Quand vous donnez un nom, il voudroit tout de
Recevoir un honneur qui lui femble fi doux, Vous nomez celui-ci, fon bonheur eft extrêmé, Vous étes fa Maraine, il eft content de vous.
Mais pour cet autre enfant qui n'eft fait que de flamme, Que depuis fi long-tems je nourris dans mon ame, Ce cher fils de mon cœur, & de votre beauté:
Ce fils qui voudroit tant que fa Maman fut bonne, Cet enfant qui fe plaint de votre cruauté
Quel nom, divine Iris, voulez vous qu'on lui donne.
Je fuis un impudent, un fot, un téméraire, Je n'ai point de raifon, j'ai l'efprit mal tourné, Je n'ai pour tout talent que celui de déplaire, Indigne de vous voir, digne d'être berné.
Voila, Philis, les épithetes
Que je reçois de vous en l'humeur où vous étes. Et de tout ce couroux, vous avez pour raison, Que ma main a voulu toucher votre teton. C'est trop punir, Philis, une main criminelle, Que nous fommes, helas, bien differens d'humeur Pour toucher votre fein vous me faites querelle; Et je ne vous dis mot d'avoir touché mon cœur.
Sur un fermon de l'amour du Prochain.
Notre Prédicateur a ce jour fait miracle. En nous prêchant qu'il faut aimer;
Son fermon en mon coeur n'a point trouvé d'obftacle, Par fon docte difcours il a fu me charmer,
Jamais homme à mon gré ne dit mieux une chofe Enfin prêchant l'Amour il a bien reuffi,
Il a touché mon coeur; mais en voici la cause Je l'écoutois, Philis, & vous voyois auffi.
On avoit promis mille écus à celui qui reuffiroit le mieux à faire l'éloge du Grand Prince de Condé,
Pour célébrer tant de vertus
Tant de hauts faits & tant de gloire, Mille écus, fandis, mille écus!
pas un fol par victoire.
PLACE T. A Louis XIV.
I ne m'appartient pas d'entrer dans vos affaires, Ce feroit un peu trop de curiofité. Cependant l'autre jour, fongeant à mes miferes, Je calculois le bien de votre Majefté Tout bien compté, j'en ai la memoire recente, Et le calcul en eft facile & court:
Il doit vous revenir cent millions de rente, Qui rendent à peu près cent mille écus par jour; Cent mille écus par jour en font quatre par heure Pour reparer les maux preffans,
Que le tonnerre à fait en ma maison des champs Ne pourrois-je obtenir, SIRE, avant que je meure Un quart d'heure de votre tems.
L'encens qu'on donne à la Prudence Met mon efprit au defefpoir.
A quoi donc nous fert-elle? A faire voir d'avance Les maux que nous devons avoir. Eft-ce un bonheur de les prévoir ?
Si la cruelle avoit quelque regle certaine Qui pût les écarter de nous,
Je trouverois les foins qu'elle donne affez doux: Mais rien n'eft fi trompeur que la prudence humaine, Helas? prefque toujours le détour qu'elle prend Pour nous faire éviter un malheur qu'elle attend, Eft le chemin qui nous y mene.
Pourquoi une femme fe trouve au Rendez-vous ?
Que donne une amoureuse flamme,
Ne detruit point la liberté;
Car alors qu'une honnête femme Donne un rendez-vous quelque jour, Elle y va pleine de tendreffe,
Non pas pour tenir fa promeffe,
contenter fon amour.
Si la fidelité ne confifte que dans le cœur.
Je fais fort bien que la débauche, Tantôt à droit tantôt à gauche, Deshonnore infailliblement La Maitreffe plufque l'Amant: Cependant je tiens pour maxime Qu'à tous deux; c'eft un même crime, Et que le commerce des fens, Où, l'on n'a point d'engagement, N'eft pas moins contre la tendreffe De l'Amant que de la Maitresse
Vous vous trompez fort lourdement Quand vous croyez, comme Evangile, Qu'à vous feul, trop injuftement,
Il eft permis d'être fragile.
La Dame auroit raifon de vous repondre ainfi ;
Et moi je fuis fragile auffi.
Differents goûts en amour.
Chacun aime à fa guise
Adorable Belife
L'un veut aimer, mais chaftement. L'autre fans s'attacher veut de l'emportement, Tous ces gens là prennent l'amour à gauche, Et lui donnent un mauvais tour.
Il ne faut pas aimer pour la feule débauche, Belife, il faut mêler la débauche à l'amour.
Le P.35. A Près plus de fix mois de foins & de tourmens,
Après avoir fait pour vous plaire
Tout ce qu'ont jamais fait les plus tendres Amans. En vain plus de cent fois j'ai demandé falaire: Vous m'avez toujours repondu,
Que mes peines, mes maux, mes foins & mes fervices Etoient en votre efprit autant de bien perdu. Lors pour vous exempter du plus fales des vices, Pour empêcher enfin votre cœur d'être ingrat, Hier au foir je voulus fans bruit & fans éclat, Moi même me payer de ma rude fouffrance, Je furpris des faveurs malgré tous vos dedains, Mes mains fur vos appas prirent quelque licence, Ne m'en dites plus rien, tous vos tranfports font vains,
Serois-je ma Philis, un homme de finance, Si je ne favois pas me payer par mes mains.
MADRIGA L.
La Belle Plaideufe.
Ous vous vantez infolemment D'avoir bravé le Parlement,
De n'avoir point trouvé de juges infenfibles, D'avoir fait du plus vieux le plus foumis Amant Et d'avoir corrompu les plus incorruptibles Savez vous bien, Philis, que cette vanité Que votre beauté s'attribue
N'eft pas avantageuse à votre chafteté? Pour corrompre les gens, dites en vérité, Eft-ce qu'il ne faut pas être fort corrompue? Portrait de l'Intrigue.
Je fournis aux Mortels l'addreffe, l'industrie, Les refforts, la tournure, & ce manége heureux.
Qui force la fortune à feconder leurs vœux, - Je fers l'amour, la gloire & la fortune, J'accorde à qui me plait, les graces, les emplois ; Je gouverne à mon gré cette foule importune. D'efclaves attachés à la fuite des Rois:
Voila mon centre, & c'eft fur tout où je m'exerce; J'y fais mouvoir un peuple adroit, fouple & rufé; Là, chacun l'un par l'autre eft toujours abufé: Tel y croit renverfer celui qui le renverfe. Pour parvenir à tout, j'enfeigne les moyens; J'entretiens en fecret parmi les citoyens Une éternelle concurrence;
Heureux, fi le mérite obtient la préference, J'agis pour & contre à la fois.
Le miftere eft fur tout l'ame de mes exploits, La plus fine manœuvre, & la mieux inventée Dès qu'elle éclatte un peu, ne peut plus réuffir; Je m'évapore; ainsi qu'une mine évantéc.
Portrait de l'Imagination.
Soudaine, impetueufe, impreuve, infinie, Heureux l'efprit en qui l'on me voit dominer! Je fais imaginer, J'y mets ce feu divin, cette féconde yvreffe Qui dévelope & fait valoir fes facultés: Je l'éleve au deffus de fa propre foibleffe, Au deffus de l'art même, & des difficultés J'enivre les mortels des plus douces idées, Et qu'importe après tout, qu'elles foient mal fondées. Je les promene au gré de leurs propres défirs, Je mefure à leur goût leur joie & leurs plaifirs, Je fais plus, je nourris, avec un foin extrême La bonne opinion que l'on a de foi-même, Par exemple, je fais qu'un auteur éconduit N'impute fes revers qu'au malheur qui le fuit; Je le rends infenfible au fifflet qui le berne; Et j'encourage encor fa verre fubalterne A braver le Public juftement irrité...... Je flatte deux Amans, dont l'amour eft extrême,
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