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Cependant retiré dans fon appartement,
Il me fait rappeller avec empreffement;
Cleon, pour qui ma mort eft un doux facrifice,
Ne voit qu'avec regret retarder mon fupplice.
Il me charge de fers & fans fuite & fans bruit
Jufqu'au près du Tiran le traitre m'introduit.
Il étoit desarmé, fans gardes, fans deffence,
Mais ne redoutant point ma haine & ma vangeance,
Il ordonne à Cleon de s'éloigner de nous:
Il fort; & le Tiran enflamme de couroux :
Tu vas mourir, dit-il, mais ma jufte colere
Par ta mort feulement ne peut fe fatisfaire;
Et je veux que ta fille expirant dans tes bras.........
Il alloit achever lorsque Leonidas.

Sans fe faire annoncer, à nos yeux Le présente
Torax l'accompagnoit, l'action vehemente
Qu'on voit dans leurs difcours, fait connoitre aisément
Que l'un & l'autre ont eu quelque grand different.
Clearque veut enfin que l'un deux l'eclairciffe
Torax eft le premier qui demande justice,
Son recit n'eft mêlé que de confusion
Et tandis qu'il écoute avec attention,
Leonidas avance & d'une main hardie

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De deux coups de poignard le fait tomber fans vie
Au même inftant, ces deux fiers ennemis,
Pour m'arracher mes fers redeviennent amis.
Alors Leonidas m'embraffe avec tendreffe:
Venez, Seigneur, dit-il, fecondez notre adresse,
Nous venions en ce lieu pour venger votre mort,
Nous vous trouvons vivant, partagez notre fort.
A ces mots du Tiran, il apperçoit l'épée,
De tant de fang illuftre injuftement trempée,
S'en faifit, me la donne & fuivi de Torax
Nous fortons, quand Cleon veut arreter nos pas.
Malgré l'etonnement dont fon ame est saisie,
Il appelle les fiens pour défendre fa vie.
Mais fa vûe excitant ma haine & ma fureur,
Et de mes jeunes ans rappellant la vigueur,
Je lui fais éprouver, qu'un généreux courage
Ne fuccombe jamais fous le fardeau de l'âge.

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Je

Je l'attaque, & le fort fecondant me's souhaits,
Par la mort à l'instant, punit tous fes forfaits.
Ton invincible amant feconde ma victoire
Et par mille actions qui le couvrent de gloire
Il nous ouvre un chemin jufqu'au lieu ou Torax
Avoit placé tantôt fes fidelles foldats.

Les portes du Palais à l'inftant font ouvertes,
Et chacun oubliant fes malheurs & fes pertes,
Demande avec ardeur à voir Leonidas,

Et malgré fes efforts nos plus braves foldats
Lui font au milieu deux, un trone de leurs armes..

EPITRE

A une Actrice de la Comedie Françoise.

J

Eune Goffin, reçois mon tendre hommage, Reçois mes vers au Théatre aplaudis, Protege-les. Zayre eft ton ouvrage,

Il eft à toi puifque tu l'embellis.

Ce font tes yeux, ces yeux fi pleins de charmes,
Ta voix touchante, & tes fons enchanteurs,
Qui du critique ont fait tomber les armes.
Ta feule vue adoucit les cenfeurs,
L'illufion, cette Reine des cœurs,
Marche à ta fuite, infpire les allarmes,
Les fentimens, les regrets, les douleurs,
Et le plaifir de repandre des larmes.

Le Dieu des vers qu'on alloit dédaigner
Eft par ta voix aujourd'hui fur de plaire;
Le Dieu d'Amour à qui tu fus plus chere,
Eft par tes yeux bien plus fûr de
regner.
Entre ces Dieux deformais tu vas vivre:
Helas! long-tems je les fervis tous deux,
Il en eft un que je n'ofe plus fuivre;
Heureux cent fois le mortel amoureux
Qui tous les jours peut te voir & t'entendre;
Que tu reçois avec un fouris tendre,
Qui voit fon fort écrit dans tes beaux yeux,
Qui meurt d'amour, qui te plait, qui t'adore

Voltaire,

Qui pénétré de cent plaisirs divers,
A tes genoux oubliant l'Univers,
Parle d'amour, & t'en reparle encore
Et malheureux qui n'en parle qu'en vers.

FRAGMENS

De la Tragedie de Zaire & de la Parodie.
Scene II. du premier acte de Zaïre.
Orofmane & Zaire.
Orofmane.

Ertueufe Zaïre, avant que l'Hymenée,
Joigne à jamais nos cœurs & notre destinée,
J'ai cru, fur mes projets, fur vous, fur mon amour,
Devoir en Musulman vous parler fans detour.
Les Soudans qu'à genoux cet Univers contemple,
Leurs ufages, leurs droits, ne font point mon exemple;
Je fais que notre loi favorable aux plaifirs,
Ouvre un champ fans limite à nos vaftes defirs,
Que je puis à mon gré, prodiguant mes tendresses,
Recevoir à mes pieds l'encens de mes Maitresses,
Et tranquille au Serail, dictant mes volontés,
Gouverner mon pays du fein des voluptés;
Mais la moleffe eft douce & fa fuitte eft cruelle;
Je vois autour de moi cent Rois vaincus par elle,
Je vois de Mahomet ces laches Succeffeurs,
Ces Califes tremblans dans leurs tristes grandeurs,
Couchés fur les débris de l'Autel & du Trône,
Sous un nom fans pouvoir, languir dans Babilone.
Eux qui feroient encor, ainfi que leurs ayeux.
Maitres du monde entier, s'ils l'avoient été d'eux.
Bouillon leur arracha Solime & la Sirie;
Mais bien-tôt pour punir une Secte ennemie,
Dieu fufcita le bras du puiffant Saladin;
Mon pere après fa mort, affervit le Jourdain,
Et moi foible heritier de fa grandeur nouvelle,
Maitre encor incertain d'un Etat qui chancelle,
Je vois ces fiers Chrétiens, de rapine alterés,
Des bords de l'Occident vers nos bords attirés;
Et lorfque la trompette & la voix de la guerre,

Du

Du Nil au Pont- Euxin font retentir la terre,
Je n'irai point en proie à de laches amours,
Aux langueurs d'un Sérail abandonner mes jours.
J'attefte ici la gloire, & Zaïre, & ma flamme
De ne choisir que vous pour maitreffe & pour femme,
De vivre votre ami, votre amant, votre époux,
De partager mon cœur entre la guerre & vous.
Ne croyez pas non plus, que mon honneur confie
La vertu d'une époufe à ces monftres d'Asie,
Du Serail des Soudans gardes injurieux,
Et des plaifirs d'un Maitre efclaves odieux:
Je fais vous estimer autant que je vous aime,
Et fur votre vertu me fier à vous même:
Après un tel aveu, vous connoiffez mon cœur,
Vous fentez qu'en vous feule il a mis fon bonheur,
Vous comprenez affez quelle amertume afreuse
Corromproit de mes jours la durée odieuse,
Si vous ne receviez les dons que je vous faits,
Qu'avec ces fentimens que l'on doit aux bienfaits;
Je vous aime Zaïre, & j'attens de votre ame
Un amour qui reponde à ma brulante flâme.
Je l'avouerai, mon cœur ne veut rien qu'ardemment,
Je me croirois hai d'être aimé foiblement,
De tous mes fentimens tel est le caractere,
Je veux avec excès vous aimer & vous plaire.
Si d'une égale amour votre cœur eft épris,
Je viens vous époufer, mais c'est à ce feul prix
Et du noeud de l'hymen l'étreinte dangereufe,
Me rend infortuné s'il ne vous rend heureuse.

Zaire.

Vous, Seigneur, malheureux! ah! fi votre grand cœur
A fur mes fentimens pû fonder fon bonheur,
S'il depend en effet de mes flâmes fecrettes,

Quel mortel fut jamais plus heureux que vous l'êtes!
Ces noms chers & facrés & d'amant & d'époux,
Ces noms nous font communs ; & j'ai par deffus vous
Ce plaifir fi flatteur à ma tendreffe extrême,
De tenir tout, Seigneur, du bienfaiteur que j'aime,
De voir que fes bontés font feules mes deftins,
D'être

D'être l'ouvrage heureux de fes auguftes mains,
De révérer, d'aimer un Heros que j'admire.
Oui, fi parmi les cœurs foumis à votre Empire,
Vos yeux ont discerné les hommages des miens
Si votre augufte choix. . .

PARODIE
Diaphane, Temire.
Diaphane.

Madame un long difcours me feroit néceffaire,

Pour dire comment j'aime & comment je veux

plaire;

Je vous pourrois ici nommer tous mes Ayeux,
Vous conter leurs exploits, mais ne parlons point d'eux
Et ne retraçons point les illuftres miferes

Qu'éprouverent autrefois les Sultans mes confreres
Je fuis peu leur exemple, & loin de me géner,
A mes feuls fentimens je me laiffe entraîner.
Au fein des voluptés bien loin que je m'endorme,
Si je tiens un Serail, ce n'eft que pour la forme,
Les loix que dès long-tems fuivent les Mahomets,
Nous defendent le vin; moi je me le permets;
Tout ufage ancien cede à ma politique,
Et je fuis un Sultan de nouvelle fabrique.
Mais parlons de l'amour dont je brule pour vous;
Je ferai votre ami, votre amant, votre époux.
J'attefte vos bos yeux, & l'amour qui m'enflame
De ne prendre que vous pour maitresse & pour
femme
Eft-ce affez! Tem. Oui, Seigneur, je ne veux rien
de plus,

Voila de quoi fixer des vœux irrefolus;
Et fi vous n'afpirez qu'à des ardeurs parfaites
Jamais Sultan ne fut plus heureux que vous l'étes.

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