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M. 6

Brun.

Damon.

Si le mien refifte à l'Amour,

C'est à Bacchus qu'il faut s'en prendre.

Un Guerrier à fa Maîtresse.

C'eft à l'Amour qu'il faut s'en prendre,
Si mon ame, à fes traits vainqueurs,
Fût contrainte à fe rendre :

Si mon départ caufe des pleurs,

C'eft au Dieu Mars qu'il faut s'en prendre.
Un Mari à fa Femme.

C'eft à l'Amour qu'il faut s'en prendre,
Si l'on voit des coeurs s'engager,

Sans pouvoir s'en défendre:

Si l'on en voit fe dégager,

C'eft à l'Himen qu'il faut s'en prendre.

Sur le retour d'un mari abfent, qui avoit
une belle femme & de bon vin.

En finiffant votre absence,
Finiffez notre tourment;
Rempliffez notre esperance,
Et revenez promptement.

Par quelle raifon cruelle
Différer votre retour?
En ces lieux tout vous appelle;
Rendez-vous à notre amour.

Le bonheur le plus aimable
S'offre à vous, & tout vous rit;
Bacchus vous attend à table,
Venus vous attend au lit.

Miferes de l'homme.

Qui peut t'enfler le cœur? conçu dans le péché,
Tes larmes en naiffant font ton premier fupplice;
Ta vie eft un travail, où fans ceffe attaché,
Tu creufes de la mort enfin le précipice.

Differente deftinée des hommes.

Les crimes des Mortels ont un deftin extrême,
L'un conduit au Gibet, & l'autre au Diadême,,
Belle leçon donnée aux Femmes.

Le tems alterera ton visage charmant,
Et fillonant ton front gravera fon empire:
La vieilleffe cruelle, approchant à pas lent,
Detruira la Beauté que notre cœur defire.
Sentimens bas de Mecenas

Rendez moi boiteux & manchot,
Torticolli, boffu, ragot,

Que je fois borgne, ou dumoins louche,
Que mes dents branlent dans ma bouche,'
Pourvû que je vive en effet,

Je fuis encor trop fatisfait.

Bouquet.

Vos yeux font des filoux, je vous le dis tout net:
Je voulois vous donner mon cœur pour un bouquet,
Ils me l'ont dérobé, que faut-il que je faffe?
Je n'irai point cueillir des fleurs fur le Parnaffe;
Car je n'en fçais pas le chemin:

Je vous donne votre larcin.

L'Oracle de Vulcain.

Fils du Maître des Dieux, toi, qui forges la foudre,
Qui met fes ennemis en poudre,
Vulcain, dont l'époufe eft toujours charmante & belle,
Confeille moi dans mes amours,
Je veux être l'époux d'une aimable pucelle
Qui n'a pas vû quinze Printems.
Je fuis dans l'hiver de mes ans,
Ils font écrits fur mon vifage,
N'est-ce pas un facheux présage?
Tu ris, tu ne me repons rien,

Je comprens que mon fort sera semblable au tien.

Benferade.

Mle.

Sainton

ge.

Idem.

Mle.
Sainton-

ge,

Difference de deux Prédicateurs.

Gregoire, ce fameux & grand Prédicateur,
Caufoit avec Martin fur la belle maniere

Qu'en chaire il faut avoir pour toucher & pour plaire.
Ce dernier, moins bon Orateur,

Prit la liberté de lui dire,

Que dans le Monde, on trouvoit à redire
Qu'il n'avoit pas des airs affez flatteurs,
Et qu'il faifoit la moue à tous fes Auditeurs.
Nous fommes donc, lui repliqua Gregoire
Fort differens vous & moi, fur ce fait,
Je fais la mouë à tout mon auditoire,
Et tout le vôtre vous la fait.

On fe laffe moins des peines que des faveurs.
Souvent de trop douces chaînes
Font relacher bien des coeurs,
Ils fe laffent moins des peines
Que des plus tendres faveurs.

FABLE.

La Femme & la Chenille.

Chenille, vilain Animal,

Qui dans les bois nous importune,

Qu'à nos arbres tu fais de mal!
Ah Dieux! je crois en fentir une.
La Chenille ayant entendu
Ce que la Femme difoit d'elle,
Sans fe facher a repondu :
Ma laideur n'est pas éternelle;
Bien-tôt changée en Papillon
J'aurai des couleurs admirables,
Du bleu, du blanc, du vermillon;
Et je ferai des plus aimables.
Plus d'une Dame à ce qu'on dit,
Eft de moi l'image parfaitte,
Chenille au fortir de fon lit,
Papillon après fa toilette.

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A une Demoiselle le jour de St. Denis, fa Fête.

Vous imitez fort bien, foit dit fans vous déplaire, Rousseam La charité fervente & le zele exemplaire

Du faint & célebre Patron,

Dont on vous a donné le nom.

Nos Climats à fa gloire ont fervi de théatres
Son zele y renverfa le culte des Païens :
Mais vos yeux font plus d'Idolatres
Qu'il ne fit jamais de Chrétiens.
Et j'admire la Providence,

D'avoir en divers tems placé votre naiffance:
Car fi l'on vous eût vus vivans en même lieu
On eut perdu le fruit de fes foins charitables.
Vous euffiez fait donner au Diable,
Tous ceux qu'il fit donner à Dieu.

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Sur des Journalistes qui critiquoient mal à proposi
Petits Auteurs d'un fort mauvais Journal,
Qui d'Appollon vous croyez les Apôtres,
Pour Dieu, tachez d'écrire un peu moins mal,
Ou taifez-vous fur les écrits des autres.
Vous vous tuez à chercher dans les nôtres
De quoi blamer, & l'y trouvez très-bien.
Nous au rebours, nous cherchons dans les vôtres
De quoi louer, & nous n'y trouvons rien.
Ne point offencer les mauvais.

Avec les gens de la Cour de Minerve
Defirez-vous d'entretenir la paix?
Louez les bons, pourtant avec referve:
Mais gardez vous d'offencer les mauvais.
On ne doit point, pour femblables méfaits
En Purgatoire aller chercher quittance;
Car il eft fur qu'on ne mourut jamais,
Sans en avoir fait double pénitence
Secours mutuels de l'Amour & du Vin,
Entre le vin & la tendreffe
Partageons nos vives ardeurs,
Aimons, buvons, livrons nos cœurs
Aux tranfports d'une double yvresse.

M. le

Bruna

Sans

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Sans Bacchus l'Amour devient froid;
Sans l'Amour Bacchus eft de même:
Le vin n'eft bon qu'autant qu'on aime,
L'Amour n'eft vif qu'autant qu'on boit.
Que de la chaine la plus belle
L'Amour vienne ici nous unir ;
Qu'il eft doux de le voir venir,
Lorfque c'eft Bacchus qui l'appelle.

A une Belle, mais debauchée.
Qui te voit, Life, eft enchanté;
Mais ta conduite méprifable
Détruit l'effet de ta beauté;
Sans vertu peut-on être aimable.
Par la maniere dont tu vis,'
Tu rencheris fur ton modele;
Si j'en crois l'Hiftoire, Laïs
Fut moins vicieufe, & moins belle.

Ceffe, Life, de préfumer,

Et de dire que je t'adore

Je fuis incapable d'aimer

La beauté qui fe deshonnore,

Difference du vieil amant & du jeune.

Pavillon. Un Barbon amoureux d'une jeune perfonne,
Paye toujours fort mal les plaifirs qu'on lui vend;
Et le jeune homme, bien fouvent,
Fait trop acheter ceux qu'il donne.

Pavillon

La Vieilleffe avare du tems.

C'eft envain que la jeune Iris,
Pour m'obliger d'être plus fage,
Me fait fouvenir de mon âge,
Et me montre mes cheveux gris;
Suivant l'avis de cette belle,
Je pourvois bien me contenir,
Si je voyois dans l'avenir,
Autant de tems à perdre qu'elle.

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