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La Sufe & Pelif

La hauteur eft par tout, odieufe importune,
Avec la politeffe un homme de fortune

Eft mille fois plus grand, qu'un Grand toujours gour
mé,

D'un limon précieux fe préfumant formé

Traitant avec dédain; & même avec rudeffe,
Tout ce qui lui paroit d'une moins noble espece;
Croyant que l'on eft tout quand on eft de fon fang
Et croyant qu'on n'est rien au deffous de fon rang.
Sur le livre de la pluralité des Mondes.
Selon qu'écrit cet Auteur,

Le firmament cache dans fa grandeur

Cent Mondes inconnus, à fes yeux comme aux nỗ

tres:

Si celui-ci de tous eft le meilleur,
Grand Dieu! que fera-ce des autres

Q

SONNE T.
Sur l'Amour.

Uand d'un efprit doux & difcret
Toujours l'un à l'autre défére;
Quand on fe cherche fans affaire,

Quand on fe quitte avec regret,
Quand on n'eut jamais de fecret
Dont on fe foit fait un miftere.

Quand on ne fonge qu'a fe plaire
Quand ensemble on n'eft point distrait.
Quand prenant plaifir à s'écrire,
On dit plus qu'on ne penfe dire,
Et beaucoup moins qu'on ne voudroit,

Qu'appellez-vous cela, la Belle?
Entre nous deux cela s'appelle
S'aimer beaucoup plus qu'on ne croit.

SON

SONNE T.

des Belles qui demandoient un fecret de paroles magiques pour fe faire aimer.

Pour qui Part des Demons met nos cœurs dans

Ourquoi me demander la rofe criminelle

les fers,

Vous de qui la magie eft blanche & naturelle,
Et fait qu'à vos appas tant de vœux font offerts?
Par vos charmes vainqueurs l'efprit le plus rebelle,
Rend graces à l'Amour des maux qu'il a foufferts;
La flame de vos yeux eft trop pure & trop belle
Pour unir fa puiffance à celle des Enfers.

Ce beau teint qui fait naitre & les lis & les rofes,
Forme un enchantement de tant de belles chofes,
Que leur force invincible a droit de tout charmer.
Mais pour vous mieux fervir de leur pouvoir extrême,
Ajoutez feulement ces trois mots: Je vous aime,
Qui pourra s'empêcher alors de vous aimer?

SONNET.

Aux mêmes qui refufoient de fe fervir de ces
trois mots.

Orfque vous refufez d'un air un peu farouche,
D'ufer de ces trois mots qui charmeroient les
Dieux, A

Et flechiroient un coeur auffi dur qu'une fouche,
Mon fecret ne doit point vous paroitre odieux.

Ces trois mots enchanteurs, dont la douceur nous touche,

Contre la pureté n'ont rien d'injurieux;

Puifque je n'entends pas qu'on les dife de bouche,
Il fuffit pour charmer qu'on les dife des yeux.
Et pour vous temoigner que ce fut ma pensée
Par qui votre pudeur ne peut être offensée,
C'est qu'autrement le charme en feroit moins puiffant

La

Danchet.

La bouche est trop fouvent un organe infidelle;
Mais l'Amour exprimé par les yeux d'une belle,
Dans ces miroirs du cœur fait bien voir ce qu'il fent

P

EPITAPHE

D'un Poëte.

Affant révére ce Tombeau

Qui contient l'efprit le plus beau
Qui parut jamais en lumiere,

Admire en même tems l'Auteur de l'Univers,
Cet homme qui donna la forme à tant de vers
En eft devenu la matiere.

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Rouffean. Le Soleil adoroit la Reine de Paphos
Et difputoit à Mars le cœur de l'Immortelle
Lors qu'un coup du deftin fatal à fon repos
Du bonheur d'un Rival le fit temoin fidelle.

Confus, defefperé, jaloux
fe vanger d'un fi cruel outrage

Il court pour

Mais au milieu de fon couroux,
Une fecrete voix lui tenoit ce langage,
Où portes tu tes pas!
Etouffe ta colere;
Et ne t'aveugle pas
Quand la Raifon t'éclaire,

Tous ces efforts jaloux
Qu'excite une infidelle

La vengent mieux de nous
Qu'ils ne nous vengent d'elle.

Ainfi loin de punir
L'ingrate qui t'offence,
Tache d'en obtenir
Le prix de ton filence.

Fai lui payer ta foi:
Prefle, prie, intimide.
L'Amour fera pour toi,
Si la Raifon te guide.

Foible Raifon, helas! Le Dieu plein de fureur
Chez l'Epoux de Venus va fouffler la terreur.
Dans un reduit obfcur, ignoré, folitaire,

Ses yeux, fes yeux ont vu

taire.

ce qu'il ne peut plus

A ce difcours Vulcain, de rage poffedé,

N'afpire qu'à confondre une Epoufe perfide. Malheureux! Mais l'Himen fut toujours mal guidé Quand il prit le couroux pour guide.

Autour de ce reduit heureux

Théatre où les Amours celebrent leur victoire,
Il difpofe avec art d'imperceptibles nœuds,
Piege où doit expier leur honneur & fa gloire,
Craignez, Amants trop heureux,

Votre felicité même.

Plus un bonheur eft extrême,
Et plus il eft dangereux.

Le Dieu qui vous fait aimer
Vous enivre de fes charmes:

Mais d'un amour fans allarmes
On doit toujours s'allarmer.
Victimes de leur negligence,

Mars & Venus furpris font la fable des Cieux.
Déja tout fier de fa vengeance,
Vulcain à ce fpectacle appelle tous les Dieux:
Deja fur cet objet leur troupe fe partage:
Quand tout à coup Momus court à ce Dieu peu fage,
Et d'un laurier burlesque orne fon triste front.
Tout l'Olimpe éclata de rire;

Et Vulcain, effuyant mille traits de fatire,
S'en fuit, & dans Lemnos fut cacher fon affront,

Heureux qui fe rend maitre

D'un fterile couroux.

C'est être heureux Epoux,
Que de feindre de l'être;
Et plus on eft jaloux
Moins on doit le paroitre.
Venus fait fe contraindre
Elle fuit le grand jour
De fa paifible Cour

L'Himen doit peu fe plaindre;
Et ce n'eft point l'Amour
C'eft Momus qu'il faut craindre.

L'HIVE R

Vous dont le pinceau téméraire
Repréfente l'Hiver fur l'image vulgaire
D'un Vieillard foible & languiffant
Peintres injurieux, redoutez la colere
De ce Dieu terrible & puiffant.
Sa vengeance eft inexorable.

Son pouvoir jufqu'au Cieux fait porter la terreur.
Les efforts des Titans n'ont rien de comparable
Au moindre effet de fa fureur.

Plus fort que le fils d'Alcmene,
Il met les fleuves aux fers.
Le feul vent de fon haleine

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