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Le Che

valier de Cailly.

M. le
Brun.

Idem

Fit deux moitiés, & rompit le modelle.
Voilà d'où vient qu'à fa moitié jumelle
Chacun de nous brule d'être rejoint.
Le cœur nous dit, ha, la voilà! c'eft elle.
Mais à l'épreuve, helas ce ne l'eft point.

Le Barbier qui ne fait pas fon mettier.
Vous me coupez, Barbier, tout beau :
Qui le poil, repond la Fontaine.
Mon poil eft donc cette femaine,
Auffi fenfible que ma peau.

Le Barbier qui à la main tremblante.
Ecorcheur, qui fur mon visage,
Fais ton cruel aprentiffage,

Pourquoi trembles tu ? C'est à moi
De trembler, ce n'est pas à toi.

Difference entre les biens faits d'un ami
les faveurs d'une maîtresse.

Quand un ami tendre & fincere
Previent & comble vos fouhaits,
Il faut publier fes bienfaits.
C'eft être ingrat que de fe taire.
En Amour, c'eft une autre affaire,
Il faut favoir diffimuler.

Les faveurs veulent du miftere,
C'eft être ingrat que de parler.

Le vuide & le plein.

Sur le vuide & le plein, des Sçavans l'autre jour,
Avec beaucoup de peine expliquoient leur pensée:
Gregoire étoit prefent; la Troupe embaraffée
Conjure le Buveur de parler à fon tour:

Auffi-tôt Gregoire decide.

Meffieurs, dit-il, je veux & le vuide & le plein:
Le vuide, quand mon verre eft rempli de bon vin,
Et le plein quand mon verre eft vuide.

Les

Les heritiers desherités.

Non, je ne comprens pas de plaifir plus charmant,
Que de voir d'heritiers une troupe affligée,
Le maintien interdit & la mine allongée,
Lire un long teftament où, pales, étonnés,
On leur laiffe un bon foir, avec un pied de néz
Pour voir au naturel leur trifteffe profonde,
Je reviendrois, je crois, exprès de l'autre Monde,
Sur le Panier des Dames.

Je fuis d'invention nouvelle,

Mon nom n'eft pourtant pas nouveau.
Je fais en apparence ajufter au niveau,
La Femme groffe & la Pucelle.
En Province comme à la Cour,
Mon art a paru nécessaire,
Pour repandre un nouveau miftere
Sur les mifteres de l'Amour.
Le Temperamment le plus fage,
Après avoir bien combattu

A la faveur de mon ufage

Fait fouvent brêche à fa vertu."
Le Beau-fexe, plein d'inconftance,
M'inventa pour s'orner, contenter fes defirs
Et cacher à la Medifance

Le revenu de fes plaifirs.

Néceffité d'ufer de Tabac.

Du Tabac, de l'Amour chacun est entêté ;
Le Soldat & l'Abbé, la Coquette & la Prude,
Par le bel air d'abord on s'y trouve porté,
Ce bel air du plaifir eft bientôt escorté,

Le plaifir devient habitude,

Et l'habitude enfin devient néceffité.

Comment il faut user de l'Amour & du Tabac.
Le Tabac & l'Amour flattent tous deux nos fens,
Ufons de tous les deux de la même maniere;

Et quand nous n'aurons rien à faire,
Prenons-en pour paffer le tems.

Leur

Mr. van Effen.

Leur doze.

Bour

fault.

Le Brun.

Le Tabac & l'Amour fe reffemblent fort bien
Beaucoup, caufe du mal, un peu ne gâte rien.
Le Petit-maître & le Gueux.

Un Petit-maître, après mauvaise chance,
Sortoit du jeu la tabatiere en main.
Un Gueux paffoit qui vint à lui foudain,
Lui demandant l'aumône avec inftance:
Des deux côtés grande étoit l'indigence.
Il ne me refte, Ami, dit le Joueur
Que du Tabac, en veux-tu? Serviteur,
Repond le Gueux, qui n'étoit pas novice,
Nul befoin n'ai d'éternuer, Seigneur,
Chacun me dit affez, Dieu vous bénisse.

Reponse d'une jeune veuve fur un fecond mariage.

On me parle déja de me remarier;

Mais je tiens au deffunt par de fi fortes chaines,
Que je n'y veux penfer, de plus de trois semaines.

Maniere de pleurer un mari.

Pour pleurer un mari d'une maniere honnête,
Il faut negligemment favoir pencher la tête;
Avoir la gorge nue, & laisser à dessein
Couler, par-ci par-là, des larmes fur fon fein;
Eviter les hauts cris, que la Canaille jette,
Avoir un air ftupide, une douleur muette,
Regarder fon malheur avec tranquillité:
Voilà comme l'on pleure en Gens de qualité.
Mais fi quelque Bourgeoife, ou fimple Demoiselle,
Ofoit pleurer de même, on fe moqueroit d'elle.

Le pays du Mariage.

Le pays du Mariage

Eft un drole de pays.

Quoique pour l'habiter l'Etranger faffe rage,
Les Habitans voudroient qu'ils en fussent bannis.

MA

MADRIGAL.

Ce que c'est que le Mariage.

Aimer une Beauté Chef-d'œuvre de nature,"
Amans, pardonnez moi cette comparaifon,
C'eft d'un poignard doré fe faire une bleffure,
Ou dans un riche Vafe avaler du poison.

Il y a peu de Mariages delicieux.
Quand un mari, quand une femme,
Vivent de telle forte entre eux,

Que ce n'eft qu'un cœur & qu'une ame,
Il n'eft point d'état plus heureux.
Mais fi l'on s'en rapporte à ceux
Qui font fous la loi conjugale,
C'eft la Pierre Philofophale,

Que n'être qu'un, quand on eft deux.
Définition de l'Amour.

C'eft le Lutin qui fait qu'on ne dort pas,

Qu'on ne vit qu'à demi, qu'a toute heure on expire;
Qui, dès le grand matin, tourne & hâte nos pas,
Vers un objet qui fait notre martire.

C'est ce charmant accord qui nous force d'aimer,
C'est ce je ne fçais quoi qu'on ne peut exprimer.
En un mot, c'est ce feu, toujours infatiable,
Qui nous dévore & nous fuit en tout lieu.
Plufieurs difent que c'est un Dieu,
Pour moi je crois que c'est un Diable.

Macette avec un Nain.

Macette qui fe divertit,

Pretend être toujours pucelle,

Et croit fon peché fort petit,

Parce qu'un Nain couche avec elle.

Des plus grands maux, Il faut choisir le moindre.

Durante las du célibat,

Las de paffer fes jours dans le libertinage,

Crut qu'il devoit changer d'état,
Et fe foumettre enfin au joug du Mariage,
Q

Ов

Le Brun

Regnier
Defma-

Yets.

M.Thi bant.

Baraton.

1

On lui propofa deux partis,
Une femme groffe & doduë,
Une autre petite & menuë,
C'eft de quoi contenter les divers appetits.
Toutes deux étoient fort de mife;

Il choifit la petite, & dit d'un ton railleur:
Ma foi de telle marchandise,

Le moins qu'on en peut prendre eft toujours le meil
leur.

Difference d'une Belle femme d'une Laide.
N'allons point, dit Daphnis, difputer fur les goûts,
Et laiffons marier les Foux:

Jamais l'homme fenfé de l'Himen ne s'entête.
Pour moi, dans la Beauté comme dans la Laideur,
Je ne vois que fujets de chagrin & d'horreur.
La Belle fait mal à la tête,
Et la Laide fait mal au cœur.

Avis à un mari.

Ne divertiffez point les fonds,
Deftinés pour la paix de votre mariage,
Encore aurez-vous peine, ufant de ce ménage,
A payer toutes les façons
Que demande un fi grand ouvrage.

RONDEAU.

Vangeance préméditée.

JE ne fais quoi me trouble la cervelle

Difoit tout bas une gente Donzelle:
Si quelque Amant, qui m'aimât tout de bon,
Me propofoit le Matrimonion,

Je ne croirois devoir être cruelle.

Dans mon miroir je me trouve affez belle,
Lasse je suis du tître de Pucelle,

Me figurant dedans cette union

Je ne fçais quoi.

Point ne voudrois d'inconftant, d'infidelle;

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