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Deux liquides séparés par une paroi inerte et poreuse sont en équilibre lorsque sous le même volume ils renferment le même poids de la même matière en dissolution. C'est l'égalité du poids de la matière dissoute qui détermine l'arrêt de passage au travers de la paroi. Il n'en est plus de même quand les liquides sont séparés par la paroi d'une cellule vivante, c'est alors l'osmose qui entre en jeu, et deux liquides séparés par une membrane de cette espèce sont en équilibre quand ils renferment le même nombre de molécules dissoutes, quel que soit le poids de ces molécules. Les vaisseaux qui descendent de la feuille à la racine y amènent des glycoses; en pénétrant dans la racine ils deviennent saccharose (nom régulier du sucre de canne); deux de leurs molécules s'unissent avec élimination d'eau pour n'en former qu'une seule de saccharose; par suite, le poids de matière dissoute dans le liquide de la racine doit être double de celui qui gorge les feuilles. Cette manière de voir a été soumise à de nombreuses vérifications expérimentales qui l'ont absolument justifiée; et il est probable que l'étude approfondie de l'osmose conduira à interpréter sainement des phénomènes physiologiques, restés jusqu'à présent fort obscurs.

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De toutes les plantes de grande culture, la betterave est celle qui présente les variétés les plus dissemblables, et comme les racines sont destinées, soit à l'alimentation du bétail, soit à l'extraction du sucre ou à celle de l'alcool, on conçoit qu'on sème des graines appartenant à l'une ou l'autre de ces variétés, suivant l'usage auquel elle est destinée.

Il semble que lorsque la betterave servira seulement à l'alimentation du bétail, le choix devra sɔ porter sur la variété qui fournira les plus hauts rendements à l'hectare, et que le mode de culture à suivre sera celui qui assurera ces rendements les plus élevés.

Et, en effet, c'est guidé par ces seules considérations que pendant longtemps, et maintenant encore, on sème des graines fournissant de très grosses racines, qui assurent des rendements à l'hectare considérables; il y a soixante ans, on fut tellement émerveillé de la masse de matière végétale que produisaient quelques-unes de ces variétés, que l'une d'elles reçut le nom de disette, pour indiquer que sa culture permettrait de com

battre victorieusement la pénurie des fourrages. Cette variété est aujourd'hui délaissée, on sème plus volontiers des Globes, des Tankards, des Cornes de vache, ainsi nommées à cause de la forme contournée de la racine, et encore des Mammouths, dont le nom indique les énormes dimensions.

Il n'est pas rare, quand on sème ces variétés sur une terre bien fumée et qu'elles croissent très écartées les unes des autres, qu'elles fournissent des racines pesant plusieurs kilogrammes. On en récolte de monstrueuses. En 1891, dans un champ où les manques étaient nombreux, j'ai recueilli une Mammouth du poids de 8 kilogrammes 300, et on en cite de beaucoup plus lourdes encore.

J'ai eu l'idée de soumettre à l'analyse cette énorme racine; je savais bien que j'y trouverais une grande quantité d'eau, je fus étonné cependant du chiffre que fournit le dosage: cette racine renfermait 91,5 centièmes d'humidité et seulement 8,5 de matière sèche, c'était une véritable éponge.

Cette masse de liquide tenait en dissolution. dans 100 parties 6,2 de sucre; l'eau est emprisonnée dans les cellules distendues de ces grosses racines et ne s'écoule que lorsqu'on les déchire.

La même année, j'ai soumis à l'analyse une autre racine provenant du même champ et apparnant à la même variété, mais ne pesant que 700

grammes; elle ne renfermait que 82,5 centièmes d'eau. On ne saurait trop insister sur l'intérêt que présentent ces déterminations. On donne habituellement pendant l'hiver aux bœufs ou aux vaches laitières, outre du foin et parfois du son et des tourteaux, 60 kilogrammes de betteraves fourragères en fragments découpés au coupe-racines. Si cette ration était composée de grosses racines semblables à celle dont j'ai donné plus haut la composition, les 60 kilogrammes apporteraient seulement 5 kilogrammes de matière sèche, de matière nutritive, tandis que, si on avait distribué de petites racines, cette ration aurait fourni près de 10 kilogrammes de matière sèche, c'est-à-dire le double de la précédente.

Ainsi, deux betteraves appartenant à la même variété peuvent être absolument dissemblables; les grosses sont infiniment plus aqueuses que les petites. Tout d'abord, il est un point sur lequel il convient d'insister: on continue d'exposer chaque année dans les concours agricoles et notamment à Paris, des spécimens de racines monstrueuses auxquelles les jurys inattentifs décernent mentions et récompenses. Qu'un désœuvré, ignorant des questions agricoles, s'arrête devant ces spécimens monstrueux et dise d'une betterave qu'elle est belle, tout simplement parce qu'elle est grosse, on le conçoit; mais on ne comprend pas que les agronomes instruits qui jugent les produits ne

réagissent pas vigoureusement et ne considèrent pas comme une mauvaise note, l'introduction, dans une exposition, de ces betteraves détestables.

Je me suis attaché pendant plusieurs années à l'étude des diverses variétés fourragères, pour savoir si, parmi elles, il s'en trouverait une ou plusieurs capables de fournir non seulement un haut rendement à l'hectare, mais en outre un poids notable de matières utilisables. On conçoit que cette recherche comprenne deux parties. Après avoir cultivé les diverses variétés dans des conditions semblables et pesé la récolte, il fallait, au laboratoire, les soumettre à l'analyse et déterminer nou seulement le taux d'humidité, par suite celui de la matière sèche, mais peser ensuite séparément chacune des substances qui la constituent: le sucre qui en forme une partie importante, la matière azotée, qui est l'élément essentiel de la ration; il fallait enfin déterminer la proportion de salpêtre que renferment toujours les betteraves, aussi bien dans les feuilles que dans les racines, et cette détermination présente un double intérêt. Tout d'abord, il faut savoir qu'à dose un peu forte, les nitrates sont vénéneux. Un de mes confrères de la Société nationale d'Agriculture m'a rapporté qu'il avait perdu plusieurs vaches qui s'étaient abreuvées dans un baquet, où l'on avait lavé des sacs ayant contenu du nitrate de soude. Jamais les

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