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PARTIE II.

PHYSIQUE.

MATHEMATIQUES.

CHAPITRE PREMIER.

Physique céleste.

Une révolution semblable à celle que nous venons de considérer pour l'âme et pour le corps, et tendant à reconnaître à chaque chose l'activité qui lui est propre, a été opérée par le cartésianisme dans le règne inorganique, c'est-àdire dans les cieux, la terre, l'eau, l'air, le feu, les minéraux. L'antiquité supposa une âme dans le monde, comme dans l'homme, pour le mouvoir. Elle en supposa même quelquefois une dans chaque astre, et peut-être aussi dans chaque élément et dans chaque minéral. Le phénomène de l'ai

mant et de l'ambre faisait dire à Thalès que tout était plein de dieux (1). A la renaissance cette âme subsiste encore. Gilbert va jusqu'à lui attribuer la supériorité sur l'âme humaine, tant que celle-ci est enchaînée par les liens du corps. «Les mouve-. ments du monde, dans les profondeurs de la nature, ne s'accomplissent point à l'aide de réflexions, raisonnements et conjectures, comme les actions humaines, qui sont hésitantes, imparfaites hasardées; mais, de leur nature, ils renferment la raison, l'ordre, la science, le discernement, qui, depuis que les premiers fondements du monde furent jetés, produisent des actions certaines, déterminées, que nous ne pouvons comprendre à cause de la faiblesse de notre esprit. Aussi n'étaitce pas sans raison que Thalès (comme le rapporte Aristote dans son livre de l'âme) prétendait voir une âme dans l'aimant, qui est une portion, et, comme l'enfant d'une mère chérie, la terre vivante (2).» Cette âme est réduite par Copernic à une

(1) Laërce, liv. I, 24. Aristote, de anima, lib. I, chap. iv, v.

(2) « Motus mundi in naturæ fontibus, non cogitationibus, ratiunculis et conjecturis fiunt, ut humanæ actiones, quæ ancipites sunt, imperfectæ et incerta; sed connatæ sunt illis ratio, disciplina, scientia, discretio, a quibus actiones certæ et definitæ existunt, ab ipsis mundi jactis fundamentis et primordiis, quas nos propter animæ nostræ imbecillitatem comprehendere non possumus. Quare Thales non sine causa (ut refert Aristoteles in libro de anima) animatum lapidem magnetem esse voluit, qui pars est et soboles dilectæ telluris matris animatæ. » De magnete, lib. V, cap. xI. p. 210, Lundini, 1600.

force attractive entre les parties de chaque corps céleste, d'où résulte sa rondeur. Il l'appelle un certain appétit naturel, quamdam appetentiam naturalem (1). Aux yeux de Képler, c'est une force qui attire ces corps, et qu'il qualifie d'animale (2). L'âme des anciens semble s'effacer; mais elle forme encore quelque chose d'étranger à la matière et qui vient lui donner le mouvement et la vie. Enfin elle est anéantie par Descartes et n'a plus aucune place dans le système des tourbillons.

Comme il est inutile de refaire une chose aisée et bien faite, nous donnerons ici l'exposition des tourbillons par Malebranche, en l'abrégeant.

Si l'on considère avec attention l'étendue, on verra d'abord qu'elle est impénétrable; car il y a contradiction que deux pieds d'étendue n'en fassent qu'un. Mais comme on ne voit aucune force dans l'idée qui la représente, il est certain qu'elle n'est point dure par elle-même, et qu'ainsi chaque partie doit se séparer de sa voisine, si elles sont poussées de divers côtés. Ainsi on conçoit que le mouvement est possible, quoique tout soit plein les corps soient impénétrables, parce que

et que

(1) « Equidem existimo gravitatem non aliud esse, quam appetentiam quandam naturalem partibus inditam a divina providentia opificis universorum, ut in unitatem, integritatemque suam sese conferant in formam globi coeuntes. » De revolutionibus orbium cœlestium, lib. I, cap. IX. (2) « Facultas animalis. » De stella Martis, introd.

l'étendue n'étant point dure par elle-même, lorsqu'une partie avancera, les autres, puisque tout est plein, seront repoussées vers l'endroit qu'elle quitte en avançant, et ainsi elles y glisseront el il se fera un mouvement circulaire. Que si l'on conçoit une infinité de mouvements en ligne droite dans une infinité de semblables parties de cette étendue immense que nous considérons, il est encore nécessaire que tous ces corps, s'empêchant les uns les autres, conspirent tous par leur mutuelle action et réaction, je veux dire par la mutuelle conspiration de tous leurs mouvements particuliers, à se mouvoir par un mouvement circulaire.

Cette première considération de l'idée de l'étendue, et de l'idée du mouvement que Dieu a communiqué à toutes les parties de l'étendue, en la créant, nous fait déjà reconnaître la nécessité des tourbillons; que leur nombre sera d'autant plus grand, que les mouvements en ligne droite de toutes les parties de l'étendue, ayant été plus contraires les uns aux autres, ils auront plus de difficulté de s'accommoder d'un même mouvement; et que de tous les tourbillons, ceux-là seront les plus grands où il y aura plus de parties qui auront conspiré au même mouvement, ou dont les parties auront eu plus de force pour continuer leur mouvement en ligne droite. Arrêtons-nous à

l'un de ces tourbillons, et recherchons tous les mouvements de la matière qu'il renferme, et toutes les figures dont toutes les parties de cette matière se doivent revêtir.

Comme il n'y a que le mouvement en ligne droite qui soit simple, il faut d'abord considérer ce mouvement comme celui selon lequel tous les corps tendent sans cesse à se mouvoir, puisque Dieu agit toujours selon les voies les plus simples, et qu'en effet les corps ne se meuvent circulairement, que parce qu'ils trouvent des oppositions dans leurs mouvements directs. Ainsi, tous les corps n'étant pas d'une égale grandeur, et ceux qui sont les plus grands ayant plus de force à continuer leur mouvement en ligne droite que les autres, on conçoit facilement que les plus petits de tous les corps doivent être vers le centre du tourbillon, et les plus grands vers la circonférence, puisque les lignes que l'on conçoit être décrites par les mouvements des corps qui sont à la circonférence, approchent plus de la droite que celles que décrivent les corps qui sont proche du

centre.

Si l'on pense ensuite que chaque partie de cette matière, formée très-irrégulièrement, n'a pu se mouvoir d'abord et trouver sans cesse quelque opposition à son mouvement, sans arrondir et sans rompre ses angles, on reconnaîtra facilement que

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