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D'an

dilly.

Des

Qui purges d'humeur mon cerveau,
Et mon efprit d'inquietude.

Tabac dont mon ame eft ravie,
Lors que je te vois perdre en l'air
Auffi promptement qu'un éclair,
Je vois l'image de ma vie.

Tu remets dans mon fouvenir
Ce qu'un jour je dois devenir,
N'étant qu'une cendre animée,
Et tout confus je m'apperçois,
Que courant après ta fumée,
Je paffe auffi vite que toi.

Ce que c'eft proprement que le Jeu.

Deguifer d'un beau nom fon ardente avarice,
Pour un plaifir trompeur accroître fes ennuis,
Paffer dans le défordre & les jours & les nuits,
S'emporter fans refpect fur le moindre caprice,
Entrer dans la fureur prefqu'à tous les momens,
Mêler à chaque mot cent horribles fermens,
Invoquer des démons la puiffance infernale,
Avoir le cœur en trouble & le vifage en feu,
Hazarder fon falut par une ardeur brutale,
Voilà ce qu'aujourd'hui le monde appelle Jeu.

Le joueur furieux.

L'avare & le prodigue ont le cerveau troublé, preaux. Dira, fans héfiter, ce Marquis fage & prude, Et qui fans ceffe au jeu, dont il fait fon étude, Attendant fon deftin d'un quatorze ou d'un sept, Voit fa vie ou fa mort fortir de fon cornet. Que fi d'un fort fâcheux la maligne inconftance Vient par un coup fatal faire tourner la chance, Vous le verrez bien-tôt les cheveux heriffez, Et les yeux vers le Ciel de fureur élancez, Ainfi qu'un poffedé que le Prêtre exorcife, Fêter dans fes fermens tous les faints de l'Eglife.

Qu'on

Qu'on le lie, ou je crains, à fon air furieux,
Que ce nouveau Titan n'efcalade les Cieux.

La femme adonnée au jeu

Hé que deviendrois-tu fi le Démon du jeu
Vérfant dans fon efprit fa ruineufe rage,

Tous les jours mis par elle à deux doits du naufrage,
Tu voïois tous tes biens au fort abandonnez
Devenir le butin d'un pique ou d'un fonnez?
Le doux charme pour toi, de voir chaque journée
De nobles champions ta femme environnée,
Sur une table longue & façonnée exprès
D'un Tournois de Baffette ordonner les apprêts:
Ou, fi par un arrêt la groffiere police
D'un jeu fi néceffaire interdit l'exercice,
Ouvrir fur cette table un champ au Lanfquenet,
Ou promener trois dez chaffez de fon cornet:
Puis fur une autre table avec un air plus fombre
S'en aller méditer une vole au jeu d'ombre:
S'écrier fur un as mal-à-propos jetté,

Se plaindre d'un gano qu'on n'a point écouté,
Ou, querellant tout bas le Ciel qu'elle regarde,
A la Bête gemir d'un Roi venu fans garde.
Chez elle en cet emploi l'aube du lendemain
Souvent la trouve encor les cartes à la main.
Alors pour fe coucher les quittant non fans peine,
Elle plaint le malheur de la nature humaine,
Qui veut qu'en un fommeil, où tout s'enfevelit,
Tant d'heures, fans jouer, fe confument au lit.
Toutefois en partant la troupe la confole,
Et d'un prochain retour chacun donne parole.
C'eft ainfi qu'une femme en doux amusemens
Sait du tems qui s'envole emploïer les momens;
C'eft ainfi que fouvent par une forcenée
Une trifte famille à l'hôpital traînée,

Voit fes biens, en décret fur tous les murs écrits
De fa déroute illuftre effraïer tout Paris.

Ceux qui s'adonnent au jeu deviennent ordinairement

fripons.

Les plaifirs font amers d'abord qu'on en abuse:

Des

preaux.

Mad.

Deshan

11 lieres.

Il eft bon de jouer un peu,

Mais il faut feulement que le jeu nous amuse,
Un joueur, d'un commun aveu,

N'a rien d'humain que l'apparence,
Et d'ailleurs il n'eft pas fi facile qu'on penfe,
D'être fort honête homme & de jouer gros jeu.
Le défir de gagner qui nuit & jour occupe
Eft un dangereux aiguillon.

Souvent quoi que l'efprit, quoi que le cœur foit bon,
On commence par être dupe,

On finit par être fripon.

Coup fatal au jeu du Piquet.

Confole moi, Marquis, d'une étrange partie,
Qu'au Piquet je perdis hier contre un Saint Bouvain,
A qui je donnerois quinze points & la main.
C'est un coup enragé qui depuis hier m'accable,
Et qui féroit donner tous les joueurs au Diable;
Un coup affurément à fe pendre en public.

Il ne m'en faut que deux, l'autre a befoin d'un pic.
Je donne; il en prend fix, & demande à refaire:
Moi, me voïant de tout, je n'en voulus rien faire.
Je porte l'as de tréfle, admire mon malheur,
L'as, le Roi, le valet, le huit & dix de cœur;
Et quitte, comme au point alloit la politique,
Dame & Roi de Carreau, dix & Dame de pique.
Sur mes cing cœurs portez la Dame arrive encor,
Qui me fait justement une quinte major:

Mais mon homme avec l'as, non fans furprise extrême,

Des bas carreaux fur table étale une fixieme,
J'en avois écarté la Dame avec le Roi;
Mais lui fallant un pic, je fortis hors d'effroi,
Et croiois bien du moins faire deux points uniques
Avec les fept carreaux il avoit quatre piques,
Et jettant le dernier, m'a mis dans l'embarras;
De ne favoir lequel garder de mes deux as.
J'ai jetté l'as de cœur, avec raifon me femble;
Mais il avait quitté quatre tréfles enfemble,

C

Et

Et par un fix de cœur je me fuis vû Capot,
Sans pouvoir de dépit proferer un feul mot.
Morbleu, fais-moi raison, de ce coup effroïable,
A moins que l'avoir vû, peut-il être croïable?

Sur le deffein qu'avoit une perfonne de fe marier.
En quoi Philis a-t-elle offenfé votre amour,
Depuis que fon merite a fû toucher votre ame,
Pour lui jouer l'indigne tour,
Que vous preparez à fa flame?

Vous ne fauriez, fans étre ingrat,

Ne lui pas conferver un cœur tendre & fidele;
Et cependant avec éclat,

Vous cherchez à changer pour elle.

Un reproche pareil vous doit inquiéter;
Si vous avez peine à comprendre;
Ce qui vous le fait meriter,

Il m'eft aifé de vous l'apprendre.

A l'aimable Philis il n'eft rien, dites vous,
Qu'à jamais votre amour avec plaifir n'immole,
Ét vous voulez vous faire fon Epoux;
Eft-ce là le moyen de lui tenir parole.
De la poffeffion les charmantes douceurs,
Dont le flateur efpoir vous occupe fans ceffe,
En faifant finir vos langeurs,
Affoibliront votre tendreffe.

Du feul bien qu'aujourd'hui vous pouvez estimer
Vous vous ferez un habitude:
Et dès que le devoir vous forcera d'aimer,
Le metier vous paroitra rude.

L'Amour, tant qu'il eft libre enchante nos efprits,
Et nous fait de fes maux une agréable afaire;
Mais il perd beaucoup de fon prix,

Sitôt qu'il devient néceffaire.

Qu'il foit maitre du bien qui l'a fait defirer,
Ce qu'il fe voit permis n'a plus de quoi lui plaire;
Et quand pour obtenir il n'a qu'à defirer,

Seş defirs ne le preffent guére.

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Pavillon.

En poffedant Philis, de vos plus chers defirs
Vous verrez l'attente remplie :

Mais vous en pouvez vous promettre des plaifirs;
Qui durent toute votre vie.

Trop content, & moins amoureux,
Pouvant tout en tout tems fur cet objet aimable;
A force de vous voir heureux,

Vous vous trouverez miferable.

Vous ne fentirez plus ces vifs empreffemens,
Qu'un tendre je vous aime, avant l'Hymen vous cause.
S'il fait le charme des Amans,

Pour les maris c'eft peu de chofe.

Philis a dû vous plaire; elle peut tout charmer,
Mais quelque fort pouvoir qu'elle ait pris fur votre ame
Si vous voulez toujours l'aimer
Ne la prenez jamais pour femme.

STANCES.

Sur un mal de tête.

Si c'est une vapeur de la region baffe,

Dont un jeune cerveau fouvent est embrasé;
Peu de chofe vous embarraffe,

Ce n'eft qu'une chaleur qui paffe;
Et le remede en eft aisé.

Accoutumez vous à l'usage

D'une prise de mariage,

Le foir avant votre fommeil :

Reiteretur au reveil:

Et fi le jour encor vous fentez quelque chofe,
'Appellez du fecours & redoublez la dofe;

Mais tout le monde en vain voudroit vous fecourir
Si le mal vient du cœur & vous porte à la tête,
Il faut vous refoudre à fouffrir;

Vous étes trop fidelle, Iris, pour en guerir.

STAN

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