qui pourra survenir toute la courtoisie possible, non-seulement avec l'honorable M. Millet, mais encore avec ses habiles collaborateurs.

Puis elle a revu la façade septentrionale avec sa galerie de couronnement élevée à la suite de l'incendie de 1481, qui avait détruit les combles et les couronnements des façades latérales; et après en avoir examiné l'ordonnance, sa concordance parfaite avec les parties dominantes de l'extérieur de l'édifice, c'est-à-dire le portail et les façades de la nef, s'être bien rendu compte des raisons qui ont guidé les architectes leurs auteurs, raisons particulières à la Cathédrale de Reims, et jugé ainsi en toute connaissance de cause cette partie si remarquable d'un monument que tout le monde admire, votre Commission a pu se former une opinion motivée et se mettre en état de la formuler.

Pour vous la mieux présenter, il est nécessaire d'entrer dans quelques développements sur le style de notre Cathédrale, sur le caractère de sa décoration extérieure si admirable par ses proportions et par sa magnificence, sur l'idée que ses architectes ont tous voulu exprimer et faire comprendre clairement à tout le monde.

Dès l'époque carlovingienne, les rois de France, en souvenir de la conversion des Francs de Clovis par l'évêque de Reims, saint Remy, firent choix de l'église métropolitaine de cette ville pour y être sacrés et pour y célébrer avec pompe la cérémonie de leur couronnement; dès lors, la Cathédrale de Reims, devenue une véritable église royale, dut recevoir, en raison de sa des

tination, un développement, des proportions, une décoration d'une nature particulière qui marquaient sa prééminence sur toutes les autres églises, même sur celles de la capitale du

royaume.

La première Cathédrale a disparu sans laisser d'autre trace de son existence que le souvenir des richesses décoratives réunies par les Archevêques; mais celle que nous avons sous les yeux, commencée au XIIIe siècle, et que le temps a conservée presque intacte à notre admiration, fait foi de cette recherche, de cette volonté continue de lui donner l'aspect splendide motivé par sa destination; pendant les deux siècles qui vont de la construction des fondations à l'achèvement, les hommes ont passé, les artistes se sont succédé, mais le programme n'a pas varié1.

Tous les architectes qui ont eu l'honneur soit d'en concevoir le plan, soit d'en commencer l'exécution ou de la continuer, ont eu invariablement le même but, sans vouloir substituer leur personnalité à la conception première, celui d'élever non-seulement une église grandiose, mais surtout la Cathédrale des cérémonies royales les plus importantes et les plus magnifiques d'un règne, celles du couronnement. Aussi se sont-ils attachés à donner aux façades une disposition architecturale exceptionnellement somptueuse et une décoration digne d'encadrer

Pour mieux accentuer, tout autour du monument, l'unité de la décoration extérieure, les architectes du XIVe siècle, bien qu'ils eussent pu s'en passer, ont fait entrer dans la décoration du portail les motifs de tête des contre-forts.

les fêtes les plus belles de la monarchie nationale. C'est à ce programme que notre monument doit l'ordonnance et l'ornementation de son portail et celles des façades latérales composées avec tant d'art, que l'on regarde justement comme des merveilles uniques dans leur genre.

En effet, les motifs de l'architecture ogivale usitės à une époque, sont souvent les mêmes dans les églises construites en même temps; mais à la Cathédrale de Reims, les architectes n'ont employé les motifs courants du temps qu'après les avoir scrupuleusement étudiés, épurés avec un grand goût; ils les ont parés d'ornements choisis et modelés avec la plus grande ampleur; voulant que, partout, chaque partie de l'édifice eût bien le caractère distingué d'une décoration royale. La Basilique du couronnement étant audessus de tous les palais royaux, devait être plus magnifique, plus riche.

Ils ont encore voulu lui donner un air de fête qui rappelât à tous et à tous moments le caractère des fêtes du sacre, l'avènement d'un nouveau Roi étant qualifié de joyeux.

Cette affirmation n'est pas téméraire, car nous savons d'une manière certaine que les dispositions intérieures du monument avaient été distribuées en vue de la grande cérémonie du sacre, et l'allongement de la nef par l'adjonction de trois travées supplémentaires n'a pas certainement une autre origine. La décoration intérieure, caractérisée par de riches peintures et de merveilleuses verrières, complétée par le mobilier de la couronne, avait le même aspect de magnificence et de fête.

Les archéologues, les architectes, les amateurs qui étudient la Cathédrale de Reims, ne doivent donc pas s'étonner de la richesse de certaines parties, des raffinements de goût qu'ils peuvent prendre pour des entrainements

irréfléchis ou pour des dérogations apportées aux motifs ordinaires de l'architecture ogivale; c'est qu'à Reims, de parti pris, pour produire un grand effet particulier, on a employé des arrangements inusités dans les autres édifices de la même époque; de là, entre autres, l'ordonnance. si originale du portail, dont les parties décorées ne sont pas arrêtées et se continuent naturellement sans arètes, par des arrondis, sur les façades latérales, pour paraitre se suivre avec les galeries de couronnement de ces façades, comme pour ceindre le monument tout entier d'une riche couronne ornementale.