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Gérard Lévesque de Champeaux fut le plus jeune des trois frères Lévesque qui, au xvIII® siècle, ont illustré la ville de Reims, leur pays natal. Il naquit le 12 septembre 1694, et presqu'aussitôt devint orphelin; il fut élevé, avec ses deux frères Louis-Jean Lévesque de Pouilly et Jean Lévesque de Burigny, par les bons soins d'un oncle dévoué.

Après avoir terminé ses premières études à l'université de Reims, Gérard alla se réunir à ses deux frères aînés, qui s'étaient établis à Paris, afin de pouvoir plus avantageusement se livrer à l'étude; et là, comme eux, s'appliqua avec la plus grande ardeur à cultiver et à orner ses facultés intellectuelles 1. Ils formèrent à eux

Voir l'étude sur Louis-Jean Lévesque de Pouilly.

trois une espèce de lycée, s'adonnant chacun spécialement à l'étude vers laquelle il éprouvait un attrait naturel. Ce fut alors que Gérard de Champeaux sentit se révéler en lui un goût prononcé pour la carrière des négociations; aussi ses biographes contemporains font-ils la remarque que c'était lui qui, dans cette sorte de triumvirat, où tous les trois vivaient ensemble, avait le soin des affaires domestiques, et que d'inclination et de préférence il s'appliquait particulièrement, dans le cours de ses études, à rechercher dans l'histoire la forme et l'organisation des anciens gouvernements, à connaître leurs perfections et leurs défauts, à démêler les causes de leur prospérité ou de leur décadence, et recueillait ainsi la longue expérience des siècles pour mieux apprécier les gouvernements modernes dont il voulait faire une étude approfondie 1.

Gérard de Champeaux se prépara à la carrière diplomatique en fréquentant régulièrement une excellente conférence sur la politique, alors établie à Paris et dont faisait partie le marquis d'Argenson. Cette conférence se nommait Entresol, parce que les premières réunions se tenaient chez l'abbé Alary, de l'Académie française, qui avait un appartement à l'entresol d'un hôtel, place Vendôme. Il resta membre assidu de cette conférence jusque vers l'an

Voir à la bibliothèque de Reims, Gérard Jacob - Lacatte, etc... * Mémoires d'Argenson. - Edition in-8°, tome Ier, page 91.

née 1726, époque où il obtint le poste de commissaire du commerce de France à Cadix.

Ce fut pendant qu'il occupait ce poste que Gérard de Champeaux prit le parti de se marier; le 19 juillet 1728, il épousa dame veuve des Autours, née Marie-Anne-Thérésa-Magdeleine del Hieros, fille du comte del Pina. De ce mariage il eut un fils qui naquit à Cadix, en l'année 1729, ainsi qu'on le voit dans l'acte de mariage de ce fils, qui est conservé dans les papiers de famille; et plus tard, une fille nommée Louise-Emmanuelle-Marie-Nicole-Pétronille1: c'est tout ce que l'on sait sur les premières années de la vie de Gérard de Champeaux et sur ses premiers débuts dans la carrière diplomatique.

II

Après avoir passé environ dix ans à Cadix, Gérard de Champeaux obtint le poste de chargé d'affaires du Roi à Madrid. Ce fut à ce titre, qu'en février 1738, il eut à démêler en Espagne une affaire commerciale pour un négociant français qui résidait à Saint-Sébastien, du nom de Boussignac. Il rédigea un mémoire très

Ainsi le porte écrit le contrat de mariage de Mademoiselle de Champeaux en date du 23 septembre 1763. Voir aux papiers de famille conservés à Commetreuil par M. le vicomte de Champeaux. 2 Archives du ministère des affaires étrangères. Volume no 420, pour toutes les correspondances de l'année 1738.

détaillé et très compétent de toutes ses observations sur cette affaire et l'envoya à la cour de Versailles, à l'adresse du directeur des affaires étrangères, Amelot. Cet acte semble avoir été une éclatante révélation de ses aptitudes et de ses talents pour servir la patrie dans la carrière diplomatique, et ce premier succès ne tarda pas à lui être très utile.

Il arriva à ce moment là même, que l'ambassadeur de France auprès de la cour d'Espagne, le comte de Vaulgrenant, se trouva dans l'impossibilité de continuer à remplir ce poste important, et notre jeune diplomate, qui venait de se faire connaître avec tant de distinction, fut jugé digne de le remplacer pour continuer les affaires. Le choix dont Sa Majesté l'avait honoré à cette occasion, fut notifié à Gérard de Champeaux, qui s'empressa d'écrire au Roi une lettre de remerciement; cette lettre est datée du 31 mars 1738. De son côté, le comte de Vaulgrenant annonça son départ à la cour de France, le 14 avril suivant, donnant avis en même temps de l'installation de son remplaçant, à qui, disaitil, il avait tracé une ligne de conduite toute fondée sur son expérience.

Le 15 avril, le ministre des affaires étrangères, le cardinal Fleury, fit expédier au nouveau titulaire des dépêches qui lui donnaient des instructions sur une affaire de prises assez importantes, opérées en mer par les corsaires Sestorio et Scarenzi, sur des nationaux turcs. Gérard de Champeaux apporta tout le soin pos

sible à cette affaire et en conféra avec le ministre d'Espagne, de la Quadra. Celui-ci, à sa demande, voulut bien en écrire à la cour de Naples, dont les corsaires étaient les sujets; et Champeaux donna connaissance du tout à la cour de Versailles.

Cette affaire se compliqua de certaines prétentions de la part des Anglais, qui voulaient à cette occasion obtenir des avantages pour leur commerce en général, mais surtout pour les opérations qu'ils faisaient aux Indes.

Il se noua en même temps quelques intrigues de la part de la cour de Naples et de celle d'Espagne, qui voulaient de leur côté tirer avantage d'une guerre contre les Turcs; enfin les Turcs à leur tour voulurent s'en prendre aux Français et aux Vénitiens, qu'ils accusaient d'être la cause de ce qu'on ne leur restituait pas les prises qu'ils réclamaient.

Le ministre d'Espagne communiqua à Champeaux1 la réponse de la cour de Naples aussitôt sa réception : « Sa Majesté catholique et sicilienne ne pouvait ordonner cette restitution, les prises ayant été déclarées bonnes par les juges compétents. » De la Quadra ajoutait qu'on pourrait faire la proposition suivante : les Majestés des diverses nations ordonneraient aux corsaires de restituer et indemniseraient les corsaires.

1 Voir Archives des affaires étrangères. tion des correspondances de l'année 1738.

Vol. n° 121, continua

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