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RECHERCHES

SUR LES

OISEAUX FOSSILES

DES TERRAINS TERTIAIRES INFÉRIEURS

DES

Environs de Reims

Par M. le D' LEMOINE, membre titulaire.

Un des problèmes les plus intéressants de la paléontologie consiste à rechercher l'époque géologique exacte de la première apparition des oiseaux.

En effet, le degré de perfection de leur organisme semble nécessiter, pour l'accomplissement régulier de leurs fonctions, un milieu qui paraît l'apanage des dernières époques géologiques et que ne semblaient pas comporter les premiers âges du monde, âges où la vie ne paraissait possible que pour des êtres relativement inférieurs, comme les animaux à sang froid. Aussi l'étonnement fut-il grand quand, à partir de

1849, MM. Deane', Marsh, Hitchcock2 et Warren3 faisaient successivement connaître des traces de pas paraissant pouvoir être attribuées à des oiseaux et à des reptiles et trouvées dans le terrain triasique d'Amérique, dans la vallée du Connecticut, dans le Massachusetts, à l'ouest de Boston et au nord de New-York.

Suivant M. Alphonse Milne-Edwards, la disposition et la forme de ces empreintes de pas, l'étendue des surfaces de grès argileux, sur lesquelles elles sont restées gravées en mème temps que des gouttes de pluie et des stries ondulatoires de vagues, dénotent évidemment les sables endurcis d'anciens rivages alternativement couverts et abandonnés par les eaux, comme le sont les plages actuelles où s'imprime avec tant de facilité et de netteté la trace du passage des êtres vivants.

Le grand nombre des traces observées dans une même localité semble indiquer que ces animaux vivaient par bandes.

Ces empreintes, se suivant toujours sur une même ligne, paraissent dénoter la marche d'un animal bipède.

Tantôt les dimensions de ces empreintes sont vraiment prodigieuses et semblent indiquer une taille colossale chez les animaux qui les ont produites.

1 Mem. of American Acad. New ser. t. IV.

2 Mem. of American Acad. New ser. t. XIII.

3 Remarks on some fossil impressions in the sandstone rocks of Connecticut river.

4 Recherches sur les oiseaux fossiles, t. II, page 530.

C'est ainsi qu'on a pu constater pour le Brontzoum giganteum une longueur de pied de 0,43 centimètres et des enjambées de 2m,50 à 3 mètres; tantôt au contraire les empreintes beaucoup plus petites et beaucoup plus superficielles indiquent des animaux d'un poids peu considérable.

Les animaux qui ont ainsi imprimé la trace de leurs pas avaient aux pieds, ainsi que le fait remarquer M. Milne-Edwards1, le même nombre d'articulations et par conséquent de phalanges que l'on trouve chez les oiseaux actuels et qui n'existe maintenant que dans cettè classe.

M. Dana a constaté, par l'analyse de plusieurs coprolithes trouvés en même temps que les empreintes, que la proportion d'acide urique, de phosphate et de carbonate de chaux, ainsi que de matières organiques, se rapprochait de celle que l'on trouve dans le guano et dans les excré ments d'oiseaux.

Pictet, tout en reconnaissant que les comparaisons empruntées au monde actuel semblent favorables à l'hypothèse d'oiseaux, émet quelques réserves et croit qu'il ne serait pas impossible que quelque reptile inconnu eût pu laisser des impressions pareilles.

Certains Ornithoscelides, ces vertébrés si remarquables par leurs modifications de structure intermédiaires entre les reptiles et les oiseaux existants, offrent, d'après M. Huxley3, dans certaines parties de leur squelette, autres il est vrai

1 Loc. cit., p. 532.

2 Traité de paléontologie, t. I, p. 405.

3 Eléments d'anatomie comparée des animaux vertébrés, p. 272.

que les pieds, des dispositions identiques à ce que l'on trouve chez les oiseaux.

M. Gervais pense que l'examen de pièces osseuses est indispensable pour résoudre d'une façon certaine ce problème d'ailleurs si délicat.

Des débris d'oiseaux ont été signalés à plusieurs reprises dans les terrains jurassiques; mais une étude plus approfondie est venue bientôt démontrer qu'il s'agissait là d'ossements de Ptérodactyles.

Le rév. M. Dennis s'appuie sur l'examen microscopique d'un os de Stonesfield pour établir l'existence d'un oiseau à cette époque.

Mais un tel examen, pour avoir une valeur véritable, doit être accompagné de l'étude des caractères ostéologiques.

On se rappelle combien le calcaire lithographique de Solenhofen était déjà célèbre par les descriptions paléontologiques si intéressantes et si multipliées auxquelles il avait donné lieu sur les insectes, les crustacés, les poissons, les reptiles, descriptions que l'on trouve soit dans des ouvrages anciens, tels que ceux de Boyer, de Knorr, de Walche, soit dans les écrits modernes de Cuvier, de Sommering, Goldfuss, de Munster, Ruppel, de Meyer, Wagner, Oppel, etc., lorsqu'en 1861 on y signalait la découverte d'un oiseau fossile.

Ce fossile, décrit par André Wagner3, présentait les pattes postérieures, la presque totalité des

1 Zoologie et Paléontologie françaises, p. 403.

* Quaterly Journ. of the microscopical soc., London, vol. V, p. 63. 3 Sitzungsbericht der Münchner Akad. der Wissensch., 1861, p. 146.

membres antérieurs, ainsi qu'une partie du bassin, offrant un prolongement caudal de l'aspect le plus étrange, car il était composé d'environ 20 vertèbres de plus en plus petites, chacune de ces vertèbres donnant naissance à une paire de plumes.

Cette conformation si singulière avait fait penser à Wagner qu'il pouvait s'agir là d'un reptile emplumé très-voisin des Pterodactyles.

M. Owen, dans une étude très-complète1, démontre que ces restes sont bien ceux d'un oiseau.

Mais quel type étrange si on le compare à nos oiseaux actuels, et quelles surprises nous ménagera peut-être la découverte de la tête de l'Archaeopteryx !2

M. Huxley, dans un plan de classification des oiseaux, le fait au reste figurer comme formant à lui seul une division de premier ordre.

Il s'agit là, à proprement parler, d'un oiseau dont une partie du plan organique aurait été empruntée au type saurien, ainsi que le fait remarquer M. Milne-Edwards 3.

Les terrains crétacés ont également donné lieu à quelques erreurs de détermination, et de prétendus ossements d'oiseaux ont été reconnus appartenir soit à des poissons, soit à des reptiles. La même remarque est applicable à d'autres

1 Transact. of the Royal Soc. of London, 1863.

2 M. Hæberlein a trouvé en mai 1877 un nouveau squelette d'Archæopteryx dans le calcaire lithographique de Solenhofen. Mais il ne s'agit encore là que des membres postérieurs et d'une portion de la

queue.

3 Loc. cit., p. 538,

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