Les Dames ont fourni maint autre exemple en Grece, Que celles de Paris ne fuivent que trop bien. Ce que j'en dis n'eft pas un effet de ma bille; C'est bien fait de mêler l'agréable à l'utile: Si l'honnête en étoit ce feroit encor mieux; Mais ce n'eft pas ici le fujet que je traitte; J'y reviens: Laïs donc, jeune, belle, & coquette, Faifant un revenu du pouvoir de fes yeux, Bien-tôt de fes Amans vit une Cour complette; Et quoi qu'elle vendit cherement ses faveurs, Tant étoient fes appas de la Raifon vainqueurs, Qu'on n'en regrettoit point l'emplette. Or parmi ce nombre d'Amans, Que Lais avoit dans fes chaines, Un vint fe mettre fur les rangs, Ce fut le fameux Demofthene, Philofophe, Orateur, mais ménager du tems, Et voulant promptement mettre fin à fes peines, Il fupprima les longs foupirs
Et tous ces menus foins par Et reduifit fa rethorique
A faire ainfi connoitre fes defirs.
,, Depuis deux ou trois jours, je vous aime, ma belle; ,, Je fuis jeune, & d'ailleurs affez propre à l'amour;
Vous, vous aimez l'argent, & fans plus long detour, La derniere faveur combien me coutera-t-elle ?
Lais à ce difcours étalant fes attraits,
Je fuis de cette humeur aife de vous connoitre, Voilà, dit elle, à l'offre près,
Un compliment de petit-Maitre :
Comme vous je fuis franche autant qu'on le peut être, Il femble que le ciel exprès,
L'un pour l'autre nous a fait naitre : Je ne veux point trop vous laiffer fouffrir: Et s'il eft vrai que je puiffe vous plaire, Et que votre ardeur foit fincere
Moyennant un Talent j'ai de quoi vous guerir. Un Talent! vous n'êtes pas fage,
Repond cet Orateur, vous n'y fongez pas bien: S'il vous plaît, dites moi combien,
A couté votre Pucellage?
pas là le fait, je veux cinq-cens écus, Dit, Laïs, ou n'en parlons plus:
Et moi, dit il, je veux pour cette fomme, Remplir Corinthe de cocus;
Or fus je ne fuis pas votre homme; , Une duppe à ce prix pourroit fe divertir Vous en trouverez à votre âge; Mais un Philofophe bien fage, N'achete fi cher un repentir.
THETIS ET PELÉ E.
Rès de l'humide Empire où Venus prit naiffance. Dans un bois confacré par le malheur d'Atis, Le Sommeil & l'Amour tous deux d'intelligence A l'amoureux Pelée avoient livré Thetis.
Qu'eût fait Minerve même en cet état reduite? Mais dans l'art de Protée en fa jeunefle inftruite Elle fut éluder un Amant furieux.
D'une ardente Lionne elle prend l'apparence; Il s'émeut. Et tandis qu'il fonge à fa defence, La Nymphe en rugiffant fe derobe à fes yeux. Où fuyez vous, Deefle inexorable, Cruel Lion de carnage alteré?
Que craignez vous d'un Amant miferable. Que vos rigeurs ont déja dechiré?
Il ne craint point une mort rigoureuse: Il s'offre à vous, fans armes, fans fecours; Et votre fuite eft pour lui plus affreuse, Que les Lions, les Tigres, ni les Ours.
Ce Heros malheureux exprimoit en ces mots Sa honte & fa douleur extrême
Quand tout à coup du fond des flots Protée apparoiflant lui-même
Que fais tu, lui dit il, foible & timide Amant? Pourquoi troubler les Airs de plaintes éternelles? Elt-ce d'aujourd'hui que les Belles
Ont recours au deguifement?
Repare ton honneur. La Nymphe qui te charme
Va rentrer dans le fein des Mers.
Attens là fur ces bords. Mais que rien ne t'allarme, Et fonge que tu dois Achille à l'Univers.
Le Guerrier qui delibere
Fait mal fa cour au Dieu Mars. L'Amant ne triomphe guére S'il n'affronte les hazards. Quand le peril nous étonne N'importunons point les Dieux. Vénus ainfi que Bellone
Aime les audacieux
Pelée à ce difcours portant au loin la vue, Voit paroitre l'objet qui le tient fous fes loix: Heureux, que pour lui feul l'occafion perduc Renaiffe une feconde fois!
Le cœur plein d'une noble audace Il vole à la Deeffe, il s'approche, il l'embrasse. Thetis veut fe défendre: & d'un promt changement Employant fa rufe ordinaire,
Redevient à fes yeux Lion, Tigre, Panthere; Vains objets, qui ne font qu'irriter fon Amant Ses defirs ont vaincu fa crainte
Il la retient toujours d'un bras Victorieux Et laffe de combattre, elle est enfin contrainte De reprendre fa forme, & d'obeïr aux Dieux. Amans, fi jamais quelque Belle, Changée en Lionne cruelle, S'efforce à vous faire trembler; Mocquez-vous d'une image feinte: C'est un fantôme, que fa crainte Vous prefente pour vous troubler.
Ce n'eft pas l'Amour qui deplait.
Il n'eft point aujourd'hui de Belle raisonnable Qui fe fache de voir adorer fes appas; Et lors que fa rigeur fait quelque miferable, Ce n'eft pas que l'Amour ne lui foit agreable, C'eft que l'Amant ne lui plait pas.
I vous croyez que ma conftance Ne puiffe jamais vous toucher, Philis n'abufez plus de ma perfeverance, Et fachez que le tems m'eft cher
Sondez bien votre coeur fur ce qu'il pourra faire; Voyez s'il peut ou non appaiser mes douleurs; Après cet examen, fi je ne puis vous plaire, Permettez moi de me pourvoir ailleurs. Le foible expoir qui m'entretient
Ma fait, jufques-ici furmonter ma souffrance; Mais dans une telle efperance
Le tems fe paffe & la mort vient.
Ainfi mes jeunes ans pourroient s'évanouir
Dans des attentes vaines,
Et je n'aurois après, pour tout fruit de mes peines Que la perte du tems dont je devois jouir.
Quand je parle d'être volage,
Je fçai que vous avez l'orgueil De croire que d'un feul coup d'œil Vous m'obligerez bien à changer de Langage. L'autorité poutant eft une foible amorce, Pour vous affurer de mon cœur, L'on n'a rien de lui par la force, Et l'on a tout par la douceur. Vous n'étes pas une beauté commune Chacun le fait, mais fans vous offencer, Il s'en pourroit encore trouver quelqu'une, Dont en cas de befoin l'on pourroit fe paffer. Enfin Philis, la longeur me deplait, Sans remettre à votre ordinaire, Voyez fi juftement je ferois votre fait, Comme vous feriez mon affaire.
Ne perdons plus de tems en difcours fuperflus; Confultez vous bien & pour caufe,
Car pour determiner la chofe,
Je ne puis vous donner qu'une heure tout au plus.
EHEU FUGACES
Poftume, Poftume, &c.
pofthume, de nos ans que la fuite eft legere! Que la mort indomptée, & la vieilleffe austere! Avancent vers nous à grands pas!
L'éclat de la vertu, que dans Rome on revere, Ne les touchera pas.
Vainement tes defirs pieux & legitimes, Tacheroient de flechir, par cent mille victimes, Du Dieu des morts le cœur d'airain: Geryan & Titye au fond des noirs abymes, Le reclament en vain.
Il les tient enfermez par cette eau detestable, Dont à chaque mortel, innocent ou coupable, Né Berger ou du fang des Rois,
Le paffage terrible autant qu'inevitable N'eft permis qu'une fois.
Envain on fuit de Mars la main enfanglantée, Et des vents du Midi la vapeur empestée, Il faut defcendre chez les morts.
Du Cocyte il faut voir l'eau noire & detestée Et fes funeftes bords.
Il faut te féparer de ton Epoufe aimable, Et de cette maison, de ce bois agreable, Que les fiécles firent exprès.
Tu n'en remporteras, poffeffeur peu durable Qu'un funébre Cyprès.
Un heritier alors, plus heureux & plus fage, Fera de tes tréfors un magnifique ufage, Repandra des flots de vin vieux,
Qu'avoit fous cent verrouils confervé d'âge en âge, Le foin de tes aycux,
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