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Sortez du fein des flots; la belle que j'adore,
Thémire en ces vallons doit paroître avec vous.
Je vais entre fes bras, en dépit des jaloux,

Gouter les dons qu'Amour pour moi feul fit éclore ; Momens trop attendus, momens délicieux,

Payez-moi tous les maux que m'ont fait ses beaux

yeux.

Parfumez ces lieux, fleurs brillantes,
Badinez avec les Zéphirs,
Faites fur vos tiges flotantes,
Le prélude de mes plaifirs.
Chantez mon bonheur par avance,
Attroupez-vous, petits oifeaux..
Ruiffeaux, allez en diligencé,
Le dire à mes triftes rivaux.
Arbres, à travers vos rameaux,
Laiffez voir aux Dieux ma victoire;
Que tous les témoins de mes maux
Le foient aujourd'hui de ma gloire.

L'aimable Lifidor triomphoit en ces mots,
D'un avant-goût charmant fon ame poffedée,
Careffoit fa fláteufe idée.

L'efpoir tranquillement le berçoit fur fes flots.
Quand l'Aurore à la fin déployant dans la nue,
Des tréfors d'Orient le fuperbe appareil,

Le furprit, le troubla, n'offrant point à fa vue,
Celle qu'il aimoit mieux revoir que le foleil.
Ah! cria-t-il tout haut, que vous tardez, Thémire!
Pareffeufe, arrivez, arrivez, ou j'expire.
Auriez-vous à l'Amour préféré le fommeil?

Zéphirs, volez vers ma Maîtreffe;

Peignez lui l'état de mon cœur.
Echos, rappellez-la fans ceffe,
En lui reprochant fa lenteur.

Thémire ne vient point encore,
Le fommeil s'en eft emparé.
Thémire,... ah! le chagrin dévore
Un cœur aux plaisirs préparé.

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Le teint frais, l'air riant, fimplement habillée,
La Bergére arrivoit à travers la feuillée;
Son nom qui réfonnoit dans l'air,
Etonna de fort loin fon oreille allarmée.
De haine & de dépit cette Amante animée,
Aux yeux de l'indifcret, s'offrit comme un éclair.
Adieu, dit-elle, adieu, montant fur la colline,
Et courant à grands pas vers la maison voisine;
Puifque des biens fondés fur un frivole espoir,
Ta voix a fçu parler aux Echos du bocage,
Perfide, s'ils étoient jamais en ton pouvoir,
Tu l'aurois bien-tôt dit aux Echos du village.
Amans, fur-tout foyez difcrets,
L'art d'aimer eft l'art de fe taire,
Craignez même que les forêts
N'apprennent le nom des objets,
A qui vous vous flatez de plaire.
Les ruiffeaux rouleront
Des ondes indiscrettes,
Les oifeaux chanteront
Vos douces amourettes,
Les fleurs comme autrefois,
Ceffant d'être muettes,
Retrouveront leur voix,
Pour conter vos fleurettes.

Portrait d'une belle femme.

Sa taille noble, riche & belle,
Et qui n'eft point d'une mortelle,
Se fait craindre d'abord & refpecter de tous;
Mais de fon gefte aifé la grace naturelle
A quelque chofe de fi doux,

Que l'amour auffi-tôt fait reffentir fes coups,
Et fe joint au refpect que l'on avoit pour elle.
Ses cheveux longs & noirs, luifans & déliez,
Par boucles répandus & galamment liez
Ombragent doucement la fraîcheur de fa jouë;
Là, de jeux, de ris & d'amours

Un effain folâtre fe jouë,

Et dans leurs beaux anneaux fait mille jolis tours.

Son

Son teint n'eft que de lys & de rofes vermeilles,
Où ces mêmes amours ainfi
que des abeilles

Sucent un miel délicieux,

Réfervé feulement pour la bouche des Dieux.

Ses yeux grands, doux & noirs ne fe peuvent décrire,
Et l'on ne les peut voir que le cœur n'en foûpire,
Qui mourroit accablé d'amour & de plaifir
S'il ne fe foûlageoit du moins par un foûpir.

Qu'on aime à reffentir les beaux feux qu'ils allument
Lorfque par leur préfence ils charment tous nos fens!
Mais, helas! dès qu'ils font abfens,

Que le pauvre cœur qu'ils confument Eprouve que ces feux font cruels & cuifans!

Sa bouche petite & vermeille

Eft d'un rouge animé qui n'eut jamais d'égal;
Ni les rubis ni le corail

N'on point une couleur pareille;
Auffi, comme on le peut juger,
La Nature judicieuse

La fit ainfi petite, afin de ménager
Une couleur fi précieuse.

Si quelquefois elle s'ouvre en riant,
On voit deux beaux filets de perles d'Orient
Egales, blanches & luftrées,

Et dont l'oeil avare est épris;

Elles font, il eft vrai, petites & carées,
Mais elles n'en font pas pourtant d'un moindre prix.

Pour vous, trop injuftes oreilles,
Qui refufez d'ouïr le recit de mes maux,
Bien que vous poffediez des beautez nom pareilles
Sans mélange d'aucuns défauts;
Puifqu'enfin vos rigueurs étranges
Sont caufe de tous mes malheurs,
Vous n'entendrez point vos louanges,
Que vous n'écoutiez mes douleurs.

Sa gorge, où le défir s'égare,
En deux petits monts fe fépare

C 2

L'un

L'un de l'autre affez éloignez;
Un importun voile les cache,
Qu'ils repouffent comme indignez
D'une contrainte qui les fâche.
Ses bras ronds, fermes & polis
Font honte à la blancheur du lys;
Ses mains font plus blanches encore,
Si ce n'est toutefois

Que vers le petit bout des doits
Un peu de rouge les colore;
Telle les a la jeune Aurore,

Quand de couleur de rofe elle peint le Levant;
Ou bien quand au matin fur le rivage More
Elle les lave en fe levant.

Pour les autres beautez dont Iris eft pourvûë,
Et qui compofent fon beau corps,
Ce font de précieux tréfors,

Qu'elle tient cachez à la vûë,

Avec le même foin que fous les beaux habits
La terre cache les rubis,

L'or & les diamans pour qui l'on l'importune,
Que fans beaucoup de peine on ne peut enlever;
Mais auffi qui font la fortune

De celui qui les peut trouver.

De toutes les beautez cet illuftre modelle,
Ce chef-d'œuvre achevé de la Terre & des Cieux,
Eft le riche Palais d'une ame encor plus belle,
Mais d'une ame femblable aux Dieux,
D'une ame toute de lumiere,

Qui connoît toute chofe, & fait tout enflâmer,
Et dont le feul défaut eft d'être un peu trop fiere
Et de ne favoir pas aimer.

Si vous étes jaloux, grands Dieux, de vôtre gloire,
Ne fouffrez plus en elle une tache fi noire,
Qui gâte de vos mains l'oeuvre le plus parfait;
Qu'Iris ceffe d'être inhumaine,

Et pour rendre accompli ce que vous avez fait,
Rendez-la fenfible à ma peine.

Chan

Chanfon à manger.

Quand j'ai bien faim, & que je mange,
Et que j'ai bien dequoi choifir,

Je reffens autant de plaifir,

Qu'en gratant ce qui me démange.
Cher ami, tu m'y fais fonger

Chacun fait des chanfons à boire,

Et moi qui me plais fort à branler la mâchoire

Je n'en veux faire qu'à manger.

Quand on fe gorge d'un potage
Succulent comme un confommé,
Si nôtre corps en eft charmé,
Nôtre ame l'eft bien davantage,
Auffi Satan le faux glouton

Pour tromper la femme premiere
N'alla pas lui montrer du vin ni de la biere,
Mais de quoi branler le menton.

Quatre fois l'homme de courage
En un jour peut manger son foû,
Et trop boire peut faire un fou
De la perfonne la plus fage.
A t-on vuidé mille tonneaux,
On n'a bû que la même chofe;
Au lieu qu'en un repas on peut doubler la dose
De mille differens morceaux.

Quel plaifir lors qu'avec furie
Après la bifque & le rôti
Un entremets bien afforti

Vient reveiller la mangerie?

Quand on dévore un bon melon,
Trouve-t-on liqueur qui le vaille?

O cher ami Damon, je fuis pour la mangeaille,
Et chante toûjours fur ce ton.

SONNE

Sur le Tabac.

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T.

D.

Oux charme de ma folitude,
Charmante pipe, ardent fourneau,
C 3

Μτ.

Lom

Qui bard.

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