre d'hectolitres recueillis.

par

Le numérateur de la fraction qu'il s'agit de calculer est formé par la somme d'un grand nombre de termes dont quelques-uns correspondent bien à des dépenses réellement effectuées, tandis que d'autres, sont simplement évaluées et peuvent dès lors être enflées ou atténuées, suivant qu'on a intérêt à grossir ou à diminuer le prix de revient.

Les sommes payées au propriétaire pour la location de l'hectare, au percepteur pour les im

pôts, la facture du marchand d'engrais et de semences, le salaire des moissonneurs, des batteurs figurent au numérateur et sont bien des dépenses réelles, l'argent est sorti de ma caisse et je ne suis pas maître d'enfler ou d'amoindrir la somme versée, mais j'inscris encore les dépenses de labour, de hersage, de semailles, travaux exécutés par mes ouvriers, mes bœufs, mes chevaux; j'inscris la valeur du fumier employé, ou les résidus des fumures antérieures; or ces dépenses sont réelles mais impossibles à évaluer avec exactitude, et il y a de ce côté quelque incertitude; le numérateur de notre fraction est donc quelque peu flottant; le dénominateur, le nombre diviseur qui représente la quantité d'hectolitres récoltée est au contraire observé régulièrement; il présente d'énormes variations, suivant les conditions dans lesquelles nous sommes placés.

C'est le quotient de cette fraction, le rapport des dépenses au nombre d'hectolitres récoltés qui représente le prix de revient.

Si les dépenses sont faibles, il ne sera pas nécessaire de les diviser par un gros chiffre pour avoir un prix de revient très bas, tandis que, si les dépenses sont considérables, on n'aura un prix de revient faible qu'avec de grands rendements.

Le pionnier américain qui défriche les milliers d'hectares des plaines de l'Ouest des États-Unis et profite des richesses accumulées dans le sol par

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