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J'aurais fini, Messieurs, mais une lettre inédite de Lattaignant à son ami Bergeat me paraît digne de votre attention. Elle fut écrite peu après l'élévation de M. de Pouilly aux fonctions de lieutenant des habitants de la ville de Reims. Voici sa teneur :

« J'ay lu avec grand plaisir, Monsieur, le discours de M. de Pouilly, que vous m'avez fait l'amitié de m'envoyer; il est bien digne de luy, et on le reconnoît toujours, soit qu'il. parle, soit qu'il agisse. La ville de Reims ne pouvoit remettre le dépôt qu'elle luy a confié en de meilleures mains que les siennes, et il est aisé, même aux moins connoisseurs, d'en juger par l'usage qu'il en a fait depuis le peu de temps qu'il est en place, et malgré la délicatesse de sa santé, qui a plus d'une fois avec justes raisons alarmé tous nos concitoyens. J'ay esté charmé des louanges qu'il donne ou plutôt de la justice qu'il rend à nostre cher confrère M. Godinot. L'éloge d'un homme du mérite de M. de Pouilly est bien capable de le dédommager de tous les torts que plusieurs d'entre nous ont eus avec luy, et des mauvais traitements qu'il a eu la patience et la bonté d'essuyer pour prix de ses bienfaits. Il aura seurement l'approbation de la postérité; mais celle de notre cher lieutenant est une consolation qui lui était bien due de son vivant. Laudari a viro laudato maxima laus est.

« Il falloit toute l'éloquence de Démosthène et de Cicéron ou la sienne, pour louer la ville de de Reims avec autant d'art qu'il l'a fait. Il réunit en luy tout le mérite des deux grands hommes

dont il fait le panégyrique, puisqu'il joint à l'érudition de Gerbert tous les talens du grand Colbert, et qu'il ne luy a manqué pour effacer mesme ces hommes illustres, que les circonstances du hasard, qui ne l'ont pas placé où ils estoient. « C'est la nature qui fait les héros », dit Labruyère; mais c'est la fortune qui les met en œuvre. Quelque chose que possède au-dessus d'eux et supérieurement à tout le monde M. de Pouilly, c'est le talent de se faire aimer et estimer universellement, de ne pouvoir avoir de rivaux et de n'avoir que des amis. Si la ville de Reims est célébre, pour avoir produit en différents siècles des personnages aussi fameux que ceux qu'a cités nostre aimable orateur, combien ne doit-elle pas s'applaudir d'avoir vu naître dans son sein deux hommes contemporains, uniques chacun dans leur espèce, comme M. de Pouilly et M. Godinot, l'un pour imagineret trouver des ressources pour le bien public, tant du corps que de l'esprit; l'autre, pour en avoir acquis et prodigué les moyens avec tant de discernement? Quoique ce que j'en dis ajoute peu à leur gloire, je vous prie, Monsieur, de leur faire part de l'hommage sincère que je leur rends.

«J'ay l'honneur d'estre très-parfaitement vostre très-humble et obéissant serviteur. >>

DE LATTAIGNANT.

Cette lettre, pleine de judicieux éloges pour deux hommes dont la mémoire vous est chère, prouve que son auteur savait allier le sérieux à la gaieté.

L'abbé de Lattaignant, ayant appartenu pendant trente six ans au chapitre de Notre-Dame de Reims, me semblait mériter un souvenir. Si j'avais néanmoins besoin d'excuse, pour lui avoir consacré les derniers instants des fonctions que je dois, Messieurs, à votre bienveillance, j'en trouverais facilement une dans ces deux vers du gracieux poète:

Reims à Paris me paroit préférable;
Je ne sai point de pays plus aimable.

COMPTE-RENDU

Des Travaux de l'Année 1878-1879

Par M. Ch. LORIQUET, Secrétaire-général.

MESSIEURS,

Le tableau d'ensemble qu'une trop constante bienveillance réclame chaque année de votre secrétaire général, pour être fidèle et complet, ne doit pas seulement rassembler en un faisceau tous les objets dont vous vous êtes occupés et donner à chacun la part qui lui est due; il faut aussi que les matériaux qui le composent s'y trouvent disposés dans un ordre logique. Cet ordre, le rapporteur n'est pas toujours maître de le choisir, il lui est souvent imposé par la nature des choses, et, si résolu qu'il soit à se laisser conduire par les relations qui attirent naturellement un sujet après un autre, il lui est souvent difficile de suivre, et plus difficile encore de diriger le fil qui peut les relier entre eux.

C'est ainsi que je suis amené à parler d'abord des communications scientifiques qui vous ont été faites. Si l'ordre ainsi fixé vous paraît propre à rebuter un auditoire moins bien disposé que

celui-ci, vous n'oublierez pas que je ne fais pas un discours, mais un simple exposé, et que l'art de parler n'a pas de ressources dont je puisse user pour dissimuler l'aridité des sujets de cette nature ou me soustraire à la rigueur du langage qui leur est propre.

Je mentionnerai en premier lieu les expériences faites en présence de l'Académie par M. Coze pour évaluer le pouvoir éclairant de l'électricité, comparativement à celui du gaz. Notre confrère y est parvenu à l'aide d'un photamètre à relief de vastes dimensions. Il a fait succéder à ces expériences l'étude de différents foyers lumineux au gaz pouvant s'adapter à l'éclairage public, notamment les appareils installés par lui sur la place Royale et sur celle de l'Hôtel-de-Ville, basés sur l'augmentation du pouvoir éclairant de deux flammes aplaties l'une sur l'autre. Vous avez reconnu que les résultats de cette réunion sont d'autant plus profitables qu'il n'y a aucun excès de lumière inutilisé, inconvénient grave de la lumière électrique, outre celui de ne pouvoir s'emmagasiner et d'exiger un matériel dispendieux.

Je rappellerai ensuite la brillante conférence que vous a faite M. de Lapparent sur les changements éprouvés à diverses époques par l'écorce du globe.

Tout le monde sait que, sous le nom de terrains, on entend en géologie des fractions plus ou moins étendues de l'écorce terrestre, considérées par rapport à l'époque et au mode,

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