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Des

propos que vous entendrez:

Aux bons mots que l'on dit joignez plûtôt les vôtres;
Mais faites, quand vous en direz,
Que les gens dont vous raillerez,
Puiffent rire comme les autres.

Qui fouffre l'affiduité

De l'Amant qu'a fait fa beauté, Envain auprès de lui veut paffer pour cruelle; Un homme qui fe voit d'une femme écouté, A droit de tout efperer d'elle."

N'accoutumez point vôtre cœur,

Séduit par la vertu de l'objet qui le tente,
A s'attendrir par la douceur

Même d'une amitié qui peut être innocente;
L'honneur dans ce commerce eft fort mal affûré;
Ne vous y laiffez pas furprendre;

Un ami fi fage & fi tendre,

Eft bien plus dangereux qu'un amant declaré.
Je ne défends point à la Prude

De prendre un peu de foin, de ce qu'elle a d'attraits;
Ce feroit une ingratitude,
De négliger les dons que le Ciel nous a faits:
Mais fi vous prétendez qu'on vous estime fage,
Apprenez que le trop grand foin

De conferver cet avantage,

Eft un infaillible temoin',

Qui prouve qu'on en fait quelque galant ufage.
Celui qui fans difcernement,
Adreffe à tout venant les louanges qu'il donne,
Fait grand tort à fon jugement,
Et ne fait honneur à perfonne:
Mais auffi d'un coeur inhumain,

N'allez pas infulter aux foibleffes des autres,
Et que les défauts du prochain,

Vous donnent feulement du degoût pour les vôtres.

Ne difputez jamais avec trop de chaleur;

Mais jugeant de fang froid, ou da Pour ou du Contre,

Si vous vous trompez par malheur,
Loin de foutenir votre erreur,

Laiffez-vous vaincre en ce rencontre;
Et par un beau retour plein de fincerité,
Revenez à la verité,

Qui que ce foit qui vous la montre.

Il ne faut point chercher à voir
Les interêts cachez d'une intrigue fecrette;
Quand on eft curieufe, & qu'on veut tout savoir,
On est sûrement indiscrette.

Si le fecret vous eft malgré vous révélé,
Cachez-le avec un tel filence,
Même à celui dont l'imprudence,
Vous en a fait la confidence,

Qu'il doute quelquefois, s'il vous en a parlé.

Celle qui fouffre en fa présence,
Qu'on vante en elle des appas,
Ou des vertus qu'elle n'a pas,
N'eft qu'une Idole qu'on encense:
Une jufte louange a dequoi nous flatter,
Mais un efprit bien fait doit prendre,
Bien moins de plaifir à l'entendre,
Que de peine à la meriter.

Le Jeu de mille maux eft la fatale source:
Iris, ne jouez que fort peu,

Et feulement fort petit jeu,

Et non pas pour remplir ou tarir votre bourse,
Celles qui fans repos, de cet amufement
Font leur capital exercice,

A coup für fe livrent au vice,
Et font dans le même moment,
Et toûjours fans difcernement
De juftice ni d'injustice,
Victimes d'une extremité,
Soit de leur fordide avarice,

Soit de leur prodigalité.

La Mode eft un Tyran dont rien ne nous délivre:

A fon bizarre goût il faut s'accommoder:

F 5.

Et

Et fous fes foles loix étant forcé de vivre,
Le Sage n'eft jamais le premier à les fuivre,
Ni le dernier à les garder.

A UNE DAME

Qui fe plaignoit qu'on ne l'alloit pas voir.

JE

ne vous vois que rarement,

Je ne vous rends point de vifite,
Et cependant affûrément

Vous ne manquez pas de merite,
Et j'ai quelque difcernement;

Ne vous en plaignez point, Carite,
Voilà la raifon juftement,

Pour laquelle je vous évite.

Si je pouvois vous voir fouvent fans m'engager, Je ne voudrois faire autre chofe :

Mais pardonnez-moi, fi je n'ofe

M'expofer deformais à ce charmant danger.
C'eft en vain que mon cœur feroit fidele & tendre;
Un Barbon à l'amour doit-il s'abandonner?
On ne peut trop craindre d'en prendre,
Quand on ne peut plus en donner.

Mon cœur s'embraferoit fans échauffer le vôtre;
Helas! mes malheureux foupirs

Ne feroient tout au plus qu'exciter des desirs,
Que vous contenteriez peut-être avec un autre.
Je veux vivre en repos, & je cherche à bannir
Tout ce qui me fait voir qu'il faut bien-tôt finir,
Et m'annonce le tems de ce trifte paffage;
Si j'étois tête à tête à vous entretenir,
Je pourrois oublier mon âge;

Mais vos froideurs bien-tôt m'en feroient fouvenir.

Non, ma Belle, il faut se connoître; Quoi! l'Amour me verroit encor fous fon pouvoir? Je ferois amoureux? j'oferois le paroître? Ah! qu'il feroit honteux à mon âge de l'être; Et qu'il feroit au vôtre ennuieux de le voir!

EPIGRAM ME.

Le Panier.

Contre le luxe & l'ornement des Dames,

Certain Prêcheur, s'émancipant un jour,
Par fins propos vouloit fléchir leurs ames.
Après avoir daubé maint riche atour,
Seigneur Panier vint en danse à fon tour.
Et contre lui, plus que contre tout autre
Ajuftement, la parole il leva;

Tremblez, tremblez, dit le moderne Apôtre,
Dans fon Panier Moyfe fe fauva,

Et vous ferez naufrage dans le vôtre.

EPIGRAMME.

Sur une vifite du matin.

Demain, charmante Ifabelle,

A Je vous irai voir du matin,

Difoit Tircis d'un air badin:

Vous rêvez, vous pensez à vous rendre plus belle,
Vous prendrez vos rubans, votre habit de fatin,

Et votre coeffure à dentelle,

Pour vous lever plutôt, vous ne dormirez pas.
Que ce diligent embarras,

Selon mon goût, eft inutile!

Moins de façons avec moi vous ferez,
Plus vous ferez aimable, & plus vous me plairez;
Reffez, reftez au lit tranquile,

Quand je ferai forti, vous vous habillerez.

UN

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N Oncle un jour montroit à fon Neveu,
Dans un tableau, le charitable Enée,
Qui fur fon dos, loin des Grecs & du feu,
Portoit fon Pére; hélas! qu'on en voit peu,
Suivre ta trace, & vertu tant prôné!
S'écrioit-il, elle eit abandonnée..

Non

De Malcrais.

De Mal

crais.

De Malcrais.

Non pas, non pas, repartit le Vaurien;
Mal à propos, Parent; tu nous contrôles,
Depuis vingt ans, fans me plaindre du mien,
Je l'ai toujours porté fur mes épaules.

EPIGRAM ME.

Sur l'Amant l'Epoux.

LIfette, qui chérit Lucas,

Dont l'efprit mal tourné quadre à la corporance,
Ne peut fouffrir Jeannot, en qui tous les appas
De l'efprit & du corps font avec éminence.
Ciel! quelle erreur! mais fçavez-vous,
D'où peut naître ce goût rempli d'extravagance?
Lucas eft le Galant, & Jeannot eft l'Epoux.

D

EPIGRAM ME.

Sur un enfantement.

Ans les douleurs, dont l'imprudente Femme
Subit l'effort, pour avoir écouté

Le vieux Serpent, une galante Dame
Plaignoit d'himen le plaifir acheté
Si chérement; tandis à fon côté
Très-bien flamboit, de fainte Marguerite
Cierge béni; mais dès qu'elle fut quitte,
Elle appella fa fervante Catin;
Fille, dit-elle, étein & ferre vîte
Ce Luminaire; il eft d'un grand mérite,
Et peut encor fervir pour l'an prochain.

EPIGRAM ME.
Le moment perdu.

A la charmante Iris, près de ces bords arides,

Où l'Océan brife

Licidamis difoit ces mots,

l'amour,

Dérobant des bailers fur fes lévres humides;
Mon cœur, fi'on fçavoit ce que c'est que
Si l'on s'y prenoit d'un bon tour,
Si d'un doux têe à tête, affis fur la fougére;

On

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