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avez l'air sombre! Moi! Non, je n'ai rien! Un peu de mal de gorge. Dites-moi, mon cher Parseval, comment trouvez-vous ma voix? Je la trouve fort belle, mon ami. - Oui, oui! Mais quel caractère lui trouvez-vous? Est-ce le caractère... d'une voix... brillante? Oh! non! Brillante n'est pas le mot qui définit votre voix. Je dirais plu

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tôt qu'elle est sonore.

N'est-ce pas? elle est sonore? Sans doute! Pourtant, ce n'est pas encore le nom qui lui convient le mieux. C'est plutôt une voix grave. Grave! soit! Mais sombre! pas Oh! non! non! pas sombre... Pourtant il y a quelque chose... - Mais enfin, elle n'est pas caverneuse!... Non! non! Pourtant...Oh! je vois bien, s'écria mon père en riant, que vous partagez l'avis de cet abominable critique, et que vous la trouvez sépulcrale! »

La morale de cette petite anecdote, c'est que mon père, à partir de ce jour, s'étudia à faire moins souvent usage des notes basses, à les mêler plus habilement aux autres registres, et arriva ainsi à cette variété de timbres qui est à la fois un charme pour l'auditeur, et un repos pour le

lecteur.

Ce mélange ne constitue pas le seul exercice de la voix; il faut encore, il faut avant tout la travailler en elle-même. Le travail fortifie les voix faibles, assouplit les voix dures, adoucit les voix criardes, agit enfin sur la voix parlée comme l'art du chant sur la voix chantée. On dit quelquefois que des artistes célèbres, M. Duprez, par exemple, se sont fait une voix. Le mot n'est pas juste; on ne se fait pas une voix quand on n'en a pas, et la preuve, c'est qu'on la perd. On ne la perdrait jamais, si on était maître de se la faire; mais on la métamorphose: on lui donne du corps, de l'éclat, de la grâce, non seulement par la gymnastique qui fortifie l'organe en général, mais par une certaine manière d'attaquer le son. Enfin l'étude arrive même à vous faire gagner des notes que vous n'aviez pas. Un jour, l'illustre cantatrice, Mne Malibran, chantant le rondo de la

Somnambule, termina son point d'orgue par un trille sur le ré suraigu, après être partie du ré d'en bas. Elle avait embrassé trois octaves dans sa vocalise. Avait-elle donc reçu de la nature ces trois octaves? Non. Elle en avait acquis une partie par le travail. Je me rappelle même qu'après le concert, un de nous lui ayant exprimé son admiration de ce ré suraigu: «Oh! je l'ai assez cherché! repritelle gaiement. Voilà un mois que je cours après lui! Je le poursuivais partout! En me coiffant! En m'habillant! et je l'ai trouvé un matin au fond de mes souliers, en me chaussant!» On voit que l'art non seulement nous aide à bien gouverner notre royaume, mais à l'étendre.

CHAPITRE III

LA RESPIRATION

Le second objet de la lecture, c'est de vous apprendre à respirer. Il semble que s'il y a un acte naturel au monde, et où l'art n'ait rien à faire, c'est l'acte de la respiration. Respirer c'est vivre, et nous respirons inconsciemment comme nous vivons. Pourtant on ne lit bien que si on respire bien, et on ne respire bien que si on l'a appris. C'est même là un des talents les plus rares chez un lecteur. Je m'explique. Quand vous respirez dans la vie ordinaire, l'air entre dans vos poumons et en sort à la façon d'un flot de source qui coule continûment, insensiblement, également. Mais ce tranquille passage de l'air sur votre gosier suffiraitil pour faire vibrer vos cordes vocales? Non! elles resteraient muettes comme un piano que les doigts ne frappent pas; l'air est à l'appareil vocal ce que les doigts sont au piano; il faut que l'air le touche fortement pour qu'il résonne. Peut-être quelques-uns de vous ont-ils entendu une harpe éolienne. Comment la fait-on vibrer? On la place dans une

embrasure de porte... S'il n'y a que de l'air, elle se tait; dès que l'air se condense et devient du vent, les cordes résonnent. Eh bien! le même phénomène se produit quand vous parlez. Vous condensez, vous pressez l'air que renferment vos poumons, vous le poussez sur votre gosier, et c'est sous l'empire de ce choc que la parole se produit! Mais qu'avez-vous fait alors? Vous avez dépensé beaucoup plus d'air que vous ne le faites par le seul acte de la respiration ordinaire. La comparaison d'une source qui coule sans effort n'est plus juste; il faut penser à l'eau qui jaillit sous le coup d'une pompe, et qui jaillit plus pressée, plus dense, plus rapide. Voilà donc les conditions ordinaires de la respiration changées. On ne peut donner que ce qu'on a. Pour dépenser plus, il faut posséder plus. Le petit magasin d'air qui est destiné à la respiration normale et insensible, ne va plus suffire à la quantité de souffle que demande l'action énergique de la parole; il va falloir établir un équilibre entre notre doit et avoir! Il va falloir aller aux provisions, faire un appel vigoureux à la source même, c'est-à-dire à l'atmosphère, pour qu'il nous donne l'air dont nous avons besoin; cet appel, c'est l'aspiration. La respiration se compose donc de deux actes: aspirer et respirer. Aspirer c'est acquérir, c'est emmagasiner; respirer, c'est dépenser, c'est écouler ses marchandises.

Eh bien! il y a là deux arts différents aspirer est un art, respirer est un art. En quoi consiste l'art de l'aspiration? A la prendre à la base du poumon même, du diaphragme. Si vous n'aspirez que de la partie supérieure du poumon, vous faites une trop petite provision d'air. Vous ne remplissez pas votre magasin. Il n'en a guère que jus

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