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Le fecret de vivre heureux.

A quoi bon former tant de vœux
Pour les biens, les honneurs, la gloire?
Veut-on vivre toujours heureux ?
Il faut toujours aimer & boire.
Avec toi, charmant Dieu du vin,
Regne une éternelle allégreffe;
Le pouvoir de ton jus divin
L'inspire même à la vicillesse.
Aimez, & pour qu'à nos défirs,
La Raifon fi fouvent rebelle,
Ne puiffe troubler vos plaisirs,
Accordez l'Amour avec elle.

Je plains celui qui n'est qu'Amant.
Prenez plutôt Bacchus pour Maître :
On peut-être heureux en aimant,
En buvant on eft fûr de l'être.

Mais voulez-vous qu'aucun retour
Ne trouble un état fi paifible?
Aimez & buvez tour à tour,
Votre bonheur eft infaillible.

Le frere & la fœur.

Mon cher frere, difoit Silvie,
Si tu quittois le jeu que fe ferois ravic!
Ne le pourras-tu point abandonner un jour?
Oui, ma foeur, j'en perdrai l'envie
Quand tu ne feras plus l'Amour.

Va, méchant, tu joûras, tout le tems de ta vie.

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M. le Blanc.

Le Chevalier de

Cailli.

Le même.

La Femme fe réserve le droit de fe vanger.
Sous les loix de l'Himen une fois affervis,
Il faut à fes befoins fournir le néceffaire,
Et l'imprudent Epoux qui repugne à le faire,
Bien-tôt de cent chagrins voit fes refus fuivis.
C'est un ordre établi. La femme qui s'engage,
En fignant l'inftrument de font trifte efclavage,
Se referve en fecret le droit de fe vanger;
Et fi du foible Epoux Pimpuiffante tendreffe,
Manque de fatisfaire à l'ardeur qui la preffe,
Auffi-tôt elle appelle un fecours étranger.

L'Amour ancien & moderne.

Pour filer le parfait Amour,

Il falloit de trop grands mifteres.
L'ufage a retranché ces longs préliminaires,
Et l'on peut commencer & conclure en un jour.
Des affiduités les longueurs importunes,

Trahiffoient nos fecrèts, detruifoient nos fortunes;
Des ennemis couverts nous expofoient aux coups.
Commencer par la Jouiffance

C'eft prévenir la Médifance,
Affurer fon bonheur & tromper les jaloux,

Suite du même.

Quand d'un amant qui plait, on fait les fentimens,
Que fes empreffemens reveillent la tendreffe,
Et que pour lui le coeur en fecret s'intereffe,
Il faut fans balancer, fuivre fes mouvemens.
Les faveurs autrefois malgré l'impatience,
Etoient le fruit tardif de la perfeverance;
L'on revient aujourd'hui de cette vieille erreur.
L'on cede à fon Amant, fans avoir de foibleffe;
Il n'eft plus qu'à ce prix fidele à fa maîtreffe,
Et l'on veut que le corps, foit le garant du cœur.
Le mal des autres, éloigné de nous, nous donne
quelque plaifir.

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Quand on eft fur le bord à l'abri de l'orage,
On fent, à voir l'horreur du plus trifte naufrage;
Quelque chofe de doux,

Non

Non que

le mal d'autrui foit un objet qu'on aime, Mais nous prenons plaifir à voir que ce mal même Eft éloigné de nous.

Il n'eft point d'amour fans efperance, ni fans crainte.

Amans, tant que vous aimerez,
Vous craindrez, vous espérerez;
Malgré toute votre prudence,
Lorfque l'on peut-être un feul jour
Sans crainte ni fans efperance,
On fe peut dire fans amour,

Ar

Epitaphe joyeuse.

Cher objet de ma pitié,

Reçois de moi, chere moitié,

Ce tombeau, qu'aucun ne t'envie,

Je dois, bien juftement, te rendre cet honneur,

Car le dernier jour de ta vie

Fut le premier de mon bonheur.

Epigramme fur Charlotte.

Pour vous bien parler de Charlotte,
Amon gré ce n'eft qu'une fotte,
On en peut faire un jugement certain.
Elle eft trop douce, elle eft trop rude,
Elle en fait trop pour être prude,

Et trop peu pour être Catin.

L'Amour & la Haine.

J'aime & je hais: toujours à moi-même contraire,
Je veux au même objet & du bien & du mal;
Je cherche à l'outrager, & je voudrois lui plaire,
Et tel eft de mon coeur l'égarement fatal,
Que je ne fuis jamais d'accord avec moi-même.

Je ne fçais comme quoi,

Des tranfports fi divers ont pû s'unir en moi;
Mais je fouffre un tourment extrême
Et je fçais feulement, que je hais & que j'aime.)

Mă, la
Бијо

Charpen fier.

Les A

Pours de
Catulle.

La jaloufie de Flore.

Iris, apprenez la raison,
Pourquoi dans l'aimable saison,
Où la Nature fe pare

De tout fon émail le plus rare,
On voit auffi peu de fleurs

Que fi l'hiver encor exerçoit fes rigueurs.
Hier, j'en cherchai pour vous, dans l'empire de Flore,
Mille fleurs auffi-tôt fe haterent d'éclore,
Et je vis à l'envi voler entre mes mains,
Lys, Rofes, Oeillets & Jasmins.

Flore envain s'oppofoit à ces nouveaux miracles,
Mourir auprès de vous

Leur paroiffoit fi doux,

Qu'elles furmontoient tous obftacles.
La Déeffe enfin s'irrita:
Zephire, vangez-moi, dit-elle,

Des honneurs que reçoit une Beauté mortelle.
Zephire à la vanger auffi-tôt s'apprêta,

Et d'un foufle rapide animant fon haleine,
Vint enlever les fleurs, dont ma main étoit pleine.
Je vis avec plaifir ce bizarre couroux,

Et Flore fuccombant à ce chagrin frivole,

Eft un honneur pour vous

Qui vaut mieux que les fleurs que fon Amant me vole.

Dire du mal, ce n'eft pas hair.

Que Lesbie eft trompée!

De moi feule occupée,

Elle croit me haïr, lorsqu'elle en dit du mal,
Aveuglement fatal!

J'en ufe à fon égard de même:

Mais je meure, fi je ne l'aime.

La force de l'Amour.

Dieux! quel eft le charme fatal,
Qui m'attache à Sylvie?

Quand elle quitteroit mon trop heureux rival,

Je

Je n'oublirois jamais fa noire perfidie,
Et quand l'ingrate enfin m'arracheroit la vie
Je ne lui voudrois point de mal.

Sur le même fujet.

Trahi, perfécuté,

Malgré les vains éclats, où mon cœur s'est porté,
J'ai toujours aimé ma Sylvie
Si je l'avois haïe,

Pourrois-je, en ce moment,
L'aimer fi tendrement?

Amusemens d'Adam & d'Eve.

Adam, pour faire treve avec fes douleurs,
Careffoit quelque fois fa femme,
Et cherchoit des plaifirs qui lui touchaffent l'ame,
Dans la fource de fes malheurs.

Eve de fon côté, qui n'étoit point tygreffe,
De fon facile Epoux connoiffant la foibleffe,
Pour divertir des maux, qu'elle même avoit faits
Se fervoit de tous fes attraits.

Et pour

Dans cette heureuse intelligence,
Ils prenoient tous deux patience,
l'entretenir, cultivoient un jardin.
La femme fut alors un mal bien néceffaire.
Dans un fi trifte état pour bannir fon chagrin,
Sans les plaifirs d'amour qu'Adam eût il pû faire?
Helas! il n'avoit point de vin.

Les deux fœurs.

Par des foins affectés, amufer une Belle,
Se rendre, fans l'aimer, le Maître de fon cœur,
Et tandis qu'en fecret l'on careffe la Sœur,
Lui faire des fermens que l'on n'adore qu'elle.
C'est bien jouer fon rôle, & favoir fon mêtier,
Mais ne répondre à fa tendreffe,

Que par quelques poulets, quelle vaine promeffe!
Tandis que l'on fe donne à l'autre tout entier,
C'eft avoir l'ame un peu tigreffe.
Jeune fille que l'Amour preffe,

Ne

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