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Rouffean.

Homme de bien, dit elle, helas! en tout ceci
Vous êtes le premier qui m'ayez confultée.

Portrait du Capricieux.

es tu folle? ... Hé mort de ma vie
Depuis près de vingt ans que pour votre bonheur
Albert vous mit au monde, ou qu'il s'en fit honneur
N'avez vous pas encor appris tout à votre aise,
Que c'est affez de voir qu'une chose lui plaise,
Pour gager à coup fûr qu'il ne la fera pas?
Ne connoiffez vous plus fon efprit haut & bas;
Sans ceffe poffedé de nouvelles pensées,
Qui font au même inftant par d'autres effacées,
En moins d'un tour de main paffant du blanc au noir,
Le matin raifonnable, impertinent le foir,
Tantôt faifant le fou, tantôt le politique,
Aujourd'hui querelleur, & demain pacifique,
Sans raifon fatisfait, fans fujet irrité,
Contrariant, bourru, chimerique, éventé,
Homme dont la cervelle inceffament voltige,
Enfin perfecuté d'un éternel vertige?

Combien d'états divers, fi les gens en font crus,
Depuis qu'on le connoit n'a-t-il pas parcourus?
Campagnard, Citadin, Voyageur, Solitaire,
Courtifan, Financier, Magiftrat, Moufquetaire,
Enfin que vous dirai-je? Il ma vingtfois femblé
Aux combats differens de fon cerveau troublé,
De voir un bataillon d'Ames de toute efpece,
Qui mutuellement voulant le faire piéce,
Se chamaillent fans ceffe & le jour & la nuit
Et dont l'une défait ce que l'autre a construit...!
L'avantage d'une fille d'époufer un vieillard.
Rouffean. Au contraire, Monfieur, elle ne rifque rien;
C'est un bonheur pour elle, un fûr & vrai moyen
De lui faire trouver une fource féconde
De divertiffemens les plus jolis du monde.

Si pour un pareil noeud vous euffiez préferé
Quelque eune homme aimable, & qui fut à fongré;
Quelque Amant distingué, par exemple Valere;

Elle

Elle fe borneroit à l'aimer, à lui plaire,
Ne vivroit que pour lui, ne voudroit voir que lui,
A tout autre plaifir trouveroit de l'ennui,
Dans les pleurs loin de lui vivroit ensevelie:
Rien n'eft plus languiffant qu'une femblable vie.
Mais en lui choisissant, comme vous avez fait,
Un époux furanné, haïffable, mal fait,

Ce ne feront que jeux, bals, cadeaux, férénades,
Vifites, paffe-tems, entretiens, promenades.
Tout ce qu'on voit ici de jeunes-gens galans,
Se feront auprès d'elle honneur de leurs talens.
Mille plaifirs nouveaux s'offriront devant elle.
Chacun à qui mieux mieux y montrera fon zele.
L'un la regalera d'un fuperbe cadeau,

L'autre l'entretiendra d'une fête fur l'eau.
Et fi vous voulez joindre à cette centurie
Tous les revenans-bons de la galanterie,
Fleurettes, petits foins, billets-doux, tendres vœux,
Agreables tranfports, foupirs refpectueux,

Vous m'avouerez, Monfieur, que femme dans la vie
Ne peut jouir d'un fort plus propre à faire envie.
Vous direz, ce n'eft pas ainfi que je l'entens.
Mais quant à fon époux, les cas font differens.
Contre lui les galans armez d'antipathies,
Ont foin de l'écarter de toutes les parties:
Et l'on ne l'y reçoit qu'à titre d'Intendant,
Pour regler le memoire & payer le Marchand.
Du refte nul commerce, on le fuit, on le quitte;
Comme un peftiferé tout le monde l'évite
Equipages à part, lit, table, appartement,
On ne s'informe pas quel il eft feulement:
Et tel qui tous les jours chez Madame voisine
Ne connoît pas Monfieur feulement à la mine
Et venant à le voir de jour fur l'efcalier,
En le gracieufant d'un fouris cavalier

Lui dira, Mon ami, va-t-en voir je te prie
Si ta belle Maitreffe eft encore endormie.

A u

A une Actrice de l'Opera par fon Amant.

Chanlien. Je fers grace à l'Amour, une aimable Maitreffe,
Qui fait, fous cent noms differens,

La Suft.

Par mille nouveaux agrémens,

Reveiller tous les jours mes feux & ma tendresse,

Sous le nom de Théone, elle fût m'en flammer;
Arcabone me plût, & j'adore Angelique;
Mais quoique fa beauté, fa grace foit unique,
Armide vient de me charmer.

Sous ce nouveau déguisement,
Je trouve à mon Iris une grace nouvelle;
Fut-il, depuis qu'on aime, un plus heureux Amant?
Je goute chaque jour, dans un amour fidelle,
Tous les plaifirs du changement.

Sur l'inconftance.

Quand vous prîtes mon cœur, Amour me fut temoin,
Que vous promîtes avec foin,

De n'abuser jamais d'une telle victoire,

Mais vous étes, Tircis, infidelle & leger.
Pour imiter votre inconftance,

Je devrois de mon cœur à jamais vous bannir:
Mais ne craignez point ma vengeance,
Je me punirois trop, en penfant vous punir,
L'Amour borné aux foupirs.

Au defaut de ma voix recevez mes foupirs,
La Sufe. Ils vous diront, Tircis, en leur langage,
Que fi le Ciel fecondoit mes defirs,
Je vous donnerois d'avantage.

J

L'A MITI E'.

'Ai le vifage long & la mine naïve,

Je fuis fans fineffe & fans art,

Mon teint et fort uni, fa couleur affez vive,
Et je ne mets jamais de fard.

Mon abord eft civil, j'ai la bouche riante,
Et mes yeux ont mille douceurs;

Mais quoique je fois belle, agréable & charmante,
Je regne fur bien peu de cœurs,

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Од

On me protefte affez, & prefque tous les hommes Se vantent de fuivre mes loix:

Mais que j'en connois peu dans le fiécle où nous fom

mes,

Dont le cœur reponde à la voix!

Ceux que je fais aimer d'une flâme fidelle,
Me font l'objet de tous leurs foins:

Et quoique je vieilliffe, ils me trouvent fort belle,
Et ne m'en eftime pas moins:

On m'accufe fouvent d'aimer trop à paroitre
Où l'on voit la profperité.

Cependant il eft vrai qu'on ne peut me connoitre
Qu'au milieu de l'adverfité.

L'équipage néceffaire à un Amant.
Vous qui, fous l'amoureux empire,
Voulez vous donner tout entier
Ayez & foie, & plume & cire,
De bonne encre & de bon papier;
Car un Amant dont l'écritoire
N'eft pas toujours en bon état
C'est un homme cherchant la gloire
Qui vat fans armes au combat.

Maximes fur l'Amour,

Vous qui les hiftoriettes,
Lifez la nuit & le jour,
Sans favoir ce que vous faites,
Lorfque vous faites l'Amour,
Votre ignorance est extrême:
Mais fachez pour en fortir
Que l'Amour eft un defir
D'être aimé de ce qu'on aime.

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,

Si vous aimez une Coquette,
Qui foit infenfible à vos maux
Qui vous flatte, puis vous maltraite
Et vous accable de Rivaux:

Ne vous depitez point, quelque fot s'iroit pendre,
Ne vous rebutez point, vous la verrez changer.
Attendez l'heure du Berger;

Tout vient à point qui peut attendre.
Vous affurez d'un ton de maitre,
Que pour aimer il faut connoitre,
Voulez-vous favoir justement,
Ce qu'enfeigne l'experience?
L'Amour vient de l'aveuglement,
L'Amitié de la connoiffance.
Quand à l'amour je vous convie
Vous m'en demandez des leçons,
Il n'y faut pas tant de façons,
Ayez en feulement envie,

Amour faura bien vous former
Aimez & vous faurez aimer.

D'ordinaire, à la Cour, les cœurs font tourmentez
De l'amour & de la fortune :
A la ville fouvent on voit trop de beautez,
Pour être fort conftant pour une;
Mais dans un champêtre fejour
Le repos l'amour accompagne;
On aime mieux à la campagne
Qu'à la ville, ni qu'à la Cour.

Les femmes dont l'amour a de la violence,
N'aiment pas fort long-tems,

Les hommes dont l'amour a moins de vehemence,
Sont auffi plus conftans.

C'eft vouloir, pour parler en langue un peu commune,
Prendre la Lune avec les dents,

Que de vouloir en même tems
Faire l'amour & fa fortune,

Vous voulez qu'on vous trouve belle,
Cependant vous êtes cruelle,

Од

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