Le Mari & la Femme qui ne veulent pas mourir.
Ur leurs fantés un Bourgeois & fa femme Interrogeoient l'Operateur Barri, Lequel leur dit: pour vous guerir, Madame, Baume plus fur n'eft que votre mari: Puis fe tournant vers l'époux amaigri Pour vous, dit-il, femme vous eft mortelle; Las! dit alors l'époux à fa fémelle,
Puis qu'autrement nous ne pouvons guerir, Que faire donc ? Je n'en fçai rien, dit-elle, Mais, par faint Jean, je ne veux point mourir.
Sur un Curé prêt à perdre un œil.
Par trop bien boire, un Curé de Bourgonne
De fon pauvre œil fe
Un Docteur vient.
trouvoit déferré,
Voici de la befogne
Pour plus d'un jour. Je patienterai.
Ça: vous boirez.... Hé bien foit, je boirai. Quatre grands mois.... Plutôt douze, mon Maitre, Cette ptifane. A moi? reprit le prêtre.s
Vade retro. Guérir par le poison?
Non, par ma foif. Perdons une feneftre,
Puifqu'il le faut, mais fauvons la maifon.
Ce n'eft qu'aux champs qu'Amour eft fans feintife,
Toujours enfant, il n'y paroît que nud; Mais à la Cour, toujours il fe déguise Changeant fa voix & fon air ingénu. Ce font deux Dieux, l'un difcret, retenu, Fidele, craint de fe faire connoître; L'autre volage & charmé de paroître Aux yeux de tous fait briller fon flambeau. Qui le voudra, ferve ce dernier Maître: Je veux fervir l'autre jufqu'au tombeau.
Projet flatteur de jouir d'une Belle,' Soins concertés de lui faire la cour, Tendres écrits, fermens d'être fidele Airs empreffés, vous n'étes point l'Amour, Mais fe donner fans efpoir de retour; Par fon defordre annoncer que l'on aime, Respect timide avec ardeur extrême Perfeverance au comble du malheur, Dans fa Philis n'aimer que Philis même, Voilà l'Amour, mais il n'eft qu'en mon cœur.
Les Baifers payés differemment.
Philis plus avare que tendre, Ne gagnant rien à refufer, Un jour exigea de Leandre Trente moutons pour un baiser, Le lendemain feconde affaire, Pour le Berger le troc fut bon, Il exigea de la Bergere
Trente baifers pour un mouton. Le lendemain Philis plus tendre, Craignant de moins plaire au Berger, Fut trop heureuse de lui rendre, Tous les moutons pour un baifer
Le lendemain Philis peu fage Voulut donner moutons & chien Pour un baifer que le volage A Lizette donna pour rien.
Pallas ayant vu l'autre jour A Sparte la Mere d'Amour, Harnois au dos, & cafque en této Çà, lui dit-elle brufquement, Viens, combattons prefentement, De mon côté me voici prête. Le ton fans doute eft un peu fier
Lui dit Venus fans être emue, Dans l'état où je fuis peux tu me défier Moi, qui t'ai fu vaincre étant nue.
Traduction de l'Epitaphe de M. Santeuil, par M. Rollin.
Ci-git, que la France regrette,
Du Parnaffe Chrétien le célebre Poëte,
Santeuil, qui fut d'une autre voix
Chanter les fontaines, les bois,
Les Heros... Mais que fert ce travail à fes Manest L'eftime des humains, de fon mérite épris,
Peut fuffire à fes vers profanes:
Dieu de fes vers facrés feul eft le digne prix.
D'un air riant un jour de Paffion,
Aminte ouït la prédication.
Le jour de Pâque Aminte y parut trifte,
D'où vient cela? C'eft qu'Aminte au Sermon Le Vendredi près d'elle avoit Ariste.
Mais y fut-il le jour de Pâque? non.
Souvent on glane quand on croit moissonner.
L'Amant fincere & fecret.
Je fuis à tous égards, fort honnête & fincere,"
Sur tout dans un tendre mistere.
Philis, je fuis alors mille fois plus fecret
Que le mortel le plus difcret.
Fiez-vous en à ma parole,
Et fongez que le tems s'envole,
Que nos jours les plus beaux feront bientôt paffés Philis, belle Phills, c'eft vous en dire affez.
Moliere. J'ai fenti de l'eftime & de la complaifance; De l'amitié, de la reconnoiffance; De la compaffion les chagrins innocens M'en ont fait fentir la puiffance,
Mais je n'ai point encor fenti ce que je fens: Je ne fçais ce que c'eft, mais je fçais qu'il me charme, Que je n'en conçois point d'alarmes:
Plus j'ai les yeux fur vous, plus je me fens charmer; Tout ce que j'ai fenti n'agiffoit point de même, Et je dirois que je vous aime,
Seigneur, fi je favois ce que c'eft que d'aimer.
Pour éteindre le feu de l'Amour,
Vos injuftes rigueurs m'ont reduit aux abois; Auprès de vous toute efperance eft vaine; Enfin cédez, trop aimable Climenne, Vous me voyez pour la derniere fois : Mais non, vous n'aurez pas la gloire; De voir finir mes jours,
Je ne fuis pas fi fou. Ma foi je veux tant boire Que j'éteindrai le feu de mon amour.
Bacchus l'Amour de concert.
Que cet hiver fera pour moi terrible, A mes foupirs Iris eft infenfible pour comble de maux, helas! Mes raifins ne mûriffent pas.
Pour m'accabler de la plus rude peine Avec l'Amour, Bacchus eft de concert, L'un me contraint d'aimer une inhumaine, Et l'autre me condamne à boire du vin vert.
Rere Jean l'autre jour mourut de la gravelle. Et foudain aux enfers fon ame devala.
Un Démon, qui pour lors étoit en sentinelle, Le voyant approcher, lui cria, qui va là! Un Prêtre, répondit cette ame criminelle. Alte, dit le Démon, alte, arrêtez-vous là, Je vais au Caporal en porter la nouvelle, Qui, me poftant ici, m'a commandé cela. Le Prêtre fur cela, voulant forcer la porte, Le Caporal s'avance, & lui dit de la forte, Prêtre, retirez-vous, fachez qu'en ce bas lieu. Vous ne pouvez entrer ni vous ni vos femblables Car puifqu'étant la haut vous mangiez vôtre Dieu Quand vous feriez ici vous mangeriez les Diables. Caractere du veritable ami.
Toujours de l'amitié la douceur eft la même, L'Abbt Toujours fait un ami, vous plaire, s'il vous aime, de Vil- A vos moindres befoins toujours prêt d'accourir, liers. Il ne garde fes biens que pour vous fecourir. Si fon cœur quelques fois à la gioire fenfible, Court du brillant honneur la carriere pénible, Vous partagez l'éclat qu'il en peut recueillir, Et fa gloire fur yous vient toujours rejaillir. Votre ame eft allarmée, il vient a vos allarmes; Vous pleurez, par fes pleurs, il confole vos larmes, Et toujours prêt pour vous de tout facrifier, Il fait vous donner tout, tout faire, & oublier. Image de la Vie.
Tantôt, èrrant dans les prairies, J'étudiois, au bord des ruiffeaux Dans l'éternel cours de leurs eaux, Le cours abbregé de nos vies; Comme l'un par l'autre pouffés, Mille & mille flots font paffés, Sans qu'il en refte nulle trace; Ainfi d'un cours précipité,
Tous les hommes de race, en race, 3'abîment dans l'éternité.
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