Page images
PDF
EPUB

draient demander à visiter cette antiquité merveilleuse, il fit, entre autres choses, pratiquer une descente commode, et chargea une personne, qui seule en avait la porte, de montrer le monument aux étrangers et aux curieux, mais en lui déclarant « qu'elle ne pouvait exiger qu'un sols par personne. »

C'est à ce détail que Lévesque de Pouilly fait allusion quand, à la fin de sa description de ce monument, il dit : « Les peintures, que le temps avait respectées pendant plus de quinze siècles, furent alors endommagées par la foule de ceux qui entraient dans ce monument avant que le magistrat pût prendre des mesures pour leur conservation. »>

Louis-Jean Lévesque de Pouilly, qui était le magistrat, aurait donc pris les mesures les plus complètes pour cette conservation, et rien n'eût pu l'empêcher d'accomplir ce vœu de sa grande àme, s'il en avait eu le temps.

CHAPITRE IV

ÉTABLISSEMENT DES FONTAINES A REIMS.

Depuis longtemps les eaux dont on faisait usage à Reims étaient reconnues de mauvaise nature: elles ne dissolvaient pas le savon, elles cuisaient mal les légumes, elles n'étaient pas propres à la teinture des laines, et de plus, elles étaient insalubres et causaient des goitres, dit Géruzez, dans son Histoire de Reims1.

Déjà, dès le milieu du xvI° siècle, pour remédier à un si mauvais état de choses, le cardinal de Lorraine avait voulu établir des fontaines publiques. L'état des dépenses avait été dressé :

L'eau des puits de Reims, dit un chimiste, médecin du temps (Voir Gérard Jacob, Essai sur l'origine et les antiquités de Reims), est imprégnée d'un limon crétacé qui, causant nécessairement des obstructions dans les glandes et l'épaississement des liqueurs, devient le principe des humeurs froides et des cancers jusqu'alors si communs à Reims. Cette eau, par sa mauvaise qualité, n'était pas moins contraire aux opérations de la manufacture, ne pouvant dissoudre aisément le savon, ni faire prendre aux étoffes le vrai ton des couleurs..

mais sa mort, arrivée en 1574, arrêta le projet. Un siècle plus tard environ, en 1668, le Conseil de ville reprit le projet du cardinal, mais sans succès.

Enfin, Louis-Jean Lévesque de Pouilly vint à bout de le réaliser, et il put y réussir principalement à l'aide du concours généreux de l'abbé Godinot, chanoine de Notre-Dame de Reims, et qui était alors âgé de quatre-vingt-deux ans 1. Il faut savoir gré à Lévesque de Pouilly d'avoir pu obtenir ce concours de l'abbé Godinot, concours sans lequel le projet de fontaines n'eût pas abouti, et concours que l'abbé Godinot fit

1 L'abbé Jean Godinot était né à Reims en 1661. Après avoir terminé ses études chez les Pères Jésuites, après avoir obtenu le grade de docteur en théologie, il occupa à Reims différents postes et arriva à être nommé chanoine de la cathédrale en 1692 par Monseigneur Charles-Maurice Letellier. S'occupant de l'étude et de l'administration de son patrimoine, alors très-peu considérable, il composa sur la culture des vignes un mémoire d'une certaine valeur, cité par l'abbé Pluche dans son Spectacle de la nature. Il était parvenu à découvrir un système de façonner le vin qui procura une réputation extraordinaire aux vins qu'il recueillait de ses vignes à Verzenay et à Bouzy. Ce fut pour lui une occasion d'acquérir une grande fortune, et cette fortune le mit à même d'être le bienfaiteur de ses concitoyens, surtout par son concours à l'établissement des fontaines sous l'inspiration de Lévesque de Pouilly. On a reproché à M. l'abbé Godinot de s'être livré au commerce: Voici comment son ami de Pouilly sut venger sa mémoire dans un éloge funèbre qu'il prononça publiquement le 17 février 1751. « Ce génie ferme et élevé avait pensé que la loi qui défend aux ministres de l'autel de travailler à augmenter leur fortune, devait en certaines circonstances recevoir des exceptions et céder à la loi éternelle qui ordonne de faire aux autres tout le bien dont on est capable; il faut observer du reste qu'il en avait obtenu la permission de l'Archevèque. » M. l'abbé Godinot était mort le 15 avril 1749, âgé de 88 ans. Sa mort fut un deuil public.

attendre quelque temps, car il avait d'autres vues de bienfaisance, et de sa nature il était très-arrêté dans ses projets. Il fallut le zèle infatigable de Lévesque de Pouilly pour obtenir de l'abbé Godinot de changer le plan et le détail de ses libéralités1.

Louis-Jean de Pouilly venait d'être nommé lieutenant des habitants le 4 mars 1746; dès le mème mois, nous le voyons entreprendre de trouver le chemin du coeur de l'abbé Godinot. Profitant de l'offre généreuse de ce bienfaiteur de faire construire une grille en forme de porte à l'entrée du Point rouge, près la porte de Vesle 2, il demanda au Conseil de lui voter des remerciements, et lui-même alla lui en offrir l'expression au nom du Conseil. Lévesque de Pouilly a commencé son entreprise; il persévérera jusqu'à ce qu'il ait gagné sa cause.

Le Conseil de ville est réuni le 17 mai suivant, et, sur la proposition du lieutenant, MM. Prudhomme, Rogier, Maillefer, conseillers, et Coquebert, syndic, sont priés par l'Assemblée d'aller complimenter M. Godinot pour l'engager à persévérer dans sa bonne volonté de contribuer à la dépense des fontaines qu'on projette pour faire venir de l'eau salubre dans la ville de Reims 3.

1 M. Géruzez a dit que, « pour parvenir à gagner M. l'abbé Godinot, M. de Pouilly s'assujettit à rendre tous les soirs visite à ce vieillard pendant une année eiere. >>

[blocks in formation]

A ce moment-là, l'abbé Godinot avait conçu l'idée d'assainir quelques points de la ville, principalement le voisinage de l'Etang, où les eaux croupissaient et répandaient une mauvaise odeur le Conseil de ville s'empressa d'approuver son initiative, et décida, dans sa séance du 1er juin 1746, que « tout pouvoir serait donné à M. Godinot d'apporter les remèdes convena bles pour empêcher les eaux de l'Etang d'y croupir et en ôter ou diminuer la mauvaise odeur1. »

Le Conseil, en outre, pour favoriser l'exécution de ce projet, décida que des fontaines seraient placées aux sept endroits de la ville où l'eau qu'elles amèneraient aiderait le mieux possible à l'assainissement, à savoir : à la place de Saint-Remi, aux Loges-Coquauit, à la place de l'Abbaye-de-St-Pierre, au parvis Notre-Dame, . au ponceau de la Couture, à la place de Ville et au Marché-aux-Draps; puis il ordonna qu'il serait fait un devis estimatif de la dépense nécessaire pour faire venir des eaux du mont de Berru, et enfin décréta que, dans ce même but d'assainissement, « on paiera des personnes pour balayer une fois la semaine les ordures du ruisseau depuis le Ponceau jusqu'au canal, et qu'on plantera des bornes en pierre pour empêcher d'endommager le pavé au passage de la Magdeleine 2.

24

[ocr errors]

En exécution de cette décision, le géomètre

Registre des conclusions.

[blocks in formation]
« PreviousContinue »