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qui en a conservé le nom. Le problème aurait ainsi deux solutions. Notre jeune confrère est homme à trouver quelque document qui écarte celle que je viens d'exposer et justifie de tous points la sienne.

Peut-être conviendrait-il de s'en tenir sur ce point à l'explication naturelle du mot petraria, qui en tant d'occasions signifie simplement une carrière ou un dépôt de pierres, sauf à déterminer, à l'aide de la vie de S. Rigobert ou d'autres documents, s'il s'en trouve, sur quel point du parcours de la rue se trouvait la perrière en question.

L'Académie ne peut qu'être heureuse, en attendant, de voir notre confrère entrer de primesaut dans les difficultés de notre histoire locale et lui savoir gré de la sagacité avec laquelle il fait servir les textes à en élucider les points encore obscurs.

Je ne quitterai pas le Reims gallo-romain sans mentionner le buste en marbre gris veiné de brun, trouvé dans le faubourg Cérès au commencement de l'hiver, et dont M. Duquenelle a enrichi son cabinet. La tête est de moyenne dimension, le ciseau y a négligé totalement la partię postérieure, ce qui porte à supposer que c'était une figure décorative. Quoi qu'il en soit, à ses traits principaux, il est facile de reconnaître l'empereur Trajan.

J'arrive au Moyen-Age et à son chef-d'œuvre, à la cathédrale, qui a été cette année l'objet de si vives discussions.

A une époque encore peu éloignée de nous, les Montalembert, les Didron et les de Caumont s'élevaient dans la presse avec toute l'autorité que donnent le savoir et la raison contre les audaces dont se rendaient coupables les architectes attachés à nos grands édifices religieux. Ils constataient avec douleur que des églises dont ils étaient chargés d'empêcher la destruction avaient perdu dans leurs mains une partie de leur caractère propre, et que leurs efforts trop habiles avaient eu pour résultat de dénaturer l'œuvre des architectes du Moyen-Age. Ils demandaient si les cathédrales d'Amiens, de Bayeux, de Poitiers, d'Angoulême, d'Auch, de Périgueux, et la grande église de Saint-Denis, n'étaient pas plus belles et plus dignes d'intérêt avant les changements qu'on leur a infligés à grands frais. Ils constataient même que tout ce que l'on faisait à Notre-Dame de Paris n'était pas à l'abri de la critique, et ne craignaient pas de déclarer que les coûteuses faitaisies de nos architectes officiels ne recevraient pas toutes sans exception les éloges de la postérité 1.

L'heure serait-elle arrivée pour la cathédrale de Reims de servir de champ à ces réformateurs de l'art du Moyen-Age, que leurs doctrines portent à détruire comme suspect tout ce qui dépasse une certaine époque, ou, sous le prétexte de rétablir entre les parties d'un monument une harmonie qui réponde mieux à leurs conceptions, ne craignent pas d'en altérer l'expression primitive

1 Raymond Bordeaux, Traité de la réparations des Egliscs. Préface.

et de substituer leur interprétation personnelle à celle des vieux maîtres de l'œuvre?

On a pu le craindre déjà en voyant les nouveautés implantées au haut de l'abside, que ne motivaient sérieusement ni les données des constructions antérieures, ni même les créneaux en-core existants sur quelques points des transepts. Mais la nouvelle galerie construite au bas du grand comble du côté du Midi, a justifié toutes nos appréhensions. Son apparition, après le secret gardé si longtemps par les échafaudages, a excité une véritable émotion parmi ceux qui aiment la cathédrale de Reims et qui croient qu'il n'était pas nécessaire d'y rien changer pour la rendre admirable. L'Académie, après un examen attentif et réfléchi, a traduit ce sentiment dans un mémoire adressé au ministre des cultes, où elle demandait la reconstrution de la galerie Nord sur le modèle du fragment encore débout du même côté, qui est primitif.

M. Gosset, organe de votre commission, tant dans le mémoire adressé au ministre que dans une note remise aux architectes envoyés à Reims pour étudier la question, appuyait cette demande non-seulement sur la preuve irrécusable du fragment dont je viens de parler, mais aussi sur ce fait dont déposent les photographies prises avant les travaux, que la galerie remplacée par M. Millet était elle-même du XIV siècle, sinon dans tous les détails de sa construction, du moins dans les éléments antérieurs à l'incendie de 1481 qui ont été employés à la reconstituer après ce désastre. M. le Maire de Reims, représentant naturel de

la cité, a joint sa réclamation à celle de l'Académie.

Nos démarches et nos raisons n'ont pas convaincu M. le ministre; le nouvel architecte de la Cathédrale a été invité par lui à construire au nord une galerie semblable à celle de M. Millet.

Ainsi se trouve consacrée dans la restauration de la cathédrale de Reims l'introduction d'une architecture étrangère au monument et même à l'école qui s'y rattache; et déjà un architecte de l'Etat s'autorise de cette condescendance du pouvoir pour présenter au public du Salon la façade arrangée par M. Millet comme étant la reproduction authentique de la cathédrale telle que l'avaient conçue les architectes du Moyen-Age.

En protestant contre l'abus fait par un architecte de la mission que l'Etat lui avait confiée, l'Académie a obéi à un devoir impérieux, et elle a la conviction de l'avoir fait avec l'assentiment de la grande majorité de nos concitoyens et celui des hommes d'étude.

Sa conduite, en résumé, est conforme aux prescriptions réitérées du gourvernement luimême, aux circulaires qui, de 1837 à 1839, ont donné sur la matière les instructions les plus sages et les plus complètes. Dans celle du 1er décembre1838, que je me contenterai de citer, le ministre des cultes constate« que nos cathédrales n'ont pas toujours été à l'abri de mutilations» semblables à celle dont nous nous plaignons; que, « dans quelques circonstances, des poursuites ont dû être exercées contre les administrations qui s'en étaient rendues coupables sous prétexte de restauration

ou d'amélioration. « Ces répressions tardives, ajoute le ministre, ne rétablissent pas un objet d'art qui a été détruit ou déshonoré: il faut donc s'attacher principalement à prévenir de tels abus.> Or souvent (c'est toujours la circulalre que je transcris) le ministre et les artistes qu'il consulte sur les projets, ne peuvent juger que très-imparfaitement de leur convenance relative, faute de connaître suffisamment l'importance ou le caractère du monument; l'administration supérieure doit donc désirer d'être mieux renseignée qu'elle ne l'est sur l'état et le mérite des édifices placés dans ses attributions, et rechercher les moyens praticables d'obtenir ce résultat. >

S'il en est un, dirai-je avec M. Raymond Bordeaux, qui réponde à ce vœu du ministre, n'estce pas le contrôle du public?« Croit-on qu'il n'aurait aucune utilité en matière d'art et de goût, et que la publicité des devis et projets n'épargnerait pas bien des fautes irréparables? Pourquoi la garantie des enquêtes de commodo vel incommodo, qui est accordée à des intérêts matériels de plus ou moins grande importance, serait-elle refusée à la conservation de nos édifices publics? Pourquoi les architectes continueraient-ils à envelopper leurs plans dans un autocratique mystère?» Et en finissant, j'ajouterai : Pourquoi Paris déciderait-il seul de ces questions qui, en résumé, touchent particulièrement la province par tant d'intérêts et de considérations respectables?

Les sacrements ont été l'une des principales

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