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De quoi fe plaindre ? Il peut nous ravir fa lu

miere,

Par grace il.ne veut pas la couvrir toute entiere;
Qui la cherche eft bien-tôt pénétré de ses traits,
Qui ne la cherche pas ne la trouve jamais....
Qu'ici fans murmurer la raison s'humilie,
-Dieu permet notre mort ou nous laiffe la vie.
Ne lui demandons point compte de fes decrets,
Qui poura d'injuftice accufer fes arrêts ?
L'homme, ce vil amas de boue & de pouffiere,
Soutiendroit-il jamais l'éclat de fa lumiere?
Ce Dieu d'un feul regard confond toute gran-
deur,

Des Aftres devant lui s'éclipfe la fplendeur.
Profterné près du Trône où fa gloire étincelle,
Le Chérubin tremblant fe couvre de fon aile.
Rentrez dans le néant, mortels audacieux,
Il vole fur les vents, il s'affied fur les Cieux :
Il a dit à la mer: Brise-tai fur va rive:
Et dans fon lit étroit la mer reste captive.
Les foudres vont porter fes ordres confiés,
Et les nuages font la poudre de fes piés.

C'est ce Dieu qui d'un mot éleva nos monta◄

gnes,

Sufpendit le foleil, étendit nos campagnes,
Qui pese l'univers dans le creux de sa main.
Notre globe à fes yeux eft femblable à ce grain

C

Dont le poids fait à peine incliner la balance.

Il fouffle, & de la mer tarit le gouffre immenfe. Nos vœux & nos encens font dûs à son pou

voir.

Cependant quel honneur en peut-il recevoir ?

Quel bien lui revient-il de nos foibles homma◄ gés?

Lui feul il eft fa fin, il s'aime en fes ouvrages.
Qu'a-t-il befoin de nous ? D'un œil indiférent
Il regarde tranquille & l'être & le néant.
Ce qu'il veut, il l'ordonne, & fon ordre fuprê

me

....

N'a pour d'autre raison que fa volonté même.
O fage profondeur! ô fublimes fecrets!

J'adore un Dieu caché, je tremble, & je me

tais.

Rac. Poëme de la Religion.

Idée de la Puiffance de Dieu.

Voici ce que dit Mardochée à Efther pour l'engager à parler au Roi Affuerus, en faveur du Peuple Juif,

Que peuvent contre lui tous les Rois de la

terre?

En vain ils s'uniroient pour lui faire la guerre
Pour diffiper leur ligue il n'a qu'à fe montrer

Il parle, & dans la poudre il les fait tous ren

trer.

Au feul fon de fa voix la mer fuit, le Ciel trem

ble,

Il voit comme un néant tout l'univers ensem

ble;

Et les foibles mortels., vains jouets du trépas, Sont tous devant les yeux comme s'ils n'étoient

pas.

Trag. d'Eftber de Racine.

Joad ou Joïada, Grand Prêtre des Juifs parle ainfi à Abner un des principaux Officiers du Roi de Juda. C'étoit pour lui faire comprendre qu'il ne devoit pas craindre les mauvais deffeins de la cruelle Athalie.

Celui qui met un frein à la fureur des flots
Sait auffi des méchans arrêter les complots.
Soumis avec refpect à fa volonté fainte,
Je crains Dieu, cher Abner, & n'ai point d'autre

crainte.

Athalie, de Racines

Nous ne pouvons placer plus à propos qu'à la fuite de ce fujet, ce que dit Mr. Rouffeau contre les prétendus efprits forts dans une Epître à Mr. Racine Pilluftre

Auteur du Poëme fur la Religion. On verra avec quelle énergie il jette un ridicule fur leurs difcours audacieux.

Mais dans ce fiécle à la révolte ouvert,
L'impiété marche à front découvert;
Rien ne l'étonne, & le crime rebelle.
N'a point d'appui plus intrépide qu'elle.
Sous fes drapeaux, fous fes fiers étendarts,
L'oeil affuré, courent de toutes parts,
Ces Légions, ces bruyantes armées
D'efprits fubtils, d'ingenieux Pygmées,
Qui fur des monts d'argumens entaffés
Contre le Ciel burlesquement hauffés
De jour en jour fuperbes Encelades
Vont redoublant leurs folles efcalades,
Jufques au fein de la Divinité,

Portent la guerre avec impunité;

Viendront bien-tôt fans fcrupule & fans honte

De fes arrêts lui faire rendre compte;

Et dejà même Arbitres de sa Loi

Tiennent en main pour écrafer la Foi
De leurs raifons les foudres toutes prêtes.
Y penfez-vous infenfés que vous êtes?

Mr. Racine déplore pareillement l'abus que les précendus efprits forts font de leur

raifon, & il fait voir dans les Vers furvans par quels degrés l'impiété vient à fon comble. C'est après avoir dit que le défir de briller par l'affectation du bel efprit, a altéré le bon goût qui doit régner dans les Ouvrages.

Un excès plus fatal emporta la raifon
Qui laffe de chérir fon heureufe prifon,

Pour vouloir tout apprendre ofa d'un pas re

belle

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Sortir du cercle étroit que Dieu trace autour d'elle.

Plutôt que d'y rentrér, s'égarant pour jamais,
Elle espéra, malgré tant de brouillars épais,
Etendre fon empire en étendant sa vûe.
La nuit l'enveloppa, sa fierté confondue
Au lieu de s'enrichir, perdit fon propre bien,
Et l'œil toujours ouvert, voyant tout, ne v

rien.

Dans ce trouble ufurpant fon nom & fa puissance
Compagne du Déifme & de la tolérance,
Par l'orgueil foutenue & par la volupté
Sur un trône éclatant monta l'impiété.

Racine, Ep. à M. Roussedu

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