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la tête des dits hoctons, qu'elle précédait, on s'est rendu, marchant en cet ordre, par la porte de Dieu-Lumière, au lieu de la dite machine, où M. Godinot avait été conduit par M. le Lieutenant; la compagnie des arquebusiers rangée, à son arrivée, sur les hauteurs qui environnent la machine. M. le Lieutenant ayant harangué mon dit sieur Godinot, et lui ayant témoigné les sentiments de reconnaissance dont le public est pénétré pour le grand bien qu'il fait à la patrie en lui procurant des eaux salutaires, la première expérience de la machine fut faite, et répondit par le succès aux espérances qu'avaient fait naître l'habileté et les grands talents du R. P. Féry, minime, qui en est l'inventeur. Ensuite, la première pierre fut posée par mon dit sieur Godinot, au bruit de deux décharges de six pièces de canon, qui étaient braquées vis-à-vis sur les remparts, de trois décharges de mousqueterie des arquebusiers, et aux acclamations réitérées de tout le peuple, qui criait : Vive M. Godinot! Il y avait un concours étonnant de tous les honnêtes gens et de tout le peuple qui s'empressaient de donner des marques de la joie que leur causait l'exécution d'un projet si utile, conçu et amené à ce point par le génie de M. de Pouilly, lieutenant.

«Sous cette première pierre fut posée une inscription, gravée sur cuivre, dont la teneur sera ci-après transcrite. Ce fait, la compagnie est retournée dans le même ordre qu'elle était venue au dit couvent des PP. Minimes, dans le

réfectoire des quels il y avait des rafraichissements, aux quels M. Godinot ayant bien voulu prendre part, la compagnie en ressentit tant de plaisir, qu'on réitéra nombre de fois les cris de: Vive M. Godinot!

«

Le corps de ville a cru devoir, dans une fète si éclatante, et dont l'objet est si avantageux, donner des marques de libéralité, non-seulement à tous les maîtres ouvriers qui, par leurs talents, ont contribué à l'exécution de la machine, mais encore de les étendre sur les simples ouvriers qui y ont travaillé.

«Et suit la teneur de la dite inscription:

Messire Jean Godinot, docteur en théologie, grand vicaire de l'abbaye royale de Saint-Nicaise, et chanoine de l'église métropolitaine, après avoir décoré les temples de la ville de Reims et ses promenades publiques, après y avoir fondé des écoles gratuites, après avoir garanti plusieurs quartiers des vapeurs qui les infectaient, et avoir ouvert un asyle à des malades jusqu'alors abandonnés, a couronné tous ses bienfaits par l'élévation et la conduite de ces eaux salutaires, l'an de grâce 1747, le cinquième jour d'août. De l'invention et la conduite du R. P. Féry, minime. Suivent les signatures1. >>

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A titre de détail com

Registre des conclusions, 5 août 1717. plémentaire, il ne sera pas inutile de transcrire ici une lettre ecrite à M....... à Paris, publiee en 1766, par un magistrat de Reims, témoin assistant à la cérémonie, elle est insérée dans l'opuscule Reims pittoresque, page 76. - « Le vénérable vieillard était placé sur une

Les travaux, une fois commencés, on s'en promet les plus utiles résultats pour l'assainissement de la ville. Il fut question, dès le mois de septembre suivant, de prendre de justes mesures pour le curage de la rivière. Lévesque de Pouilly, avec sa sagacité habituelle, fit un examen sérieux de ce travail, surtout au point de vue de l'économie, cherchant à découvrir si les matières qu'on tirera de cette opération 'pourraient être utilisées comme engrais. Il communiqua ses réflexions au Conseil, et on décida que trois conseillers examineraient les lieux, en remontant jusqu'à Sillery, et consulteraient les laboureurs sur l'utilité des engrais.

Les trois conseillers nommés se mirent à l'œuvre, et le résultat de leurs investigations fut qu'il fallait attendre le moment où les eaux arriveront à Reims pour prendre une décision; jusque-là il fallait se borner aux mesures les plus indispensables 1.

Ce fut alors que survint une circonstance qui

petite éminence, d'où il pouvait contempler son ouvrage et la multitude des spectateurs. On voyait briller sur son visage cette douce satisfaction, cette joie pure que font goûter les bienfaits. Près de lu était placé le sage Maire, trop modeste pour s'attribuer la part qu'ii avait à l'exécution; il jouissait paisiblement du bonheur des autres ; ses regards se portaient alternativement sur le bienfaiteur dont il partageait le contentement, et sur le peuple dont les acclamations venaient retentir sur son cœur. Dans l'instant que les eaux jaillirent, vingt mille voix se joignirent au bruit du canon des remparts, bénissant à l'envi l'heureux Godinot et lui souhaitant de longs jours. Touché, attendri, je sentais des larmes délicieuses se répandre sur mes joues, et je mêlais mes cris à ceux du peuple reconnaissant. »

Registre des conclusions, 11 septembre 1747.

était de nature à donner raison aux ennemis du R. P. Féry. L'abbé Godinot vint exposer au Conseil « les difficultés presque insurmontables de trouver des pièces de bois de cinquante pieds de hauteur, nécessaires à la construction du château, dans lequel la machine devait porter les eaux à la cuvette, établie à soixante-cinq pieds d'élévation, et proposa un moyen aussi sûr et moins coûteux pour faire arriver les eaux dans la ville, qui consistait à les forcer, par des pompes foulantes, de monter dans les tuyaux posés sur un plan incliné au milieu du canal venant de la foulerie aux fossés de la ville, et dans ces fossés on construirait deux arcades portant un mur qui recevrait le tuyau destiné à introduire les eaux dans Reims1. »

D'après ce plan, la cuvette se trouvait placée sur le rempart, et les eaux n'y parvenaient qu'après avoir parcouru toute la longueur du canal, et après être montées sur un plan incliné de vingt-trois degrés 2.

Le Conseil approuva le projet de l'abbé Godinot, et le pria de donner des ordres pour le faire exécuter. Mais on ne tarda pas à reconnaître, par l'expérience, que ce changement au plan du R. P. Féry n'était pas heureux on se vit obligé de revenir à ce plan primitif deux ans après.

Au moment où le Conseil avait fixé l'empla

Registre des conclusions, septembre 1747.
Reims pittoresque, page 76.

cement des fontaines, il avait été arrêté que l'une d'elles serait établie vers la halle de Saint-Remi. Lévesque de Pouilly eut besoin, pour cette fontaine, d'un terrain appartenant à MM. les Chanoines et Chapitre de Saint-Timothée. Il leur adressa donc une demande « d'autorisation de construire un réservoir ou fontaine au coin du cimetière de Saint-Timothée, vers la halle de Saint-Remy,» et, quelques jours après, il reçut la réponse de ces Messieurs, qui accordaient la concession demandée. Il fit immédiatement réunir le Conseil de ville; l'acte de concession fut rédigé et signé, et des remerciements. furent adressés de la part du Conseil à ces Messieurs les Chanoines et Chapitre de SaintTimothée'.

Le reste de l'année 1747 et l'année 1748 tout entière furent employés à l'exécution des travaux. Rien ne survint pour en entraver le cours, sauf une légère contrariété pour Lévesque de Pouilly: il eut à s'adresser à la justice de Paris afin d'en obtenir une sentence au sujet de l'entrepreneur qui devait fournir le corps de pompe. Desprez, fondeur à Paris, s'était chargé de cette fourniture, mais il avait cédé de son chef cette entreprise à Bourdelois, fondeur à Reims; Lévesque de Pouilly, qui avait sans doute moins de confiance en ce dernier, s'adressa aux tribunaux de Paris, et Desprez fut condamné à la garantie par la sentence des consuls de Paris :

Registre des conclusions, 25 septembre 1747.

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