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Des

A

MADRIGAL.

Sur une belle perfonne mais pauvre.

Maranthe riche en beauté,

Mais pauvre des biens de fortune,
Demande fes néceffitez,

D'une grace fi

peu commune,

Qu'il faut à fes attraits qui charmeroient les Dieux,
Ou qu'on ouvre la bourfe, ou qu'on ferme les yeux

Ce n'est que par l'Argent qu'on fe fait estimer
dans ce monde.

Quiconque eft riche et tout; fans fageffe il eft fage,
preaux. Il a fans rien favoir la fcience en partage.
Il a l'efprit, le coeur, le merite, le rang,
La vertu, la valeur, la dignité, le fang
Il eft aimé des Grands, il est cheri des Belles.
Jamais Sur-intendant ne trouva des cruelles.
L'or même à la laideur donne un teint de beauté:
Mais tout devient affieux avec la pauvreté.

Que fi l'éclat de l'or ne releve le fang

En vain l'on fait briller la fplendeur de fon rang.
L'Amour de vos ayeux paffe en vous pour manie,
Et chacun pour parent vous fuit & vous renie.
Mais quand un homme eft riche, il vaut toujours fon
prix;

Et l'eût on vu porter la mandille à Paris,

N'eût-il de fon vrai nom ni tître ni memoire,
D'Hofier lui trouvera cent ayeux dans l'histoire.
L'Argent, l'argent, dit-on, fans lui tout eft fterile,
La vertu fans l'argent n'eft qu'un meuble inutile.
L'argent en honnête homme érige un fcelerat.
L'argent feul au Palais peut faire un Magiftrat.
Qu'importe qu'en tous lieux on me traite d'infame,
Dit ce fourbe fans foi, fans honneur & fans ame,
Dans mon coffre tout plein de rares qualitez
J'ai cent mille vertus en Louis bien contez.

Eft

Eft-il quelque talent que l'argent ne me donne?
C'est ainfi qu'en fon cœur ce Financier raisonne.

L'Argent & les Richeffes ont banni la fimplicité
de nos premiers parens.

Jadis l'homme vivoit au travail occupé,
Et ne trompant jamais n'étoit jamais trompé.
On ne connoiffoit point la rufe & l'imposture.
Le Normand même alors ignoroit le parjure.
Aucun Rhéteur encore en rangeant le difcours
N'avoit d'un art menteur enfeigné les détours.
Mais fi tôt qu'aux humains faciles à feduire,
L'abondance eut donné le loifir de fe nuire;
La molleffe amena la fauffe vanité.

Chacun chercha pour plaire un vifage emprunté,
Pour éblouir les yeux la Fortune arrogante
Affecta d'étaler une pompe infolente.
L'or éclata par tout fur les riches habits.
On polit 'Emeraude, on tailla le Rubis;
Et la laine & la foie en cent façons nouvelles
Apprirent à quitter leurs couleurs naturelles.
La trop courte Beauté monta fur des patins.
La Coquette tendit fes laqs tous les matins,
Et mettant la cerufe & le plâtre en ufage
Compofa de fa main les fleurs de fon visage
L'ardeur de s'enrichir chaffa la bonne foi.
Le Courtifan n'eut plus de fentimens à soi.
Tout ne fut plus que fard, qu'erreur que tromperie
On vit par tout regner la baffe flatteric.

Le Parnaffe fur tout fecond en imposteurs,
Diffama le papier par fes propos menteurs.
Delà vint cet amas d'ouvrages mercenaires,
Stances, Odes, Sonnets, Epîtres Liminaires,
Où toujours le Heros paffe pour fans pareil,
Et fut-il louche ou borgne eft reputé Soleil.

La Beauté eft un bien fragile.

A quoi pensez-vous Uranie,
D'être fiere de vos appas; -

Des

preaus

De Lien

- CONY.

Mad.

Hé ne favez-vous pas,

Jufqu'où la mort porte fa tirannie?

Vous avez beau charmer, vous aurez le destin
De ces fleurs fi fraîches, fi belles,

Qui ne durent qu'un matin:

Comme elle vous plaifez, vous pafferez comme elles.

Ces appas, qu'en vous on admire,
S'en iront avec vos beaux jours:
Le tems qui fuit toujours,

N'épargne rien de tout ce qui refpire.
Malgré leurs yeux jadis fi brillans & fi doux
Life & Cloris ne font plus belles.

On les aima comme vous:

Comme elles vous plaifez, vous pafferez comme elles.
Pourquoi s'applaudir d'être belle?

Deshon Quelle erreur fait conter la beauté pour un bien?
A l'examiner il n'eft rien

lieres.

Qui caufe tant de chagrins qu'elle.

Je fai que fur les cœurs fes droits font abfolus,
Que tant qu'on est belle on fait naître
Des defirs, des tranfports & des foins affidus:
Mais on a peu de tems à l'être,

Et long-tems à ne l'être plus.

La Belle Matineuse.

'Au milieu d'un Bofquet, avant que dans les Cieux,
Le Soleil allumât fon flambeaux radieux,
J'allois & je coupois au hazard une Allée,
Où fans d'autres témoins qu'Amour & les Zephirs,
Plus d'une Belle s'eft coulée

Cent fois entre les bras des jeux & de plaifirs.
Sous le naiffant feuillage

Les Roffignols chantoient,

Mille Oifeaux écoutoient,

Et n'ofoient y mêler leur différent ramage;
Quand une jeune Nymphe avec un air badin,
Marchant d'un pas leger, vint s'offrir à ma vûe;
Les rofes & les lys fe jouoient fur fon teint,
Sa naïve blancheur faifoit honte au fatin,

Dont

Dont il fembloit qu'Amour lui-même l'eût vêtue.
Que d'appas! elle avoit fa houlette à la main,
Ses yeux étoient rians, fa gorge demi nue,
Annonçoit les beautez que receloit son sein.
Aux yeux de la jaloufe Flore,

feux.

Les lilas s'enflammoient, les jafmins amoureux,
Pour la voir s'empreffoient d'éclore;
Les fleurs ne refpiroient que tendreffe & que
Les plantes oublioient les charmes de l'Aurore,
Et paroiffoient s'entrepouffer,

Pour baifer & pour careffer

Les pieds & le jupon qui voltigeoient fur elles.
Quelle Déeffe Amour porte-t-il fur fes aîles,
Dis-je alors? Mais les Cieux n'ont point d'objets fi
beaux:

De fon éclat surprise, à travers les rameaux
Mes regards enchantés ne connurent Sylvie,
Que quand le Maître de ces lieux,
Celadon portant dans fes yeux

Le feu dont fon ame eft remplie,.
Lui dit en l'abordant, bel Aftre de ma vie,
Pardonnez, ou finon j'expire à vos genoux,
Sylvie; ah! dois-je ici n'arriver qu'après vous!
Eft-ce donc à Vénus d'attendre
Adonis qu'elle appelle à fes plaifirs fecrets,
Et Diane au fonds des forêts,
Avant Endimion a-t-elle dû fe rendre?

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La Belle en fentit l'atteinte,

Et crut qu'elle alloit mourir;
L'Amour, au bruit de fa plainte,
Vola pour la fecourir.

Deux Abeilles m'ont bleffée,
Dit-elle, en fondant en pleurs,
Voyez ma gorge offenfée:
Amour, vengez mes malheurs.
Frappé de cette aventure,
L'Amour ôta fon bandeau,
Et vit ce que la Nature
Fit au monde de plus beau.
Il touche, il baise, il s'enflamme,
Il pouffe un tendre foupir,
Et fur Iris il fe pâme,
De douleur & de plaifir.

Enfuite éffuyant fes larmes,
Avec fon bandeau léger:
Ceffe, dit-il, tes allarmes,
Je vais bien-tôt te venger.
Ouvrant fes aîles brillantes,
Le Dieu la laiffe un moment,
Pour attraper les méchantes,
Qu'il ramene promptement.
Nymphe aimable, dirent-elles,
Difpofez de notre fort:

Nos erreurs vous font cruelles,
Et nous méritons la mort.
Sçachez-en l'unique caufe:
J'ai crû, lui dit l'une, Iris,
Succer un bouton de rofe,
Moi, reprit l'autre, des lys.

L'INDISCRETIO N.

R Eine des airs, pompeuse Aurore,

Que vous reftez long-tems au lit d'un vieux époux!

Sos

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