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Mais Paris quelquefois venoit dans mon Village; J'entens quelques Amis qui venoient bonnement Me voir & manger mon potage.

Je les traitois fort fobrement,

Mes pigeons, mes poulets, tout leur fembloit char

mant.

On parloit de l'Amour, & jamais de la guerre;
Je plaignois le Roi d'Angleterre,
Sans deffein de le foulager:

Je laiffois aux Heros le foin de le vanger:
La gloire & les honneurs n'étoient pas ma foibleffe:
Et je me piquois de Nobleffe,
Seulement pour ne pas payer

La taille & les impôts que paye un Roturier.
Aujourd'hui j'ai regret d'être né Gentilhomme;
Ce titre glorieux m'affomme.

Helas! il me contraint, dans ce malheureux an,
De paroître à l'Arriéreban

O! vous, mon bifayeul de tranquille mémoire,
Dont les Armes n'étoient que l'aune & l'écritoire;
Qui viviez en Bourgeois & poltron & prudent,
Reconnoiffez en moi votre vrai defcendant!
Pourquoi de votre argent votre fils ou mon Pere,
A-t-il acquis pour moi ce qui me defefpere?
Cette Nobleffe enfin, qui par néceffité,
Me fait être guerrier contre ma volonté ?
Adieu mon cher Jardin. qui fûtes mes délices?
Adieu de mes lets-d'eau les charmans artifices;
Adieu Fraises, adieu Melons;

Adieu Côteaux, adieu Vallons.
Afin de foulager le chagrin qui me preffe,
Que vos Echos difent fans ceffe:
Notre Maître qui fut fi doux,

Qui fuioit la fatigue & qui craignoit les coups,
Eft allé s'expofer a la fureur des armes.
Ciel, par un promt retour, finiffez, fes allarmes!

STAN

P

STANCE S

A Philis. Difference des âges.

Hilis, mes beaux jours font paffez,
Et mon fils n'est qu'a son aurore,
Pour vous il est trop jeune encore,
Et je ne le fuis plus affez.

Une maligne destinée

Nous difpenfe de votre loi:
Vous naquîtes trop tard pour moi,
Trop-tôt pour lui vous êtes née.

Ni moi, ni ce jeune écolier
Ne faurions comment nous y prendre;
A peine il commence d'apprendre,
Et je commence d'oublier.

Que vôtre bonheur & le nôtre,
Seroient charmans & merveilleux,
Si ce qui manque a l'un des deux,
Pouvoit fe retrancher de l'autre.

Si de mon âge joint au fien,
On faifoit un égal partage,
Et qu'on ajoutât à ion âge
Ce que l'on ôteroit du mien.

Par là vous pourriez voir éclore
Pour vous deux Amans à la fois;
Je deviendrois ce que j'étois,
Et lui ce qu'il n'eft pas encore.

Mais pourquoi former ce defir?
Si no re âge aprochoit du vôtre,
Nous ferions rivaux l'un de l'autre,
Et vous auriez peine à choisir.
Que mon fils donc feul y prétende;
Que pour poffeder vos appas,
L'Amour en lui double le pas,
Et que votre beauté l'attende.

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Le P.
Derel

La Fon

Laine.

Que fera-t-elle en l'attendant ?
Votre cœur avant qu'il s'engage
Voudroit-il fe mettre en ôtage,
Entre les mains d'un confident?
Mais Dieux! quelle affurance prendre
Sur ce jeune cœur en dépot!
Tel qui l'auroit mourroit plûtôt,
Que de fe refoudre à le rendre.

Ce cœur, s'il vouloit prendre avis
Sur un fi délicat myftere,
Pourroit effayer fur le Pere,
Comment il aimera le Fils.

Pourquoi de deux personnes qu'on voit la premiere fois,
on aime l'un plutôt que l'autre.

Qui peut faire naître dans moi

Ces fentimens inconnus à moi-même;

Je fai fort bien que je vous aime,
Et je ne puis dire pourquoi.

Je ne vous connois point, je ne connois point l'autre,
J'entre en vos intérêts dès le premier instant:
Peut-être fon merite égale bien le vôtre,
Mais il ne me touche pas tant.

Je vous ai vû; j'ai pris parti;
Cela fe fait fans que l'on délibere,
Sans même qu'on penfe le faire:
J'ai vû l'autre, & n'ai rien senti.

C'est l'inégalité qui fait la préférence;
Sans qu'il vous cede en rien vous étes fon vainqueur,
Je ne vois entre vous aucune différence,
Mais je la fens bien dans mon cœur.

Parole de Socrate fur les Amis.

Socrate un jour faifant bâtir

Chacun cenfuroit fon ouvrage,

L'un trouvoit les dedans, pour ne lui point mentir,
Indignes d'un tel perfonnage!

L'autre blamoit la face, & tous étoient d'avis

Que

Que les appartemens en étoient trop petits.
Quelle maifon pour lui? L'on y tournoit à peine,
Plût au Ciel que de vrais amis

Telle qu'elle eft, dit il, elle pût être pleine!
Le bon Socrate avoit raifon

De trouver pour ceux-là trop grande fa maison:
Chacun fe dit ami; mais fou qui s'y repose,
Rien n'est plus commun que ce nom,
Rien n'eft plus rare que la chofe.

Les devoirs de l'amitié,

N'attendez pas toûjours que du befoin preffé,
Vôtre ami vous apporte un air embarraffé,
Et vous vienne expliquer d'une bouche interdite
L'humiliant détail du bien qu'il follicite.
Prévenez un difcours, qui doit le chagriner,
Pour aider fes befoins fachez les deviner,
Qu il ignore avec vous les termes dont on prie,
Et fache, tout au plus, ceux dont on remercie.
Toûjours un riche avare à l'argent attaché
Veut, pour en faire part, qu'il lui foit arraché,
Et n'en piête jamais, qu'autant qu'on peut furprendre
Tous les retranchemens dont il fait fe défendre:
Son portier a toûjours des ordres rigoureux,
De n'admettre chez lui que des amis heureux,
Et d'eloigner tous ceux en qui l'humble figure
D'un redoutable emprunt porte le trifte augure,
Evitez d'un refus l'artifice groffier,

Et dès que votre ami s'abaiffe à vous prier,
Venez, la bourse en main, montrer que la fortune
Doit entre les amis être toûjours commune,
Sur lui, fans héliter, repandez vos bienfaits,
Ou bien à l'amitié renoncez pour jamais.
De l'amitié l'argent eft la pierre de touche,
C'eft par là des fermens que donne vôtre bouche,
Du dévoûment par vous tant de fois protesté,
Qu'en connoit la valeur, qu'on fonde la bonté;
Par là du faux clinquant d'une vaine promesse
On fait démêler l'or d'une pure tendreffe;
C'eft par là, qu'éprouvant un éclat incertain,
K 4

Dans

L'Abbé

de Vil

liers.

Dans une bouche d'or on trouve un cœur d'airain.
Mais ce n'eft pas affez qu'une main toûjours promte
Prévenant d'un ami la priere & la honte,
Sache aller au devant de fes tristes befoins,
L'amitié veut encor des égards & des foins.
Il faut, fi vous voulez en tout vous rendre aimables,
Honorer jufqu'à ceux qui vous font redevables,
Que jamais dans votre air on ne découvre rien,
Qui faffe deviner qu'on leur a fait du bien.
Que votre accueil ouvert, votre mine riante
Soûlage en eux le poids d'une dette pesante,
Qu'ils puiffent fans chagrin, fans honte vous devoir,
Et qu'après vos bienfaits ils aiment à vous voir.
Fuyez toûjours, fuyez certain faste bizarre,
Liberal en public, ailleurs toûjours avare,
Qui refufe aux befoins d'un ami malheureux
L'argent, qu'il lui prodigue en repas fomptueux,
Qui dun fecours caché fuit le prêt charitable,
Et ne paroît honête & liberal qu'à table.

D'un vertueux ami quand on a fait le choix,
On doit aimer toûjours ce qu'on aime une fois.
Loin des vers que j'écris la maxime odieufe,
Qui veut que l'amitié timide & fcrupuleufe,
Se fouvienne toûjours, s'engageant à demi,
Qu'un ami peut un jour devenir ennemi.
Que trifle et l'amitié que de la defiance
Embarraffe toûjours l'incommode prudence!
Quiconque à fes amis craint de fe confier
En vain du mon d'ami s'ofe glorifier,
Son amitié n'eft plus qu'une loi tirannique,'
Ou de timides foins un trafic politique.
Sachez plûtôt, fachez alors vous fouvenir
De ne point commencer ce qu'on peut voir finir.
Que d'un choix éclairé la prudente conduite
Nait jamais d'amitié qui puiffe être détruite.
If vaut mieux l'éviter, qu'interrompre fon cours;
Ne foiez point amis, ou foiez-le toûjours.

L'A

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